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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/559

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core à payer 20,3 milliards, sans compter l’Alsace et la Lorraine à laquelle on attribue 550 millions de francs ». (D’après le mémoire présenté à Washington, le 29 avril 1926 aux membres de la « War Debt Funding Commission », par M. Henry Bérenger, ambassadeur de France à Washington).

Nous pouvons maintenant récapituler :

Dette intérieure… 286.173.694.000 Fr.

Dette aux États-Unis… 107.762.613.390

Dette à la Grande-Bretagne… 114.393.110.350

Régions libérées… 20.000.000.000

Dus à divers États… 10.000.000.000

TOTAL : 538.329.417.740 Fr.

La dette publique de la France, d’après les chiffras officiels, s’élevait donc, à la date du 30 avril 1925, à la somme de CINQ CENT QUARANTE MILLIARDS DE FRANCS.

Il faut encore ajouter à cette somme les intérêts dus aux États-Unis, pour le principal de notre dette et qui se chiffraient au 15 juin 1925 par 26.430.000.000 de francs, ce qui remonte le total de la dette à 570 milliards, et à 600 milliards si l’on ajoute également les intérêts dus à l’Angleterre.

A mesure que les capacités de payement d’une puissance s’affaiblissent, ses créanciers deviennent plus pressants, et réclament leurs créances, et l’État débiteur est mis en demeure de régler ses dettes ou tout au moins de prendre des arrangements avec ses créanciers. Nous avons dit que L’État n’avait d’autre alternative pour se libérer de sa dette que de faire pression sur la population pour en obtenir les ressources nécessaires. Pourtant il arrive un moment où le poids des impôts directs ou indirects est si élevé, qu’il devient impossible à un Gouvernement de les percevoir. La population mise à sec ne peut plus rien donner et le problème devient alors insoluble.

C’est le cas dans lequel se trouve la France en cette année 1926. Les difficultés qu’elle éprouve pour faire face à ses engagements sont insurmontables et l’on peut dire sans crainte de se tromper que, même si par un palliatif quelconque, un Gouvernement arrivait à gagner du temps, ce ne serait que partie remise, aucune mesure, propre au régime capitaliste ne pouvant sauver l’État de la ruine financière, de la faillite. On en jugera par les chiffres des sommes nécessaires à l’État pour payer ses dettes ou simplement l’intérêt de celles-ci. Le budget de l’État français était en 1924, de 41.214.000.000 de francs, or, cette somme ne fut pas suffisante pour couvrir les dépenses et l’État fut obligé d’emprunter :

En France … 5.444.000.000 Fr

A l’Étranger … 2.122.000.000

Avances de la Banque de France … 500.000.000

Emprunts émis par les soins du Crédit National … 6.860.000.000

Soit un total de près de quinze milliards de francs, et pourtant en 1924, les charges de la France n’étaient pas aussi lourdes qu’elles le sont en 1926 et qu’elles le seront dans les années qui suivront.

Tiraillé par ses créanciers extérieurs, l’État français prend des engagements qu’il ne sera en mesure de tenir que s’il affame sa population et encore ! Cependant, cela n’a pas empêché les représentants officiels du capitalisme français de traiter avec leurs confrères américains et, par l’intermédiaire de M. Bérenger, ambassadeur de France à Washington, de conclure le fameux accord du 29 avril 1926 qui reconnaissait à l’Amérique une créance de (nous calculons le dollar à 30 francs) CENT VINGT ET UN MILLIARDS DE FRANCS remboursables en soixante ans, la pre-

mière échéance étant prévue pour le 15 juin 1926 et s’élevant à 900 millions de francs et la dernière pour le 15 juin 1987 et s’élevant à trois milliards et demi. Ce qui revient à dire que, durant soixante ans le travailleur français devra suer 2 milliards de francs supplémentaires pour remplir les coffres-forts des banquiers américains et de leurs complices les banquiers français.

La classe ouvrière a en général une sainte horreur des chiffres et elle se désintéresse des questions financières qui agitent les cercles et les milieux politiques. C’est un grand tort ; car, à l’étude des chiffres, on s’aperçoit de la fragilité du régime capitaliste et du peu qu’il faudrait pour en ébranler les bases.

Nous avons donné plus haut l’état de la dette publique française, et nous avons fait remarquer qu’il était matériellement impossible à un gouvernement de se libérer de cette dette. Nous avons dit également que si l’État français ne pouvait rembourser le principal de sa dette, il était tenu à en payer les intérêts à ses créanciers. Or, il semble qu’il lui est aussi impossible de payer les intérêts que la dette elle-même et que les uniques ressources provenant des impôts directs ou indirects ne sont pas assez élevés pour faire face aux dépenses utiles et inutiles de la nation.

Pour donner à cette affirmation la force qu’il convient, nous allons rechercher quelle somme l’État est obligé de prélever sur le budget annuel qui lui est alloué, pour solder l’intérêt de la dette contractée :

INTÉRÊTS

À l’Intérieur :

Dette perpétuelle … 4.362.000.000

Dette à long terme … 4.449.000.000

Dette flottante … 3.477.000.000

Dette à court terme … 1.926.000.000

Pensions civiles et militaires … 5.444.000.000

À l’Extérieur :

États-Unis … 540.000.000

Angleterre … 1.200.000.000

TOTAL : 21.368.000.000

Soit près de 22 milliards de francs par an que n’importe quel gouvernement français sera obligé de trouver s’il veut conserver son crédit. Il faut faire remarquer que cette somme n’éteindra pas la dette publique et que si le Gouvernement tient à liquider ou à consolider sa dette extérieure, en soixante annuités, ainsi qu’il en est question, il lui faudra en outre verser en moyenne, et pendant soixante ans, toujours en calculant le dollar à 30 francs et la livre sterling à 150, environ deux milliards à l’Amérique et autant à l’Angleterre, ce qui nous donne :

Intérêts annuels à payer tant à l’Intérieur qu’à l’Extérieur … 21.368.000.000

Consolidation de la dette aux États-Unis … 2.000.000.000

Consolidation de la dette à la Grande-Bretagne … 2.000.000.000

TOTAL : 25.368.000.000

Soit un total de 25 milliards de francs par an.

Est-ce tout ? Non pas. Nous avons dit en nous reportant aux chiffres officiels présentés par M. Bérenger à Washington, que l’État français avait encore à payer une somme de 20 milliards pour ses régions libérées. Si nous supposons qu’il échelonne ses payements en une période de dix années c’est deux milliards de plus par an que les caisses du Gouvernement devront sortir.

Nous nous arrêterons ici en signalant que, dans tous les chiffres que nous donnons, nous sommes au-dessous de la vérité, et que nous n’avons pas tenu compte des dettes secondaires : des 54 millions de florins dus aux