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AÉR

poussent le mariage religieux et qu’ils préconisent l’union libre. (Voir amour libre, union libre).


AÉROSTATION n. f. L’aérostation est l’art de construire et de diriger des aérostats. Les aérostats ont été imaginés par les frères Montgolfier, d’Annonay, qui tentèrent leur première expérience le 5 juin 1783. Voici dans quelles conditions : une enveloppe faite d’une toile d’emballage double de papier, de forme à peu près sphérique, ayant à peu près 860 mètres cubes de capacité, ouverte par en bas et portant suspendu à sa partie inférieure, un réchaud, fut lancée solennellement sur la place publique d’Annonay. Le physicien Charles reprit l’expérience en substituant l’hydrogène à l’air chaud, Le premier ballon qu’ait vu Paris fut ainsi lancé du Champ de Mars. Montgolfier renouvela son expérience à Versailles, devant la cour, et le ballon, cette fois, emportait un mouton, un canard et un coq, qui atterrirent sains et saufs. Une première ascension en ballon captif de Montgolfier et de son collaborateur Pilâtre de Rozier encouragea celui-ci à une ascension libre qu’il tenta, avec le marquis d’Arlande, le 20 novembre 1783. En 1785, Blanchard et Jefferies accomplissent la traversée de la Manche, de Douvres à Calais. Le 15 juin de la même année, l’aventureux Pilâtre de Rozier trouve la mort en tentant pareille expérience. Cependant, s’ouvre l’ère des ascensions exécutées dans un but d’utilité ou dans un but scientifique ou dans un but… criminel puisque, déjà, en 1794, l’aérostat est accaparé par l’armée, notamment à la bataille de Fleurus. Mais Gay-Lussac et Biot utilisent l’aérostat à l’étude de l’atmosphère et de la météorologie. L’étude des hautes régions de l’atmosphère, dangereuse pour les aéronautes (ascensions de Crocé-Spinelli et Sivel, Gaston Tissandier, Benson ), fut tentée par des ballons-sondes portant des appareils enregistreurs des phénomènes météorologiques ; alors que les aéronautes avaient, au risque de leur vie, atteint 10.000 mètres, les ballons-sondes ont pu s’élever jusqu’à 28 kilomètres. Entre temps, l’armée ne perd pas ses droits et se sert des aérostats dans la guerre de 1870-1871. On sait que c’est en ballon que Gambetta quitta Paris investi. Toutefois, les recherches continuaient. L’invention des aérostats avait fourni un véhicule à la navigation aérienne : encore fallait-il trouver le moyen de le diriger. De nombreux savants s’attelèrent à cette besogne ardue : les Giffard, Dupuy-de-Lôme, Tissandier, Krebs, Renard, puis, de la Vaulx, Santos-Dumont, Deutsch de la Meurthe, Lebaudy. C’est grâce aux moteurs de forte puissance et de poids léger que le problème a pu être résolu. En 1899, les frères Lebaudy, avec l’ingénieur Julliot, entreprirent des essais d’où sortait, en 1902, un nouveau type d’aérostat dirigeable qui, abandonnant la forme sphérique pour la forme fuselée, allait marquer une date mémorable dans l’histoire de l’aérostation. À l’étranger, les Anglais, les Américains, les Italiens construisaient aussi des dirigeables. Les Allemands, après les types Gross et Parceval, ne différant pas beaucoup des types déjà existants, ont construit les Zeppelin, immenses navires aériens rigides (130 mètres de long). Lorsqu’a éclaté la guerre mondiale de 1914-18, tous les États s’empressèrent de mettre l’aérostation au service de l’armée. On utilisa, notamment, une grande quantité de petits ballons captifs d’observation d’un modèle nouveau, de forme allongée, et surnommée « saucisses », en raison de leur aspect. Toutefois, on fit un usage beaucoup plus meurtrier de l’avion qui s’avéra une arme redoutable. (Nous nous étendrons donc plus particulièrement sur la portée sociale de la navigation aérienne dans le chapitre consacré à l’aviation. ) L’aérostation, qui a mis en pratique le principe du « plus léger que l’air », se développa moins que l’aviation, qui a résolu

le problème du « plus lourd que l’air » en matière de navigation aérienne. Cependant, elle fait d’indéniables progrès, et l’on peut espérer que dans un certain temps l’aérostation pourra rendre de nombreux services dans la vie économique des peuples. (Voir le mot : Aviation où se trouvent consignées des remarques s’appliquant au rôle de l’aérostation aussi bien qu’au rôle de l’aviation.)


