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PAT
1978

morale ce que la maladie est au corps ; d’où l’anathème lancé contre elle par les Stoïciens et, depuis, par maints autres. Kant affirme que toute inclination sensible est Pathologique et que l’on diminue son mérite en s’éprenant d’enthousiasme pour le bien. Plusieurs, en particulier Fourier, estiment par contre, que toutes les passions sont également utiles et bonnes. « Elles nous guident comme la boussole le marin, et nous indiquent vers quel but doivent tendre nos efforts. » Dans le phalanstère, la nouvelle organisation sociale préconisée par Fourier, les passions les plus diverses avaient complète satisfaction. En réalité, il existe des passions nocives, tant pour l’individu que pour ceux qui l’entourent, et aussi des passions capables d’assurer à l’existence plus de noblesse et d’intensité. Ceux qui firent de grandes choses, pour le bonheur comme pour le malheur de leurs semblables, furent, en général, des passionnés. C’est d’après l’objet poursuivi et les conséquences observables qu’un juge impartial arrive à se prononcer. Reconnaissons, toutefois, que la passion même bonne, l’amour excessif du beau ou du vrai par exemple, suppose un certain déséquilibre mental. Quant aux passions néfastes, nous parvenons à les dominer en détournant l’attention des objets qui les attirent et en leur refusant les satisfactions qu’elles réclament. Plus tard, la morale, devenue expérimentale et physiologique, disposera d’ingrédients capables de modifier nos sentiments. Les découvertes récentes, concernant l’influence des produits sécrétés par les glandes endocrines sur le caractère et le comportement des individus, prouvent qu’il ne s’agit point là de vues chimériques. — L. Barbedette.


PASTEURISATION La pasteurisation est un procédé qui vise à détruire champignons et microbes, grâce à un chauffage qui va de 65 à 75 degrés et qui est suivi d’un refroidissement brusque. La stérilisation ainsi obtenus est incomplète, car certains microbes résistent à cette température. Par contre, elle dénature moins les liquides qu’une stérilisation obtenue par une température de 100 ou 120 degrés. On emploie fréquemment ce procédé pour le lait. Ce dernier est alors chauffé à 70-75°C, puis on le refroidit brusquement, afin d’éviter les températures Intermédiaires de 30 à 40, qui sont particulièrement favorables à la germination des spores ayant pu échapper à l’action de la chaleur. Les grandes sociétés laitières ont souvent recours à ce procédé. Le lait pasteurisé pouvant se conserver pendant deux jours. Mais, bien qu’à un degré moindre que le lait stérilisé, le lait pasteurisé perd une partie de ses qualités naturelles. On sait que l’usage exclusif du lait stérilisé conduit au rachitisme et à la maladie de Barlow, lorsqu’on ne compense pas la destruction des vitamines par des aliments frais. On emploie aussi la pasteurisation pour les vins, afin de les conserver et de les vieillir. Certainement, Pasteur à rendu un grand service à l’humanité en attirant l’attention sur l’énorme rôle joué par les infiniment petits. Ils sont cause d’un nombre prodigieux de maladies (voir Microbes) et l’on doit prendre contre eux de sérieuses précautions. Néanmoins, la crainte des microbes ne doit pas conduire à d’autres excès dangereux. Depuis Pasteur, la médecine a fait de grands progrès ; elle a, en particulier, mis en évidence le rôle des vitamines absolument nécessaires au développement de l’organisme et qui sont détruites par les températures élevées. La cuisson enlève à certains aliments une notable partie de leur valeur ; et, sous prétexte de tuer les microbes, il ne faut pas s’abstenir, par principe, de tout ce qui est cru. On doit même connaître que, sur certains points de grande importance, les savants s’écartent de plus en plus des méthodes et des idées chères à Pasteur. Ce qui n’enlève rien au mérite du célèbre chimiste, mais démontre que nul n’est infaillible et que la science a pour condi-

tion primordiale, non l’idolâtrie à l’égard des grands hommes, mais la libre critique et des recherches toujours plus approfondies.


PATRIE n.f. (du latin patrie, de pater, père). Le mot patrie, chez les anciens, signifiait la terre des pères : terra patria. Étymologiquement, il désigne le pays où on est né. Comment, de ce sens si restreint le mot patrie est-il arrivé à désigner les vastes nations d’aujourd’hui ? Par quel processus, dépassant même ce stade, arrive-t-il à désigner la terre entière, la patrie humaine, rejoignant l’internationale ? En voici succintement l’explication, donnée par A. Hamon :

« L’idée de patrie présuppose la solidarité l’union, l’association entre individus. L’idée de patrie implique l’idée de collectivité ; en effet, nous ne pouvons concevoir et nous ne pensons pas que quelqu’un puisse concevoir la patrie réduite à un individu. La patrie est donc un ensemble d’êtres, une résultante dont les composantes sont des individus. Pour que ces individus se composent entre eux et donnent naissance à la résultante patrie, il faut des caractères communs, une relation de nature quelconque unissant associant ces individus entre eux. Nous ne pouvons concevoir des êtres sans communs caractères s’agrégeant entre eux, se composant pour engendrer une association, une collectivité, une résultante patrie. Ces premiers caractères communs furent certainement le lieu de naissance ou plutôt le groupement au milieu duquel l’être naissait et se développait. La première patrie fut la horde, la tribu, le clan. La vie en commun développe une communauté — accrue encore par les liens du sang — de mœurs, de coutumes, de langue, de sensations, de sentiments qui rend solidaires les humains les uns des autres. Ils sont les membres d’un même corps, agrégat d’individus. Aussi, dans la horde, la tribu, le clan ils se sentent solidaires les uns des autres. Relativement aux tribus voisines. Ils se sentent différents, presque de nature autre, vivant éloignés, n’ayant de contact que pour la dispute, la guerre. Mœurs, coutumes, langues, sentiments et sensations sont dissemblables. Elles sont l’étranger, l’ennemi. La patrie est la horde, la tribu, le clan seul.

« Peu à peu, avec le temps, l’homme passant de l’état de chasseur à l’état de pasteur et de celui-ci à, l’état d’agriculteur, la cité se forma. Alors la patrie fut cette cité. L’étranger, l’ennemi, fut celui qui n’était pas de la cité. Le nombre de gens participant de caractères communs s’est accru ; la solidarité s’étend sur une aire plus grande, mais son intensité a diminué, car des classes et des castes se sont séparées dans la cité. La patrie existe plus grande, plus ample, mais le sentiment patriotique est moins puissant, car on a moins besoin d’être solidaire. De la civilisation naissent sans cesse de nouveaux besoins ; aussi, le commerce se développe ; et, par suite, se multiplient les contacts entre cités voisines. On se connaît mieux, en se hait moins, même on s’aime. Les différenciations de mœurs s’atténuent ; les langues se pénètrent mutuellement ; les intérêts se solidarisent en quelques occasions ; l’alliance, puis l’union se fait.

« Le petit État est né ; une nouvelle patrie en résulte, plus grande de territoire, plus nombreuse d’hommes. Dans cet État, les mœurs, les coutumes, les langues, les sentiments tendent à s’unifier, à devenir semblables du Nord comme au Sud, à l’Est comme à l’Ouest. La solidarité diminue d’intensité. De l’extension des connaissances humaines, du commerce, de l’industrie naissent de nouveaux besoins qui entraînent des voyages, à des rapports fréquents avec l’étranger. Des guerres résultent des contacts entre peuples ennemis, des chevauchées en des régions étrangères. Les peuples se pénètrent mutuellement, tendent à se différencier