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NOU
1805

de la Vierge, Joachim et Anne, celle du mariage de Joseph et de la naissance du Christ dans une caverne où se trouvaient un âne et un bœuf, l’Église n’ose les ranger parmi les écrits canoniques tant ils sont ineptes. L’art chrétien et la piété des fidèles s’en inspirent ; ils montrent seulement de quelles divagations sont capables les imaginations de croyants surexcités, de l’avis des érudits catholiques eux-mêmes. Ainsi, création toute idéale de la foi, l’enfant divin de la crêche n’eut jamais d’existence que dans le cerveau de ses serviteurs. Le Jésus de Bethléem, adoré par les bergers et les rois mages, s’avère un mythe sans fondement historique dès qu’on examine d’un peu près les textes anciens. Il reste qu’il inspira des œuvres artistiques d’un grand mérite, comme en inspirèrent les dieux de Grèce et de Rome, et le divin Buddha, et Mahomet le prophète, et les mythologies de tous les temps. Mais de la beauté à la vérité il y a un abîme que les plus adroits apologistes n’arrivent pas à combler ; la poésie de Noël paraît d’ailleurs assez pauvre à qui ne croit plus au divin. Mais les enfants et les simples s’y laissent prendre, ne pouvant supposer qu’on célèbre avec tant de pompe la naissance d’un homme qui peut-être ne vécut pas réellement.

Loin d’être sorti en bloc, d’un seul jet, de la conscience de ses fondateurs, le christianisme apparaît comme un syncrétisme qui absorba des matériaux déjà préexistants. Idées, mœurs, habitudes culturelles de l’époque furent d’une importance capitale pendant la lente évolution des débuts, en matière de rites comme en matière de dogmes. Pour la célébration de ses fêtes, pour la constitution de ses sacrements, l’Église consulta son intérêt immédiat ; très vite elle devint d’un opportunisme bien choquant pour qui la suppose guidée par le Saint Esprit. A l’Olympe où trônaient Jupiter et Junon, elle substitua le ciel où règnent Jésus et Marie ; la foison de ses saints remplaça la kyrielle des héros et des petits dieux. Dans bien des cas toute la différence se borna à des changements de nom. Pas besoin de répandre le sang de milliers de martyrs pour aboutir à pareil résultat ; que l’idole s’appelle Jésus, Mithra, Devoir ou Patrie, qu’importe, en effet, dès qu’elle exige d’être adorée ! — L. Barbedette.


NORMAL adj. (de norma, règle). Est normal ce qui reste conforme à la règle générale, ce qui ne sort pas de l’ordinaire. Est anormal ce qui contredit la manière d’être habituelle, ce qui ne cadre point avec. la marche suivie par la nature, dans l’ensemble, ou les coutumes admises par la société. Il est normal que la neige tombe en décembre, dans nos contrées ; il ne l’est pas qu’elle tombe en juillet ; il est normal qu’un homme se soumette aux caprices de l’opinion et de la mode, il ne l’est pas qu’il les bafoue ouvertement. Mais, dans la distinction entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, il entre une part d’arbitraire qu’un peu de réflexion permet de découvrir aisément. Dès que la science parvint à formuler leurs lois de production, maints phénomènes physiques cessèrent de paraître extraordinaires ; et, dans l’ordre intellectuel ou moral, volontiers l’on déclare contre nature, des pensées ou des actes dont l’unique tort est de troubler la somnolence des dirigeants. Bigots protestants et catholiques n’ont-ils pas l’audace de ranger l’athéisme parmi les maladies de l’esprit ! Et les thuriféraires du capitalisme ne trouvent-ils pas utile que des parasites de haut rang dépensent beaucoup sans rien produire ! En matière de mœurs, de sentiments, de croyances, dans les multiples manifestations de la vie collective, l’anormal n’est souvent que l’exceptionnel. Résidu d’idées en vogue et de préjugés courants, la norme, qui sert de commune mesure, varie selon le temps et le milieu. Sauf un jour de carnaval, il serait pris pour un fou, l’individu dont les habits et les manières rap-

