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PAC
1905

Selon lui, le jusqu’auboutisme internationaliste était une déviation du pacifisme traditionnel. La véritable interprétation de la doctrine pacifiste classique consistait à admettre la défense nationale mais à la réduire à la protection de l’indépendance du pays. Ce droit s’arrêtait quand l’indépendance du pays n’était plus menacée. Il fallait donc non pas prolonger la guerre en ajoutant à la défense du sol d’autres buts de guerre, mais, au contraire, être prêts à tout moment à négocier.

Quant à l’instauration d’un régime de paix organisée, il convenait de la poursuivre par des méthodes de paix et. non par la guerre et la violence. Le principe « nul n’a le droit de se faire justice soi-même » persistait, même lorsqu’une guerre était déclenchée.

Sans nous rallier à cette doctrine, puisque elle admettait quand même la défense nationale guerrière, constatons la hardiesse qu’elle manifestait à ce moment-là et remarquons que plus conséquents avec leur conviction, étaient ceux qui professaient à la fois le pacifisme — but et le pacifisme — moyen. Il est incontestable, sans le moindre excès d’optimisme, que l’expérience de la dernière guerre a dessillé bien des yeux, et qu’aujourd’hui, si un nouveau conflit se déclenchait, ceux qui auraient l’attitude de Le Foyer ou de la minorité de la Ligue des Droits de l’Homme seraient plus nombreux, et que ceux qui adopteraient l’ancien point de vue majoritaires seraient moins nombreux.

L’Action Internationale Démocratique pour la Paix est le mouvement international créé après la guerre par Marc Sangnier. Si ses fondateurs sont catholiques, ses militants appartiennent à des tendances religieuses et philosophiques très diverses. On rencontre même dans ses Congrès une jeunesse étrangère socialisante et parfois anarchisante. Sur la construction de la paix, son programme s’apparente à celui de l’ancienne Union des Sociétés de la paix. Mais il insiste sur deux points particuliers : l’Importance de la Préparation Psychologique de la Paix, le Rôle des Grandes Forces Spirituelles du Monde dans cette Préparation Psychologique, d’une part ; et d’autre part le lien entre le développement de la démocratie politique et économique, au sein des divers pays et le développement de la Paix Internationale. « L’idéal de l’action internationale démocratique pour la paix est un idéal de paix totale : Paix entre tous les individus et tous les milieux sociaux comme entre tous les peuples et toutes les races. Dans les rapports des uns comme des autres, elle exclue le recours à la violence. Estimant toutefois que la Paix est inséparable de la justice, elle affirme que la paix ne sera vraiment stable que le jour où, par des réformes appropriées, on aura remédié aux injustices politiques, sociales et internationales dont souffre l’Humanité. »

Ces formules de la Charte de l’Action internationale démocratique pour la Paix sont, certes, interprétées différemment, selon les tendances sociales de ses membres. Pour les uns, jeunes républicains, la justice sociale nécessite un ensemble de réformes très hardies. Pour d’autres, socialistes et coopérateurs, elle nécessite l’abolition complète du régime capitaliste. Remarquons aussi que condamner le principe de la guerre civile, ce n’est nullement s’opposer à la grève générale et autres méthodes pacifiques de luttes de classes. Quant à la violence révolutionnaire, ceux des pacifistes qui admettent la guerre défensive n’assimileront pas toujours la résistance par la force à un Gouvernement oppresseur, à une guerre offensive. Et, même parmi les Pacifistes intégraux, condamnant, toute guerre internationale sans réserve, beaucoup, comme Félicien Challaye, feront une distinction s’il s’agit de la lutte sociale.

« Il (le pacifiste intégral) pourra participer à la révolte contre un oppresseur, si de cette révolte peut, évidemment, résulter l’allégement de certaines souffrances. On peut, par exemple, être pacifiste, et participer à une insurrection contre des Gouvernements

assez criminels pour précipiter leur peuple dans un conflit armé. La guerre civile, la guerre sociale sont essentiellement différentes de la guerre étrangère. C’est la guerre entre peuples, seulement, qu’interdit le pacifisme intégral tel qu’il est ici défini. » (Félicien Challaye : La Paix par le Droit, novembre 1931.)

Certains des Congrès du mouvement de Marc Sangnier, comme celui de Bierville ont eu un grand retentissement dans l’opinion publique. Il en fut de même parfois de l’action de la « Ligue internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté ». Ce mouvement fut fondé en pleine guerre ; et ses membres travaillèrent à la fois à hâter la fin du conflit et à préparer un régime de Paix durable. Sa doctrine de Pacifisme constructif est plus hardie, plus radicale, que celle des mouvements dont nous venons de parler. Cette ligue demande, dès à présent, le désarmement total. Elle s’oppose autant à l’armée internationale qu’au Blocus. Elle tend à un régime politique et économique mondial organisant non seulement la paix dans le sens d’absence de guerre, mais aussi une solidarité très étroite limitant l’indépendance des peuples aux questions qui ne touchent pas l’intérêt de la communauté humaine. Au point de vue social, ce mouvement proclame le bien-fondé de la plupart des revendications révolutionnaires, mais préconise l’emploi de méthodes de lutte non violentes. Une de ses déclarations condamne toute guerre offensive aussi bien que défensive.

Ce groupement international, qui vaut moins par le nombre que par la grande activité et la hardiesse dans l’action, se rapproche donc sur beaucoup de points de l’internationale des Résistants à la Guerre.

C’est parmi « les Résistants à la guerre » qu’on trouva le plus d’anarchistes. On peut dire que sa doctrine constitue une synthèse du pacifisme constructif et de l’antimilitarisme proprement dit. Nous croyons devoir citer textuellement la déclaration qui fut adoptée par la. première Conférence internationale en 1921. « La » guerre est un crime contre l’humanité. Pour cette raison, nous sommes déterminés à n’aider ni directement : en servant de quelque façon dans l’armée, la marine, ou les forces aériennes, ni indirectement : en fabriquant ou manipulant consciemment des munitions ou autre matériel de guerre, en souscrivant à des emprunts de guerre, en employant notre travail de façon à libérer d’autres en vue du service militaire. Nous sommes résolus à n’accepter aucune-espèce de guerre, agressive ou défensive, nous rappelant que les guerres modernes sont invariablement présentées par les Gouvernements comme défensives.

« Les guerres pourraient se placer entre trois sortes : a) Guerre pour la défense de l’État ; b) Guerre pour conserver l’ordre de la Société existante ; c) Guerre en faveur du prolétariat opprimé.

« Nous sommes convaincus que la violence ne peut réellement pas conserver l’ordre, défendre notre foyer ou libérer le prolétariat. En fait, l’expérience a montré que, dans toutes les guerres, l’ordre, la sécurité, et la liberté disparaissent et que, loin d’en bénéficier, le prolétariat en souffre toujours le plus. Nous maintenons, cependant, que les Pacifistes sérieux n’ont pas le droit de prendre une attitude purement négative et doivent lutter pour la suppression de toutes les causes de guerres. »

Dans d’autres motions, l’Internationale des Résistants à la Guerre demande un régime fondé sur le principe pacifiste de coopération pour le bien commun. « On remarquera que les Résistants à la guerre, ou du moins la majorité d’entre eux, condamnent la guerre civile comme la guerre étrangère. Toutefois, ne croyons pas que ce point de vue signifie la confiance exclusive dans les méthodes légalistes, démocratiques et réformistes. Beaucoup parmi eux, peut-être