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clergé catholique, comme l’Espagne et l’Italie, le divorce n’existe pas encore, mais il ne tardera pas à s’universaliser. Son mécanisme sera toujours plus simple. En Russie, en vertu du décret du 18 décembre 1917, le divorce est devenu une pratique accessible à toutes, les bourses, et réalisable en peu de jours.

Il semble impossible que le divorce rencontre encore beaucoup d’adversaires, étant donné que le lien matrimonial, quand il est troublé par le dissentiment, la mauvaise santé, etc., se résout en une infinité de malaises pires que la séparation elle-même, aussi bien pour les conjoints que pour les enfants. L’adultère, les scènes continuelles, les crimes passionnels, les drames de la jalousie, et tant d’autres désordres et scandales naissent du fait que beaucoup de femmes sont forcées de vivre avec le mari qu’elles n’aiment pas, à cause des difficultés qu’elles rencontrent pour la revendication de leurs propres droits. En certains pays, la femme séparée-reste légalement soumise au mari et exposée à ses représailles : de l’arrestation pour concubinage à l’interdiction de garder-les enfants auprès d’elle.

Il est ridicule de présenter le divorce comme étant la destruction du mariage, puisqu’il n’est que la fin légale de l’union qui, désormais, n’existe plus. À ce propos, le juriste italien Luigi Miraglia observait (Filosofia del diritto, Naples, 1903, p. 463) :

« Seule, l’union perpétuelle de fait répond à l’idéal ; le divorce, on doit le considérer comme la reconnaissance de la juste fin de l’union pleine ; il commence là où finit l’idéal de l’indissolubilité. »

Le plus curieux, c’est que dans les pays où n’existe pas le divorce, ce sont les femmes elles-mêmes qui, écoutant les prêtres, se dressent contre lui. Pourtant, le divorce serait une libération pour beaucoup d’entre elles. Une statistique sur les séparations de personnes en Italie, en 1897, donnait (abstraction faite des cas de séparations dont les conjoints étaient d’accord), les chiffres suivants : la séparation fut accordée en 206 cas, pour excès, sévices, injures imputables presque toujours au mari. En 18 cas, il s’agissait d’abandon volontaire et, sur ces 18 cas, les deux tiers étaient imputés au mari qui avait quitté la famille. En d’autres cas, la cause est une condamnation du mari. Seulement en une seule des causes de séparation, le tort se trouverait en majorité du côté des femmes, là où il s’agit de tromper la foi conjugale : la statistique officielle cite 47 séparations déterminées par ce genre de mésaventures domestiques, et ajoute que, en 35.cas sur 47, la faute est du côté de la femme ; mais en tenant compte du fait que la tromperie de la femme, aux termes de la loi, se consomme avec un seul acte, pendant que celle du mari, pour être légalement efficace, doit se traduire en une forme de concubinat, cette dernière exception perdrait toute importance.

L’augmentation énorme des divorces est significative. Aux États-Unis, pays classique du divorce, il est dû à la précocité des mariages. En fait, le recensement de New-York enregistrait 1.600 jeunes hommes et 1.200 jeunes filles de quinze ans, mariés en la seule année 1920. Pendant la même année, 82 garçons et 1.500 filles d’âge non supérieur aux 15 ans, se trouvaient en état de veuvage ou divorcés. En Europe aussi, les cas de divorce sont de plus en plus fréquents, surtout dans les grands centres.

Voici une statistique de Berlin :

  Années Mariages Divorces Pourcentage
   1921 45.238 7.875 17, 2
   1922 47.688 7.364 15, 5
   1923 41.519 6.781 16, 1
   1924 30.650 7.372 24, 1

On pourrait citer d’autres statistiques, pour démontrer que le mariage est en décadence et qu’on va vers l’union libre. — C. Berneri.


DOGMATISME. n. m. On peut être dogmatique sans pour cela adhérer à une religion ou à une église. Le dogmatique est celui qui se raidit en une croyance, en une vérité déterminée ou en un groupe de vérités (pour lui naturellement) et qui n’admet pas que d’autres en doutent. Le dogmatisme, c’est le père de l’intolérance politique, religieuse et morale. Combien de personnes qui rient et qui sourient des dogmatiques religieux et qui, à leur tour, sont des religieux dogmatiques vis-à-vis du programme de leur parti ! Hier, les jacobins aujourd’hui les communistes autoritaires sont des dogmatiques. Mais aussi parmi les anarchistes, il y a des mentalités bornées, des esprits arides, des présomptueux sans culture, qui prennent à la lettre et en bloc la pensée des auteurs plus ou moins connus, et de valeur, et ne tolèrent aucune critique ; ils ne s’intéressent à aucune élaboration idéologique, à aucun ajournement des données sur lesquelles les théoriciens construisent leurs théories.

Anarchisme et dogmatisme sont inconciliables.

Le dogme, c’est la tradition morte, la répétition de la parole du maître, l’autorité contre le libre examen. Chaque anarchiste devrait combattre le dogmatisme, en partant d’un examen de conscience et en veillant à ce que sa pensée ne se cristallise point.


DOGME. n. m. Dans son acception commune, ce mot signifie une opinion imposée par une autorité en dehors et au-dessus de toute critique et de tout examen. Dans la religion chrétienne, le dogme est une vérité révélée par Dieu, et directement imposée, par l’Église, à la croyance des fidèles. La révélation est la source du dogme, et son caractère fondamental est l’intangibilité. Le dogmatisme catholique est l’ensemble des dogmes préparés, définis et développés par les Pères de l’Église, par les Conciles et par les Papes. Les trois dogmes fondamentaux sont : Jésus, l’homme et Dieu ; Dieu, en une et en trois personnes ; l’homme, tombé à cause du péché, et racheté moyennant la grâce. Le dogme a été la base de l’intolérance religieuse, puisque toute vérité philosophique ou scientifique trouva dans le dogme intangible sa pierre d’achoppement. La vérité étant unique, aucune autre vérité n’est admise. Donc, l’Église dit : « Je suis en possession de la vérité, qui n’est pas avec moi est dans l’erreur. »

Combien de bûchers allumés, combien de sang a fait verser la présomption de l’Église, qui, en définitive, n’était que la présomption des prêtres installés sur les dogmes pour guetter toute lumière de vérité nouvelle, afin de l’éteindre ! Au dogmatisme ecclésiastique s’unit le dogmatisme scientifique pendant des siècles. À tel point que saint Thomas, les Conciles, le Pape, infaillibles, eurent comme complice involontaire Aristote, dont les œuvres étaient considérées comme les colonnes d’Hercule du savoir et de la pensée. Avec la réforme de la méthode scientifique, avec l’hérésie religieuse et la critique philosophique, le dogmatisme se confina dans l’Église. Puis vint à s’affaiblir l’éclat de l’anathème, qui pendant des siècles avait été la foudre de Rome.

Le positivisme en philosophie, l’expérimentalisme en science ont affranchi la pensée des dogmes religieux et scientifiques. Aujourd’hui, l’homme cultivé ne veut plus croire en aveugle, il demande des explications et il cherche des preuves. Le modernisme est entré dans le corps de l’Église, cheval de Troie du rationalisme.

L’histoire de la pensée est l’histoire du dogme et du libre examen en lutte. Et l’histoire nous montre combien de fois le premier étouffa le second en retardant la civilisation.

À près Kant, le dogmatisme a perdu sa bataille. Allons-nous vers le triomphe de la raison ? Certains courants philosophiques fatigués et les restaurations cléricales imposées par les gouvernements réaction-