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imaginables, pour sortir le capitalisme français de l’ornière. Ils n’ont rien trouvé ; ils ne trouveront rien, car il’n’y a rien, En désespoir de cause, ils ont accouché cette monstruosité que la cause initiale des difficultés financières de l’État français, était la journée de huit heures, et que si le travailleur consentait à augmenter sa production, la situation de la nation s’améliorerait.

Le travailleur français, comme celui du monde entier du reste, a été entraîné contre son gré dans le cataclysme qui ensanglanta le monde de 1914 à 1918. C’est lui qui a le plus souffert, c’est lui qui a le plus donné ; et affaibli, saigné, il a réintégré son foyer, convaincu qu’il s’était battu en vain, et que le « droit et la liberté » n’était qu’une formule propre à le tromper et à le sacrifier à la soif des grands potentats du commerce et de l’industrie.

Il ne travaille que huit heures, et pas toujours encore ; mais loin d’améliorer le sort de la nation et son sort propre, les plus longues journées de travail auraient pour conséquence le chômage et par extension la misère. Nous avons tout près de nous l’exemple de l’Angleterre et de son million et demi de chômeurs, qui, depuis des années, sont à la recherche d’une situation. Et puis est-ce au peuple de fournir les moyens de relever le crédit de l’État ? Avant 1914, tant bien que mal, le budget familial était bouclé avec le salaire modeste du père de famille. Tant bien que mal également le budget de l’État suffisait aux dépenses de la Nation.

Ce n’est pas le travailleur qui a voulu la guerre. Le prolétariat, qu’il soit allemand, français ou anglais, avait un profond désir de quiétude et de paix. Ce n’est pas le travailleur qui a contracté les milliards de dettes que le capitalisme mondial entend maintenant lui faire payer. Il ne payera pas, il ne peut pas payer. Que ceux sur qui pèse la lourde responsabilité de la boucherie, que ceux qui ont avec désinvolture emprunté des milliards pour fournir de la nourriture aux canons et aux fusils, que ceux qui ont à leur actif le crime affreux qui coûta la vie à des millions d’êtres humains, s’arrangent ; qu’ils cherchent et qu’ils trouvent ; ou alors qu’ils tremblent, car la dette publique, leur dette, s’éteindra dans la Révolution. — J. Chazoff.


DÉVELOPPEMENT. n. m. Action de développer, d’ôter l’enveloppe ; de retirer ce qui entoure, de déployer ce qui enveloppe. Le développement d’une pièce d’étoffe, d’un objet d’art, etc.… Accroissement des facultés intellectuelles ou morales. Le développement de l’intelligence, du cœur, du caractère. Travail organique par lequel un être se constitue dans ses formes. Le développement d’une fleur, d’un corps, d’un arbre. Exposition détaillée d’un sujet ; le développement d’une thèse, d’un discours d’un article, d’une idée. En ce qui concerne une idée, l’action de la développer est indispensable lorsque l’on veut se faire comprendre. Quand nous disons : « les Anarchistes veulent instaurer un milieu social qui assure le maximum de bien-être et de liberté adéquate à chaque époque » ; cette proposition peut paraître abstraite à celui qui n’est pas initié au mouvement philosophique et social, et ignore tout de l’Anarchie. Il est donc utile d’étendre, de donner de l’ampleur à cette proposition et de tirer de ce simple énoncé toutes les conclusions qui s’imposent. Par le développement du sujet, on démontrera que les Anarchistes ont raison de vouloir « instaurer un nouveau milieu » mais qu’il est nécessaire pour cela de détruire le milieu actuel, dont tous les rouages sont viciés et corrompus. Par le développement, on arrivera également à démontrer que cette transformation ne peut être que consécutive à une Révolution qui dépossédera ceux qui ont accaparé toute la richesse économique du monde et jouissent de tous les privilèges. En un mot le développement d’un simple énoncé anarchiste nous conduit à la critique des socié-

tés modernes et à la recherche des moyens propres à employer pour sortir les individus de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent.

À l’étude des hommes et des choses, on constate que si les individus ne jouissent pas de plus de bien-être et de liberté, c’est que leur développement intellectuel et moral est encore à l’état d’embryon et qu’ils ont encore à se perfectionner s’ils veulent conquérir leur liberté. Il est du devoir de chacun d’étendre ses connaissances, de chercher à voir et à comprendre tout ce qui l’entoure, afin de percer le mystère de ce qui lui est inconnu. Le peuple est asservi, opprimé, et aspire à sa libération ; il faut cependant qu’il sache qu’une révolution brutale serait imparfaite, et inopérante si, auparavant, une autre révolution ne s’était faite en son cerveau. Une révolte d’ignorants peut déplacer des privilèges, elle ne peut pas les supprimer. La plus grande révolution de l’homme doit se faire en lui. S’instruire, s’éduquer, approfondir toutes choses, puiser dans les sciences, dans les arts, dans le passé et dans le présent un bagage de connaissances susceptibles d’assurer la vie harmonieuse de demain, se développer physiquement et intellectuellement, c’est la tâche à laquelle doit s’attacher le Révolutionnaire. Le développement de l’humanité sera toujours relatif au développement des individus qui la composent, et c’est parce qu’ils le savent que tous les partisans de l’autorité entravent le développement intellectuel du peuple, et c’est pourquoi aussi ils oppriment avec tant de férocité les Anarchistes qui savent et veulent faire comprendre aux hommes qu’une société libre doit être peuplée d’individus développés.


DEVENIR. n. m. et verbe. Il s’oppose à Être dans le sens de ce qui reste inchangé, et désigne le changement, la série de passages d’un état à l’autre. Le problème de la stabilité : « être » ou du changement : « devenir », fut posé et étudié par les premiers philosophes grecs. Selon Héraclite, la permanence d’Être est une pure illusion ; la réalité est comme un fleuve qui coule toujours. Selon Parménide et l’école éléatique, seulement Être est réel ; il est le substratum du changement, la substance qui reste, alors que les qualités changent. La controverse qui opposa les disciples de Parménide à ceux d’Héraclite persiste et plus près de nous, le représentant des premiers fut Herbart, et Hegel celui des seconds.

La célèbre formule d’Héraclite : « panta rêi » (tout passe) a été reprise par le mobilisme, terme proposé par Chide et accepté par la Société Française de Philosophie, pour indiquer la doctrine selon laquelle le fond des choses n’est pas seulement individuel et multiple (pluralisme), mais en mouvement continuel : en continuelle transformation et sans lois fixes ainsi que toute tentative d’organisation rationnelle reste inefficace. La doctrine Hégélienne, la Darwinienne et la Bergsonienne ont porté au mobilisme. (Chide, Le mobilisme moderne, 1908).


DÉVERGONDAGE. n. m. Libertinage, excès, dérèglement dans les mœurs. Être dévergondé : mener une vie licencieuse. Un jeune homme dévergondé ; une jeune fille dévergondée. Le dévergondage fait des ravages dans toutes les classes de la société et n’est malheureusement pas seulement le privilège des riches. Le peuple a, lui aussi, ses abcès et il en souffre. Ils sont hélas trop nombreux, les jeunes gens qui se perdent dans les bouges des grandes villes et quittent l’atelier pour vivre des produits de la prostitution ! L’oisiveté dans laquelle ils se vautrent les corrompt et ils sont bien vite entraînés à se livrer à la débauche et au dévergondage le plus scandaleux et le plus bas. Une fois sur la pente glissante, il est presque impossible de