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l’élite des techniciens, fils de bourgeois qui poursuivent leurs etudes jusqu’à 18 et 20 ans.

Les classes inférieures des sociétés gallo-romaines, gallo-franques et du Moyen-Âge étaient tenues dans une servitude dont s’affranchirent sur plusieurs points les corps de métiers des tailleurs de pierre et des charpentiers. Du ve au xiiie siècle, dans la société féodale, le roturier payait au Seigneur une redevance pour la terre à laquelle étaient attachés les serfs de la glèbe qui ne pouvaient librement disposer de leur personne, ni s’éloigner du domaine du maître roturier.

Au xe siècle, dans les châteaux féodaux et dans les abbayes, des fermes et des ateliers se créèrent pour construire et entretenir les bâtiments et le matériel ; les charpentiers y eurent leur place.

C’est au Moyen-Âge que les corps de métiers s’organisèrent sous la direction des pontifes ; ils acquirent une indépendance relative, toute religieuse, hors de la Seigneurerie de laquelle ils dépendaient. Dès le xiie siècle, les charpentiers ainsi que les tailleurs de pierre menèrent une vie nomade, voyageant en troupes pour construire des ponts, des églises, des maisons, des châteaux, etc. Le compagnonnage affirma l’esprit de corps et eut pour résultat de soustraire les charpentiers à la servitude, en créant l’émulation dans le travail. Le compagnonnage fut une force qui marqua alors une ère de progrès ; il se divisa vers 1400 à la construction des tours de la cathédrale d’Orléans ; il y eut, alors, des batailles entre les compagnons partisans de l’un ou de l’autre des deux architectes qui dirigeaient les plans. Ceux qui ne voulurent pas se soumettre et qui furent obligés de fuir dans la Loire sur des gavautages, se dénommèrent les Gavots, ceux qui restèrent furent les Devoirants ou du Devoir. Chez les charpentiers ces deux ordres tinrent étroitement toute la corporation jusqu’au milieu du xixe siècle, où fut fondée une société compagnonnique indépendante qui mit fin à une partie des rites et des secrets, tout en conservant un esprit rétrograde vis-à-vis des profanes non affiliés. Jusque vers 1860, les maîtres charpentiers patrons, n’embauchaient que les compagnons affiliés à leur rite respectif ; dans les villes où les patrons étaient tous du même ordre compagnonnique, le compagnon d’un autre rite ne pouvait s’embaucher ; aussi il y eut des luttes meurtrières entre les compagnons.

Par la religiosité du compagnonnage, les ouvriers étaient dociles et soumis à l’autorité patronale. Même dans le compagnonnage, la hiérarchie existait, l’apprenti n’avait pas le droit de manger à la table des compagnons ; s’il était reçu compagnon, deux parrains étaient responsables de sa conduite vis-à-vis des patrons et de la mère qui était l’hôtesse désignée où il logeait et prenait ses repas. La soumission qui longtemps empêcha toute idée d’émancipation et de révolte contre l’autorité fut très funeste à l’esprit novateur ; c’est ainsi que jusqu’en 1880, la corporation des charpentiers fut en retard dans le mouvement d’émancipation sociale.



D’abord labeur simple, primitif, naturel, le travail du charpentier avec les nécessités et les besoins nouveaux se développa et devint une science de calcul et de géométrie : étude de la résistance sous le poids et les différentes pressions, tracé de géométrie descriptive pour les nombreux assemblages des pans, des limons d’escaliers, des arbalétriers, etc. La science compliquée du charpentier jointe à la pratique, presque jusqu’à la fin du xixe siècle, fut exigée pour avoir le droit de compagnon (ouvrier accompli). Elle tend de plus en plus à disparaître chez les manuels, qui ne sont en général que des monteurs-levageurs. Maintenant le tracé est fait par des techniciens qui sortent des écoles centrales d’arts et

