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NEV
1796

France où il est défendu d’en parler. L’école neutre, telle que la conçoivent ses dirigeants, n’est pas vraiment neutre ; elle a pour fin d’assurer le conservatisme religieux et social des majorités. La neutralité est une hypocrisie. Ce n’est qu’une fausse neutralité.

La neutralité, la vraie, ne se soucie ni des opinions ni des croyances des pères de famille et électeurs.

L’école n’est point faite pour les pères, mais pour les enfants, pour des enfants auxquels il faut former l’esprit et le cœur non pas seulement en vue de la vie d’aujourd’hui, mais aussi de celle de demain. Avoir un enseignement neutre, ce n’est pas choisir des sujets neutres, établir des programmes neutres, en laissant de côté tout ce qui passionne les hommes et qui est nécessaire à la virilisation de l’enseignement. Un enseignement neutre par sa matière est un enseignement d’eunuques.

Ce que nous voulons, c’est un enseignement neutre par son esprit. Nous voulons que celui qui enseigne distingue ce qui est vérité scientifiquement démontrée de ce qui est opinion et croyance personnelle. Sans doute, ce sont ces opinions, ces croyances qui nous sont les plus chères : les hommes ne se sont jamais passionnés pour les vérités scientifiques, ils se sont battus pour des croyance. Cependant, celui qui enseigne doit faire violence à son sentiment personnel pour ne pas violer la personnalité des enfants et exposer, impartialement, des croyances contraires aux siennes. Nous ne voulons ni faire accepter aux enfants leur milieu social, ni les dresser contre ce milieu, mais former leur esprit, c’est-à-dire les habituer à se former des opinions personnelles, des jugements, après avoir douté, observé, expérimenté à l’occasion, puis raisonné.

Ajoutons que ce travail de l’esprit doit s’appliquer à tous les sujets qui intéressent les enfants et sont à leur portée. Il est bien évident qu’il faut une certaine maturité d’esprit pour aborder certains sujets. Mais, à part. cette exception nécessaire, les éducateurs devraient, après avoir instauré dans leurs classes un régime de confiance mutuelle, considérer leur enseignement comme une réponse aux curiosités enfantines. Au dogmatisme de l’enseignement nous voulons substituer le libéralisme de l’enseignement, le pédagogue cessant d’être le Maître pour devenir l’aide.

Certains révolutionnaires trouveront de tels buts insuffisants. Ont-ils si peu de confiance en leur idéal pour penser que des enfants, habitués à observer les injustices comme le reste, et à raisonner, et dont le cœur et la volonté auront été formés comme nous l’avons indiqué ailleurs, ne deviendront pas d’eux-mêmes les meilleurs révolutionnaires ?

En résumé, la tâche des révolutionnaires est double : d’abord combattre cette fausse neutralité scolaire qui est le masque du conservatisme social ; ensuite défendre la vraie neutralité, c’est-à-dire, en définitive la meilleure éducation possible de l’enfant. — K Delaunay.


NÉVROPATHIE n. f. (du grec neuros, nerf, et pathos, souffrance). Il n’est pas possible de rencontrer dans la langue médicale un mot plus imprécis, ni plus difficile à définir, dans ses origines et dans son objet. Une telle appréciation est toujours un indice d’ignorance. Le médecin, dans son langage courant qui ne tarde pas à déborder du côté profane, use de termes très généraux pour étiqueter des tiroirs où il emmagasine au petit bonheur dans l’attente de mieux faire tout ce qui reste en deçà de sa connaissance.

Il ne faut pas en vouloir aux sciences expérimentales d’être imparfaites. Ne pouvant bénéficier de l’intuition ni surtout de la révélation réservée aux mystiques, elles regardent fatalement l’avenir et leurs précisions sont en proportion de leurs conquêtes sur l’inconnu.

Tout ce qui touche au fonctionnement normal ou pathologique du système nerveux sort à peine des limbes. Ce système, qui est à coup sûr le plus compliqué de ceux qui constituent les organismes animaux dont il représente le perfectionnement maximum actuel est assez bien connu dans son anatomie, mais sa physiologie laisse encore grandement à désirer. Quant à sa pathologie, elle est plus vague encore. Physiologie et pathologie sont corrélatifs. C’est par le morbide que l’on accède le plus souvent au physiologique et l’on sait que ce fut le cas dans la sphère nerveuse. Un grand progrès vit le jour quand Charcot tenta de jeter un peu de lumière sur la vie de la Psyché en partant des observations cliniques recueillies dans le vaste laboratoire de la Salpêtrière. C’est par la lésion cérébrale qu’il parvint à la découverte des localisations. Encore est-il qu’aujourd’hui nombre d’entre-elles sont contestées. Le célèbre centre de Broca relatif au langage articulé, localisation dont on fut longtemps si fier, n’est-il pas aujourd’hui battu en brèche ? Tout semble à recommencer. Et il s’agissait là de cas ou l’objet observé tombait, en quelque sorte, sous les sens. Que dire alors du domaine de la folie ou de ces névroses que nous allons rencontrer plus loin ?

Ici n’existe aucun point d’appui matériel dans la plupart des cas. C’est le triomphe de ce qu’on a appelé les maladies sine materia, ce qui est logiquement une absurdité, mais c’est tout au moins l’aveu d’une profonde ignorance.

Nous abordons en conséquence un chapitre où, tant du point de vue physiologique que du point de vue pathologique, nous serons obligé de disserter dans l’inconnu. Mais une encyclopédie est une étape et non pas une conclusion : une étape dans la marche à l’étoile de vérité ; c’est malgré tout quelque chose.



Dans le langage banal le mot névropathe désigne un sujet qui souffre des nerfs. Névropathie englobera tous les états pathologiques frappant le système nerveux. C’est formidable et cela demande tout de même à être un peu délimité.

Le système nerveux comprend trois parties : 1° centre, lequel comporte lui-même l’écorce cérébrale, la moelle et ce qui les relie, le mésencéphale ;

2° les nerfs périphériques ou voies de communications. centrifuges et centripètes entre le centre et le dehors.

3° Enfin le système sympathique qui tend à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans la compréhension de la vie nerveuse. C’est le système de la vie végétative ; ce sera le vaste territoire des émotions, celui que sous la dénomination de névropathie nous étudions surtout ici.

Éliminons d’emblée les affections des nerfs périphériques en tant qu’elles se traduisent par des désordres anatomiques connus, telles que les névrites (toxiques, syphilitiques, etc.), les névralgies (sciatique). Ces nerfs pourront être mêlés à l’histoire des névropathies, mais à titre secondaire.

Éliminons ensuite les maladies du système nerveux central dont les lésions anatomiques sont connues ou en voie de l’être, comme l’ataxie locomotrice, la sclérose en plaques, les hémorragies cérébrales, la paralysie générale. Cantonnées dans la moelle (myélopathie) ou dans le cerveau (cérébropathie), elles forment un ensemble assez délimité par l’existence même d’une base matérielle.

Tout le reste, comprenant les affections centrales sans lésions connues, par conséquent simplement fonctionnelles jusqu’à nouvel ordre, et tout ce qui rentre dans le territoire du sympathique, constituera le domaine de la névropathie. Ce sont, autrement dit, des états morbides atteignant le système nerveux dans son