AFFAIRISME. Faire des affaires est l’unique idéal des agites modernes. C’est la préoccupation constante, perpétuelle, des financiers, des hommes d’État, des philanthropes, etc. En dehors de ce but poursuivi inlassablement : amasser et thésauriser, rien n’existe pour certains individus. Tout se réduit à une question de gros sous. Ils sacrifient à leurs appétits la liberté… des autres. Ils font peser lourdement sur de moins « favorisés » leur domination d’intrigants. Il suffirait cependant d’un peu d’énergie pour les supprimer. Mais la foule-esclave préfère les subir, du moment que l’argent lui permet — comme ses maîtres — de satisfaire ses préférences in-intellectuelles (bistro, cinéma, caf’ conc’ et le reste). Affairisme en haut, — affairisme en bas, telle est la société actuelle, qui est loin d’être une « œuvre d’art ». — L’affairisme est responsable de cette vie d’enfer, de trépidation, de trépignement sur place qu’admirent les snobs, confondant machinisme et dynamisme. On ne rencontre que des gens pressés, débattant des intérêts, essayant de se « rouler », s’entretenant de louches combinaisons et vivant d’expédients. Ces gens-la sont unis par des mœurs de cannibales, désirant que la société reste médiocre, semant l’équivoque dans tous les domaines. Ils s’en veulent à mort, et pourtant se soutiennent. Au fond, ils ont les mêmes intérêts. — L’industrialisme exagéré, existence à rebours, mutilation, incompréhension de la nature, enlaidit chaque jour un peu plus la vie, et peuple le monde de forçats ; les commerçants ont des âmes vénales, incapables de sortir de leur « specialité » et de mettre le nez hors de leurs « écritures ». Il importe avant toute autre considération d’avoir le gousset bien garni. Le mot : « Caisse » s’étale ostensiblement dans toutes les administrations. Le vol est l’âme de la cité moderne (rien de celle de Jean Izoulet).

Soyez pauvre, avec du génie, nul ne s’intéressera à vous. Mais ayez de l’argent, beaucoup d’argent, et, si vous n’êtes qu’un imbécile, on vous tendra la main. On trouve des capitaux pour toutes sortes d’entreprises : on n’en trouve point pour des œuvres utiles au progrès des hommes. La pensée se débat toute seule, dans l’indifférence générale, aux prises avec les difficultés de l’existence, avec cette absurde « lutte pour la vie » qui, dans notre société égoïste, est une lutte pour la mort.

Reprises des affaires. — Cette reprise a été l’occasion, pour nos modernes jouisseurs, de s’emplir les poches, ou de « s’embusquer » quelque part. Les bénéfices de guerre ont été le plus clair de cette reprise des affaires tant prônée sur tous les tons par ceux qui y avaient intérêt. Prétexte qui a permis aux industriels d’augmenter leurs revenus, aux commerçants de spéculer sur la hausse des denrées, aux « nouveaux riches » d’étaler leur luxe imbécile, à toute une clique de parasites de faire « durer » la guerre.

Les affaires sont les affaires. — Expression immortalisée par Octave Mirbeau dans un chef-d’œuvre. Elle signifie que, dans le monde de l’intérêt, le sentiment est chose négligeable. L’homme d’affaires admet le sentiment… pour les autres, que leurs scrupules ou leur inexpérience empêchent de lui appliquer sa propre méthode ce qui fait qu’ils deviennent sa proie. L’homme d’affaires n’a pas de patrie, lui qui rappelle constamment aux autres qu’ils doivent tout quitter pour leur patrie