métiers ; la mise au point, faite par des spécialistes, est exécutée avec les machines à bois qui remplacent le travail à la main pour le planissage, le découpage et les assemblages. L’ouvrier charpentier relégué de plus en plus au rang de simple manœuvre, a le devoir de connaître la technique du travail qu’il met debout. Face à la science d’une caste qui l’oblige à n’être qu’automate, il doit chercher à savoir ce que les conducteurs ont appris aux Écoles. Ces connaissances jointes à celles de la sociologie qui incite l’homme à se connaître lui-même et à désirer l’égalité sociale dans le Beau, dans le Bien-Être par l’universelle fraternité, l’empêcheront d’être la brute, esclave salarié, que les capitalistes, maîtres de l’heure, croient avoir indéfiniment à leur entière disposition et qu’ils dominent par la puissance de la chose fictive et volée : l’argent.

Le travail uni au savoir est seul positif et substantiel. Il ne sera libéré que par les individus conscients, révolutionnaires qui démoliront les préjugés et les tutelles du vieux monde. — L. Guérineau.


CHARRON. Le charron est l’artisan qui construit les véhicules pour transporter des charges diverses : chars, voitures, tombereaux, charrettes, camions, brouettes ainsi que les charrues. Ce que l’on connaît de plus ancien c’est le char. Suivant les écritures bibliques le roi Salomon s’en servit ainsi que les Assyriens. Les Grecs et les Romains en avaient pour leurs jeux olympiques. Il est évident que le métier spécial n’existait pas à ces époques, les ouvriers du bois en général façonnaient les chars et les charrues. Ça n’en est pas moins là qu’il faut trouver les primitifs charrons. Plus tard, en Grèce et à Rome, les transports se firent avec des voitures à deux roues ; les gallo-romains en eurent à quatre roues, on continua avec des variantes d’utilité ou de luxe jusqu’au xiie siècle. Au xve siècle c’est la voiture à quatre roues, puis le carrosse suspendu qui commence. Au xixe siècle ce sont les petits omnibus, les diligences et les chemins de fer. Au xxe siècle, les tramways, autobus, métros et les automobiles de toutes sortes qui remplacent de plus en plus la force animale pour la traction. Au xiiie siècle le charron est classifié dans les divers métiers, le travail de la voiture se perfectionne et exige des connaissances spéciales. Les bois les plus employés furent le charme, le frêne, l’acacia, l’orme, le hêtre, le chêne, à la fois durs et résistants.

Comme tous les métiers du bois, depuis 1870, le charronnage s’est divisé en spécialités : ouvriers de la roue ; de la carcasse, du train, des brancards, etc. Ceux de la voiture sont les menuisiers en voiture. L’automobilisme supplante en grande partie ces spécialités ; le métal est substitué au bois dans l’ensemble et dans les roues. Le compagnonnage y eut les mêmes influences que dans les métiers du bâtiment ; techniquement l’étude du dessin n’y fut pas très développée. Ce fut un métier de gros efforts et de fatigue, les buveurs s’y comptaient nombreux et longtemps les salaires furent inférieurs à ceux dès autres corporations du bois. Le syndicat des ouvriers de la voiture réussit avec beaucoup de peine à faire un peu monter les salaires. L’heure, depuis 1880, s’est stabilisée à 0 franc 70, vers 1900 à 0 franc 80 jusqu’à la guerre de 1914. Les carrossiers-menuisiers en voiture eurent un salaire supérieur de 10 et 15 centimes à celui des charrons. À présent, l’automobile remplace de plus en plus les voitures de toutes sortes et crée des spécialités nouvelles. — L. G.


CHARTE. n. f. Dans le langage courant : pacte qui consacre les privilèges, les prérogatives, les attributions, d’un individu, d’une collectivité ou d’une société. Contrat qui stipule le rôle d’une association ou d’une organisation. Ce mot n’a pas toujours eu le sens qu’on lui