pelleraient ceux des chevaliers du Moyen Age ou des bretteurs de la Renaissance ; les plus sensés de nos contemporains détonnerait singulièrement, s’ils devaient se réveiller brusquement, après un sommeil de plusieurs milliers d’années. Et, bien que le pouvoir de s’étonner soit en baisse chez tous les peuples, par suite du développement des communications internationales, un mandarin chinois, en costume de parade et fidèle aux rites de son pays, semblera extravagant dans un milieu européen ; il est vrai qu’un gentleman américain, transplanté brusquement dans le Céleste Empire, paraîtra, lui aussi, d’une originalité paradoxale aux jaunes qui l’entoureront. Mais, en physique, en biologie, normal et anormal sont des termes au sens mieux défini. Il est normal qu’un rosier fleurisse durant les mois chauds de l’année ; il est anormal qu’un veau naisse avec cinq pattes, un enfant avec des membres disproportionnés ou tordus. Quelle que soit leur rareté, tous les faits observés résultent de lois naturelles qui seront découvertes un jour par la science, si elles ne le sont déjà. Seulement des causes peuvent se rencontrer, qui modifient le processus qu’un phénomène suit d’ordinaire ; et l’anormal apparaît. Aux yeux du médecin, du biologiste, sera anormal tout vivant qui présente des caractères étrangers à l’espèce à laquelle il appartient. C’est en fonction d’un type commun, dégagé par des recherches antérieures, que sont jugés les individus. En démontrant que ce type peut varier, que l’espèce n’est pas fixe, comme le croyaient les anciens, la doctrine évolutionniste nous a conduit à voir souvent, dans l’anormal, soit une régression, soit un progrès. On en peut dire autant dans l’ordre moral et psychologique. Les discussions survenues concernant l’homosexualité montrent combien il est difficile de s’entendre, lorsqu’il s’agit de tracer les frontières de l’anormal, comme aussi d’apprécier les mérites ou les défauts de ce dernier. Et des affaires retentissantes ont montré que certains psychiatres étaient plus fous que les malades qu’ils soignaient. Parfois, c’est pour complaire à la famille ou à un personnage puissant qu’on interne un malheureux : l’asile devient alors l’équivalent de la prison ou du tombeau ; c’est l’in pace moderne à l’usage des gens comme il faut. Même lorsque la bonne foi du psychiatre est entière, l’erreur reste possible. Certains troubles mentaux sont extrêmement difficiles à diagnostiquer ; si des individus à l’esprit sain sont parfois enfermés, il arrive que des fous dangereux soient laissés libres ou relâchés. Ainsi, la prudence, une prudence toujours en éveil, s’impose dès qu’il s’agit de fixer des limites au normal et à ce qui ne l’est pas. Encore les jugements émis à ce sujet restent-ils constamment révisables, même en matière scientifique ; et, dans le domaine des habitudes sociales ou des mœurs, ils sont arbitraires le plus souvent. — L. B.


NOURRITURE (aliment, alimentation). n. f. (du latin nutrire, nourrir). Substance comestible, non toxique, favorable à l’accroissement et à l’entretien des organismes vivants et génératrice des phénomènes énergétiques et vitaux dont ils sont le siège.

Conséquemment, toute matière impropre à satisfaire à ces obligations doit, pour chaque espèce déterminée, être exclue de son alimentation propre.

Malgré l’extrême complexité du régime alimentaire de l’homme et l’incomparable variété des substances comestibles qui constituent sa nourriture habituelle, solide et liquide, leurs principes de constitution se résument en sept types fondamentaux : les albuminoïdes, les graisses, les hydrates de carbone, les sels minéraux, les vitamines, l’eau, l’oxygène de l’air.

La ration alimentaire quotidienne idéale de l’homme doit donc former l’harmonieuse synthèse de tous ces éléments. Mais dans quelle proportion ? Et quelle devra