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tes ? S’il y en a, ils sont peu et leur nombre est insignifiant. L’idée de Dieu n’est plus dangereuse ; le dogme n’est plus qu’une lumière vacillante qui disparaît derrière les flambeaux de la science, et qui va s’éteindre totalement, sous le souffle puissant du progrès. Mais l’Eglise, elle, subsiste, soutenue par toutes les puissances d’argent ; elle ne prétend même plus être un organisme de moralisation, mais avoue être une association politique ; c’est donc comme telle qu’il faut la considérer et la combattre. Il faut la placer parmi toutes les autres associations de conservateurs ; elle forme l’élément le plus puissant de réaction, de conservation et de domination sociale. Ne cherchons donc plus à détruire ce qui fut sa force, mais ce qui est sa force, actuellement, et qui lui permet d’exercer, malgré la faillite de son dogme, une influence colossale sur la collectivité humaine.

Les dogmes de l’Église moderne se confondent avec les dogmes des nouvelles religions matérielles, religions politiques, aussi néfastes et aussi nuisibles que les précédentes.

Le nationalisme, le patriotisme, le démocratisme sont les dogmes auxquels se sont attachés les hommes d’aujourd’hui et il est aussi difficile de les arracher à leur croyance qu’il fut difficile de faire pénétrer dans le cerveau des anciens religieux une parcelle de raison. Si le christianisme fut, et est encore, l’allié de la classe capitaliste, le nationalisme, le patriotisme et le démocratisme en sont les précieux auxiliaires et les souffrances que ces dogmes ont déterminées, les crimes dont ils ont été la cause sont déjà terriblement nombreux.

La lenteur avec laquelle un individu abandonne un dogme et la rapidité avec laquelle il s’attache à un autre pourrait faire penser que le peuple a besoin d’une religion : c’est, du reste, ce qu’affirment certains philosophes. De là, sans doute, les différents dogmes qui se succèdent les uns aux autres.

A notre sens, c’est l’erreur de toutes les écoles que de croire à la nécessité de remplacer une religion par une autre, sous prétexte que l’homme doit avoir un idéal et un but. Il est vrai que l’individu a besoin d’un idéal, mais celui-ci ne doit pas être dogmatique ; sans quoi, il perpétue un état de chose qui, échappant à l’analyse, maintient l’individu dans l’ignorance et l’esclavage.

« Le dogmatisme est l’opposé de la méthode critique qui part de l’examen approfondi de la faculté de connaître pour aller à la connaissance des objets », a dit J. Aicard. Conservons donc et essayons de développer chez ceux qui nous entourent cette faculté de critique ; ne dogmatisons pas, détruisons les dogmes, tous les dogmes et, lorsqu’il en sera libéré, l’individu s’acheminera à grand pas vers le bonheur et la liberté.


DOMESTICATION. n. f. Action de domestiquer. « Action d’accoutumer les animaux sauvages à la domesticité » dit le Larousse, qui nous cite le nom des animaux dont la vie est attachée à celle de l’homme. Et, si nous regardons au mot domesticité, nous voyons : « État de domestique. Ensemble des domestiques d’une maison ». Hommes et animaux, naturellement, car, pour le bourgeois, le « domestique » n’est ni plus moins qu’une bête de somme, attachée au service de son maître.

« Le premier d’entre les hommes qui jeta une bride sur le cou d’un âne, pour en faire sa bête de somme, et qui mit une livrée sur le dos d’un lâche, pour en faire son serviteur, inventa certainement ce qu’on appelle le principe d’autorité, en créant le domesticisme. » (Farenthuld)

L’homme serait-il inférieur à certains animaux ? La domestication du tigre, du lion, de la panthère est impossible et la sauvagerie de ces fauves est combien

supérieure à l’état de dépendance, de servitude dans lequel vit une catégorie — et la plus nombreuse — d’individus. Comment est-il possible de comprendre que la plus grande partie de l’humanité se soit laissé domestiquer au point d’abandonner sa vie et sa liberté entre les mains d’une poignée de parasites et de privilégiés ? Cela dépasse la compréhension, mais, cela est. L’énorme majorité des hommes se trouve, vis-à-vis d’une minorité, dans une situation inférieure, et consacre son existence à servir cette minorité qui, en échange, lui permet de ne pas crever de faim. Comme travail de domestication, c’est admirable. Le régime de la domesticité évolue ; le servage a succédé à l’esclavage ; le salariat au servage ; l’exploitation reste la même, la domestication domine ; le principe ne change pas.

Et l’on se demande parfois s’il y a lieu de plaindre et non de blâmer ceux qui se livrent ainsi volontairement à la domestication. Les deux peut-être. Certes, l’on peut trouver des circonstances atténuantes aux malheureux qui n’ont pas conscience de leur bassesse et de leur lâcheté. L’atavisme, l’ignorance, la crainte, la faiblesse morale, physique et intellectuelle sont des facteurs de domesticisme ; soit, mais tout de même, en notre siècle de lumière, il n’est pas permis d’être aussi sourd à toute raison et aussi aveugle à tout ce qui se voit. L’ignorance absolue est une preuve de paresse, car chacun, aujourd’hui, aussi faible, aussi dépourvu soit-il, a la possibilité d’acquérir un minimum de connaissances et de lutter contre l’emprise exercée par les maîtres.

Non, ils n’ont pas d’excuses, les domestiques volontaires, les heureux, les contents de leur sort et, si nous ne souffrions pas de leur domestication, il n’y aurait qu’à les laisser croupir dans leur crasse. Mais notre vie est intimement liée à la leur et c’est pourquoi il nous faut continuer la lutte, poursuivre notre œuvre, pour jouir de notre liberté pleine et entière, qui est subordonnée à la liberté de toute l’humanité.


DOMINATION. n. f. (du latin dominatio). Puissance, autorité. Action de dominer, d’être au-dessus des autres. Pouvoir que l’on a sur les esprits ou sur les corps. Exercer sa domination. La domination de l’âme sur le corps. La domination du roi, du prince, du dictateur.

L’esprit de domination a présidé de tout temps et préside encore à la vie des sociétés. C’est ce qui explique leur instabilité et les luttes continuelles et fratricides que se livrent les hommes.

Être quelque chose, commander, exercer sa puissance, sa domination sur quelqu’un semble être le moteur de toute l’activité des individus. « Un gueux a un chien pour avoir un être sur qui dominer » a dit Sainte-Foix et c’est, malheureusement, trop vrai.

Depuis le temps que nous souffrons des contraintes qu’ont subies nos pères et que nous subissons nous-mêmes, ne devrions-nous pas être guéris de cette soif de domination ? Quand donc étoufferons-nous au plus profond de nous-mêmes ce besoin de dominer ? L’anarchiste est adversaire de toute domination. Il veut être un homme libre, se refusant d’être esclave, il ne veut pas être maître et, refusant d’être dominé, il ne cherche pas à être dominateur. Ce n’est que lorsque les hommes auront compris qu’eux seuls sont responsables de la domination qui les abaisse et les place en bas de l’échelle sociale que s’effaceront les dominateurs qui étendent leur puissance sur tout l’Univers.


DOUANE. n. f. (de l’italien dogana, droit vénitien établi par les doges sur les navires arrivant de l’étranger et sur les charges qu’ils portaient).

La douane est l’administration chargée par un État, une nation, de percevoir un droit sur les marchandises