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OSS
1891

dence. « Dieu n’a pas livré les Écritures au jugement privé des savants », déclarait Léon XIII dans sa lettre apostolique du 30 octobre 1902 ; Pie X condamna en 1907, les théologiens qui voulaient, selon l’expression du Syllabus, « composer avec le progrès, avec le libéralisme, et avec la civilisation moderne ». De même le concile du Vatican, plein de défiance pour les recherches exégétiques, spécifiait qu’ « on doit tenir pour le vrai sens de l’Écriture Sainte celui qu’a tenu et que tient Notre Sainte Mère l’Église, dont c’est la charge de juger du vrai sens et de l’interprétation des Saintes Écritures ». Sans aller aussi loin que le catholicisme dans la voie de l’intransigeance, l’Église Orientale, l’Église Anglicane, les Églises Luthériennes et Calvinistes orthodoxes n’en restent pas moins des Églises d’autorité ; elles admettent le credo que formulèrent, aux troisième et quatrième siècles, les évêques chrétiens. Dans d’autres religions encore, chez les musulmans, par exemple, l’orthodoxie doctrinale joue un rôle essentiel. On doit reconnaître que le principe du libre examen, admis par le protestantisme, se révéla fécond en conséquences heureuses ; il fut un premier pas vers la liberté de conscience, car il rendait ses partisans hostiles à toute autorité ne relevant pas de la seule lumière intérieure. En matière de foi, les églises réformées s’appuyaient sur l’Écriture Sainte et le symbole dit des Apôtres. Mais point d’intermédiaires entre Dieu et le fidèle ; dans l’interprétation du texte biblique, ce dernier s’en remet à l’inspiration directe du Saint-Esprit. Ainsi disparaît la raison d’être de la hiérarchie ecclésiastique ; le prêtre perd son caractère sacré, c’est seulement un homme plus instruit et plus pieux. Les tendances nouvelles, apportées par la Réforme, devaient aboutir finalement au protestantisme libéral qui répudie dogmatisme et orthodoxie, pour ne considérer que les dispositions intérieures. L’athée lui-même, assure-t-on, s’il se conduit en bon Samaritain, vis-à-vis de ceux qui peinent et souffrent, ne se place pas hors de la religion. Mais, en face de ces concessions faites à la culture et à la science moderne par certains pasteurs, le clergé catholique maintient, complète, son intransigeance doctrinale. Quant à l’Église orientale, elle semble disposée à des accommodements et subit l’influence protestante.

Ce n’est d’ailleurs pas contre la seule orthodoxie religieuse que doit lutter la pensée libre, c’est contre des orthodoxies de toutes sortes : politiques, morales, philosophiques, etc… Parmi les dogmatismes nouveaux que notre époque aura vu naître, il en est un qui, par son importance, mérite de nous arrêter : nous voulons parler du Marxisme, compris et pratiqué à la façon d’un catéchisme. D’après Karl Marx, l’activité économique a la priorité sur l’activité intellectuelle, bien plus, elle la commande étroitement. Par ailleurs, les conditions économiques de la production et de l’échange se transforment ; la concentration capitaliste est le grand fait économique du monde moderne. Mais les institutions et les idées survivent à l’époque dont elles furent l’expression ; voilà pourquoi le prolétariat n’a pas encore l’organisation sociale ou politique exigée par les conditions nouvelles de la production. Et la classe capitaliste s’efforce de maintenir à son profit. des institutions périmées. Une révolution inévitable permettra à la collectivité de rentrer en possession des instruments de production, concentrés en un petit nombre de mains. Des disputes sont survenues entre les commentateurs de Karl Marx, chacun prétendant interpréter la pensée du maître de la meilleure façon. Une véritable orthodoxie marxiste, qui a ses défenseurs vigilants et ses interprètes officiels, règne dans les milieux communistes, et chez les socialistes avancés. Contre les hérétiques, infidèles aux dogmes nouveaux, des anathèmes sont prononcés ; les communistes surtout usent et abusent de l’excommunication, de l’exclusion

selon le terme adopté par les congrès. Si les autres partis politiques ont une doctrine plus élastique, des règlements moins rigides, tous cependant exigent de leurs adhérents qu’ils se soumettent aux directives essentielles données par les dirigeants. Dans notre société autoritaire, qui dit groupement dit, en effet, conformité : le groupe suppose chez ses membres certaines idées, certains sentiments identiques ; pour en être et pour en rester, l’individu doit suivre, accepter, obéir. Une orthodoxie plus ou moins étroite s’installe, qui s’oppose au libre développement de la pensée. Certains anarchistes eux-mêmes semblent animés du désir d’imposer à autrui leurs idées ; ils songent à enfermer dans des formules définitives, dans un moule figé, une doctrine qui se donne comme ennemie de tous les dogmatismes, implicites ou déclarés. Manifeste illogisme ! L’Anarchie, certes, ne doit pas se confondre avec l’incohérence mentale et l’absence de raison ; ils ont tort ceux qui abritent sous son manteau des doctrines marquées au coin de la folie, du mysticisme ou du délire. Mais elle n’éprouve ni vénération, ni effroi pour ce qui incite les hommes à se prosterner ; aucune autorité, si haute qu’elle se croie, aucune tradition ne lui en imposent ; aux opinions adoptées sans critique par les collectivistes, elle oppose la vérité objective fondée sur la réflexion ; aux impératifs sociaux, elle substitue les conclusions de l’expérience individuelle ou les inférences d’une logique appuyée sur des documents sérieux. L’esprit anarchique, c’est l’esprit scientifique appliqué, non plus dans quelques cantons seulement de la connaissance, mais à la totalité des manifestations de la vie, au domaine de la croyance, de la morale, de l’association, comme à celui des faits physiques. Ceux mêmes qui considèrent l’anarchie comme d’application bien lointaine, bien difficile dans l’ordre économique et social, doivent convenir que, dans l’ordre intellectuel, elle s’avère la condition du progrès. Mais il ne faut pas qu’elle se fige en une nouvelle orthodoxie, oubliant que, pour rester vivante, la pensée doit se mouvoir librement. — L. Barbedette.


OSSATURE n. f. Ensemble des éléments essentiels qui soutiennent un tout : se dit, par exemple, de l’ensemble des os, de la charpente d’un homme ou d’un animal ou de la charpente d’un édifice. L’ossature de 1’homme est tout entière constituée par le squelette qui comprend trois parties essentielles : le tronc, les membres et la tête. Le tronc comprenant la colonne vertébrale, les côtes et le sternum soutient tout notre corps et renferme les principaux organes de l’individu. Les membres, reliés an tronc, se divisent en membres supérieurs et en membres inférieurs (bras et jambes). La tête comprend le crâne et la face. Le squelette sert à soutenir les parties molles qui composent le corps de l’homme et lui imprime sa forme générale ; il protège les organes les plus importants de la vie : cerveau, moelle épinière, cœur, poumons. Les os servent de levier aux muscles et c’est grâce à leur concours que les muscles peuvent servir aux différents usages qu’on leur demande.

De même, parmi le règne animal, l’ossature des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des poissons et des batraciens est constituée par un squelette osseux accomplissant à peu près les mêmes fonctions que chez l’homme. Pour les autres classes d’animaux, ce squelette osseux fait défaut, l’ossature étant constituée d’une façon différente. L’ossature des continents est constituée par les chaînes de montagnes et les hauts plateaux qui sont pour ainsi dire, la colonne vertébrale des terres émergées.

Ossature se dit aussi pour désigner la partie essentielle d’un système philosophique ou religieux. Tout système philosophique ou religieux repose sur un cer-