Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
CON
409

triomphe de la fraction communiste. Après six jours de débats extrêmement passionnés, les syndicats communistes triomphèrent par 749 voix contre 406.

Monmousseau et ses amis prirent la tête de l’organisation centrale du syndicalisme révolutionnaire français. Sentant le péril, les syndicalistes et les anarchistes constituèrent immédiatement un Comité de Défense Syndicaliste, avec mission d’entreprendre à nouveau le redressement du syndicalisme. J’acceptai d’en être le secrétaire.

La besogne s’annonçait d’autant plus difficile que les syndicalistes abasourdis par leur défaite ne surent ni s’organiser solidement, ni agir à bon escient.

Bientôt, de ce Comité qui portait tous les espoirs de la minorité de Saint-Étienne, ne vécut plus que la tête, à Paris ; la province boudait ou se désintéressait de son existence.

Le Comité de Défense syndicaliste n’en joua pas moins un rôle important.

Peu de temps après le retour de la délégation Confédérale du III{{}}e Congrès de l’I. S. R., après qu’on eût appris de source sûre que cette délégation, violant son mandat de Saint-Étienne, avait livré le syndicalisme français, pieds et poings liés à l’Internationale Communiste, le Comité fut sollicité de participer au Congrès constitutif de la II Association Internationale des Travailleurs. — Je m’y rendis avec A. Lemoine. — Ce Congrès, sur les travaux duquel je reviendrai plus tard, décida la constitution de l’Internationale Syndicaliste, après avoir pris acte des décisions scissionnistes du Congrès de l’I. S. R.

C’est alors, en janvier 1923, que les événements se précipitèrent en Allemagne, après l’envahissement de la Ruhr par Poincaré. Ces événements se développèrent rapidement. Les Partis Communistes français et allemand, la C. G. T. U., divers autres Partis communistes, les Conseils d’Usines de Rhénanie-Westphalie, réunirent une conférence à Essen.

Sentant le péril de laisser toute l’organisation aux mains des communistes, le Comité de Défense syndicaliste intervint immédiatement. Il fit une démarche auprès du Bureau Confédéral en demandant à participer activement à toute l’action et, aussi, à sa préparation. Le Bureau Confédéral repoussa notre concours.

Le gouvernement de Poincaré refit à ce moment le coup du complot et arrêta les membres du Comité d’action. Ce complot fut étayé sur un faux, qui prit le nom de faux de Hambourg, dont on ne saura jamais sans doute s’il fut l’œuvre de la police bourgeoise internationale ou celle de la Tcheka russe en Allemagne. Les relations de Radek avec le Préfet de Police de Berlin semblent plutôt de nature à faire pencher vers cette dernière hypothèse.

En tout cas, le complot s’effondra après la lecture en Haute Cour du réquisitoire introductif du Procureur général Lescouvé.

Les pseudo comploteurs furent tous libérés. Puis vinrent les grandes opérations d’Allemagne qui marquèrent à nouveau une tendance vers la prise du Pouvoir en Saxe et en Thuringe, mouvement auquel participa la C. G. T. U. qui assista à la Conférence de Francfort où fut dressé le programme d’action qui devait être exécuté par les participants.

Mal dirigé, ce mouvement finit par le triomphe de la réaction, malgré que les conditions de réussite aient paru un moment réunies.

Les gouvernements en partie ouvriers de Saxe et de Thuringe durent fuir devant les baïonnettes de la Reichswehr et, après le Congrès des Usines d’Allemagne, tenu à Chemnitz, et les sanglants événements de Hambourg, le mouvement de révolte allemand né de la faim, écrasé dans le sang, prit fin.

C’est à Bourges, en novembre 1923, que ces événements et tant d’autres, y compris la question de suprématie des communistes furent définitivement tranchés.

Pendant l’année syndicale 1923/1924, le Bureau de la C. G. T. U. et ses amis avaient considérablement renforcé leurs positions. En dépit d’une opposition trop tiède, trop timide, sans position doctrinale définie, qui se fit jour à la C. E. et gagna à elle deux membres sur quatre du Bureau : Marie Guillot et Cazals, les communistes gagnèrent un terrain considérable. Ils avaient conquis presque toutes les Unions départementales, sauf la Loire, le Rhône et les Bouches-du-Rhône, ainsi que toutes les Fédérations, sauf le Bâtiment et les P. T. T.

Malgré les efforts inouïs des syndicalistes, dont l’homogénéité ne fut d’ailleurs pas la vertu dominante, les communistes triomphèrent définitivement. Lozowsky était, nous assura-t-on, présent dans les coulisses. Si les groupements syndicalistes révolutionnaires avaient été plus actifs, s’ils avaient su où Ils allaient, Il peut se faire, que l’écrasement eût été moins brutal et qu’une réaction devînt possible. Ce ne fut pas le cas.

Après Bourges, où le triomphe du Parti communiste s’étala cyniquement, le Bureau Confédéral tenta d’enlever les derniers fortins syndicalistes.

Le Parti communiste entra alors carrément en bataille. Il était décidé à frapper un grand coup et, à cet effet, avec la complicité des dirigeants de la C. G. T. U. et de l’U. D. de la Seine, il organisa un grand meeting de provocation à la Maison des Syndicats, 33, rue de la Grange-aux-Belles, à Paris, qui eut lieu le 11 janvier 1924.

S’emparant sans vergogne du programme syndical, il démasqua toutes ses batteries.

Des camarades syndicalistes qui voulaient faire respecter le mouvement ouvrier et défendre son programme furent roués de coups. Des équipes de décrocheurs professionnels, aux gages du Parti communiste, jouèrent du revolver. Deux des nôtres : Poncet et Clos furent tués, une dizaine d’autres blessés.

La colère monta chez les syndicalistes et le jour des obsèques des victimes, auxquelles participèrent, de nombreuses délégations de province, se tint une Conférence de la minorité syndicaliste.

Une fois de plus, celle-ci manifesta son incompréhension, son impuissance, en ne se séparant pas immédiatement des communistes.

Le temps fut mis à profit par ceux-ci qui, à part le Rhône, enlevèrent tout ce qui restait de forces syndicalistes et coupèrent en deux la Fédération du Bâtiment.

Comprenant enfin qu’elle n’avait plus rien à attendre, la minorité syndicaliste, se réunit en Conférence les 1er et 2 novembre 1924.

Toujours par les mêmes raisons, elle ne sut pas prendre des décisions fermes. Elle convoqua et décida la constitution d’une organisation insuffisamment définie : l’Union Fédérative des Syndicats Autonomes de France.

Cette organisation qui eût dû recevoir l’adhésion de tous les Syndicats autonomes du Pays ne put remplir sa tâche et redresser un mouvement à côté de la C. G. T.

Délaissée par ceux-là mêmes qui la constituèrent, mais n’y adhérèrent jamais, elle mena une pauvre existence.

Son Bureau décida de convoquer une Conférence le 23 juillet 1925. Elle se tint à Saint-Ouen. 36 Syndicats y participèrent. La proximité des Congrès Confédéraux ne permit pas de prendre encore une position nette, surtout sur la question de l’Unité qui apparaît bien,