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MAI
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L’ensemble du maillot actuel ‒ dit « français » ‒ se compose d’une chemise et de plusieurs brassières et d’une sorte de long étui « formé d’une serviette de linge dite « couche », dans les plis de laquelle on enveloppe séparément les jambes, et, par-dessus, d’un ou deux langes d’étoffe épaisse de coton ou de laine ». Le tout, enroulé autour du corps, à la hauteur des bras, avec ses bords superposés, épinglés selon la ligne du dos et le bas replié droit, a ainsi l’allure d’un sac. C’est dans ce fourreau, plus ou moins serré selon le caprice ou le « savoir » des mères ou des nourrices, que l’enfant accomplit, encore de nos jours, si je puis user de ce terme sans ironie, sa première étape dans la vie. À cet équipement… modernisé, certains substituent, soit dès les premiers temps, soit pour faire suite au précédent, un maillot ‒ anglais, cette fois, ‒ qui consiste principalement en un vêtement fait d’une robe ouverte devant et sans manches, avec deux couches triangulaires (l’une de toile, l’autre de laine), formant culotte.

Déjà, depuis longtemps, sous la pression du bon sens, allié à une meilleure connaissance de notre organisme, des médecins (Drs  Périer, Foveau de Courmelles, etc.), ont préconisé l’emploi du « maillot modifié », mais ils n’ont conseillé qu’avec timidité l’adoption de la méthode que pratiquent l’Angleterre et l’Amérique et dont nous avons souligné la simplicité judicieuse et les bienfaits à propos des « nourriceries », du Familistère de Guise. Ce procédé consiste à placer l’enfant dans le son où il s’ébat à son aise et d’où ses déjections sont facilement expulsées, quitte, dans les régions froides ou pour certaines natures débiles (qu’on entraînera d’ailleurs progressivement) à l’envelopper la nuit dans quelque chaud lainage suffisamment lâche où dans une pelisse appropriée à l’âge et à la saison. L’enfant grandissant, le vêtement se fera moins incommode, deviendra le petit manteau occasionnellement protecteur sur les robes courtes, légères et flottantes… On peut, on le voit, concilier la liberté des mouvements et les exigences de la croissance, obtenir la température suffisante et en commander l’équilibre, sans étrangler, comme à plaisir, les fonctions organiques.

Il n’y a pas si longtemps ‒ pour une fois, sous nos yeux, la mode s’est trouvée, assez tardivement, d’accord avec la nature ‒ que le corset tenait dans son étau le buste féminin et que les fillettes, sous prétexte de soutien… préalable, en connaissaient le supplice, bien avant la puberté. Ainsi se prolongeait le maillot première prison de l’enfance et symbole précoce d’esclavage physique… et moral. ‒ S. M. S.


MAIN. n. f. (latin manus). « Organe de préhension, siège principal du toucher, qui termine le bras de l’homme et de quelques animaux. » (Larousse). Des savants (Owen, P. Gratiolet) ont voulu définir l’homme comme étant le seul animal possédant deux mains et deux pieds. À ces prétentions, Huxley répond par cette objection que, d’une part, chez l’homme, c’est la civilisation qui a accentué les différences, nullement radicales à l’origine, du pied et de la main ; et que, d’autre part, c’est à tort qu’on dit le singe quadrumane, le membre postérieur du gorille se terminant par un véritable pied ayant un gros orteil mobile : « Ce pied, dit-il, est préhensile ; mais le pied des résiniers des Landes, selon Bory de Saint Vincent, le pied d’une femme de race blanche que Trémaux a vu retombée à l’état sauvage en Afrique, le pied toujours nu de l’homme qui marche dans des terres hérissées d’obstacles ou qui grimpe à des arbres fort branchus, présentent de petits orteils plus longs et un gros orteil en même temps plus écarté et plus opposable. »

Le pied possède, avec la main, quelques différences caractéristiques, telles : la disposition de l’os du tarse,

la présence des muscles courts fléchisseurs et extenseurs, l’existence du long péronier qui assure la solidité du gros orteil et en fait l’ordonnateur des mouvements du pied. On trouve ces particularités dans le pied des singes anthropoïdes. « Il suffit, dit à ce sujet le Dr  Duchenne, que les muscles de la racine du pouce soient atrophiés dans une main d’homme pour qu’elle présente un caractère simien »…

Renvoyant aux ouvrages spéciaux pour une étude anatomique de la main, pour diverses connaissances connexes, biologiques ou autres, ainsi que pour les considérations plus particulièrement dépendantes de l’anatomie comparée, et pour tant de curieux éclaircissements auxquels le transformisme a donné l’essor, nous nous contentons de consigner, ici, quelques observations générales, allant de l’anatomie à la psychophysiologie et que nous estimons typiques, et de marquer sommairement combien le rôle important joué par la main dans les mouvements de l’homme, a eu de rapports avec son évolution générale et a tourné vers elle une attention qui participe de tous les domaines de l’activité intellectuelle.

Helvétius disait : « C’est à la main, cet instrument des instruments, que l’homme doit toute son adresse et les arts qu’il exerce, enfin sa supériorité sur tous les animaux. » Et il ajoutait : « Si l’homme avait eu un sabot à l’extrémité de son bras, il n’aurait jamais fait un progrès. » Il y a, dans cette opinion, une part de vérité que le transformisme a mise au point. Sans rechercher ici la supériorité première de tel ou tel organe humain, nous pouvons dire que la question d’attribuer au cerveau ou à la main les raisons de la prodigieuse avance réalisée par l’homme sur les espèces environnantes comporte, si elle est tranchée systématiquement en faveur de l’un ou de l’autre, un absolu que contredit l’évolution.

La suprématie lointaine de l’homme (dont le départ remonte sans doute à quelque cause accidentelle) servie par certaines conditions initiales, des circonstances primitives favorables, a entraîné peu à peu toute une série de répercussions réciproques entre ses organes. Le besoin (entre autres la nécessité de répondre aux exigences d’organes plus avancés), a hâté maints développements et provoqué d’heureuses conformations. Le mouvement lui-même, l’usage fréquent, les fonctions nouvelles ont accentué la puissance des plus actifs. Parmi ces derniers, l’organe coordinateur par excellence : le cerveau, toujours porté à concevoir d’ingénieuses transformations, des œuvres toujours plus délicates, et la main, plus apte que tout autre par sa position et sa mobilité, à en faciliter l’exécution, ont entretenu des rapports constants. Et les réalisations et les possibilités excitant de nouvelles exigences, il s’en est suivi entre eux comme une émulation incessante et une course parallèle, toujours plus rapide, vers leur perfectionnement. À tel point qu’aujourd’hui, au degré de complexe capacité auxquels ils sont parvenus et que leur entente persistante accroît sans arrêt sous nos yeux, il apparaît que la réduction à l’impuissance, à un moment de l’évolution, de l’un de ces facteurs essentiels du progrès, eût entraîné pour l’autre une véritable paralysie. Une coordination continue et un mutuel appui nous rendent difficile de concevoir la marche de l’un privé du secours de l’autre. Quelle qu’eût pu être dans cette conjoncture le sens du développement de notre espèce, qui eût subi, nous semble-t-il, quelque grave stagnation mais qui peut-être eût trouvé à s’agrandir dans une autre voie, nos constatations actuelles nous permettent de noter entre les progrès de la pensée et la dextérité avertie de la main des relations qui comportent des portions multipliées de causalité. Une innervation particulièrement ramifiée et harmoni-