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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/132

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tentative d’expulsion, dont notre vieil ami Malatesta aurait été victime, souleva une telle protestation, non seulement dans la classe ouvrière, mais dans tout le monde libéral, que le gouvernement britannique céda devant la réprobation unanime de tous les hommes de cœur. Hélas ! Tout cela a changé, et la « libre Angleterre » expulse aujourd’hui à son tour, trahissant tout un passé de libéralisme à l’égard de ceux qui cherchaient sur son sol un lieu de repos. Le dernier coin du globe où était respecté le droit d’asile a adopté les mêmes mesures répressives contre les étrangers que les autres nations et, à présent, le malheureux chassé d’une terre inhospitalière ne sait plus où aller pour trouver un refuge où la tranquillité et la sûreté lui seraient assurés.

Chaque nation, cependant, aussi réactionnaire soit-elle, prétend respecter la tradition du droit d’asile et n’user de l’expulsion que pour garantir la sûreté de l’État. Cela est complètement faux et l’on peut remarquer que ce ne sont d’ordinaire que des révolutionnaires que l’on chasse d’une nation. En dehors des liens qui existent entre les divers gouvernements mondiaux il y a une solidarité capitaliste lorsqu’il s’agit de lutter contre les forces de transformation sociale. Aussi divisé, nationalement ou internationalement, que puisse être le capitalisme lorsqu’il faut à certains de ses groupes défendre des intérêts particuliers, il est cependant uni dans sa lutte contre la Révolution. Un révolutionnaire italien ou espagnol est considéré comme nuisible aussi bien dans les autres pays que dans son pays d’origine et, quelle que soit la partie du monde où il posera les pieds, il sera poursuivi et chassé comme un malfaiteur par les classes dirigeantes. « Sûreté de l’État » veut dire simplement « Sûreté du Capitalisme » et c’est pourquoi l’homme d’avant-garde est condamné, comme le Juif Errant, à marcher toujours s’il ne veut pas se courber devant les forces de régression sociale.

La terre appartient à tous et l’expulsion d’un individu est la plus lâche des infamies, la plus terrible des agressions du capitalisme. Il existe des hommes qui sont condamnés à traîner une existence misérable parce qu’en vertu de leur passé, de leur action, aucune nation ne veut les recueillir, et qu’ils sont, en conséquence, continuellement obligés de se cacher, de se terrer pour échapper aux griffes de la police internationale. Le nombre de camarades que l’on arrache à la bourgeoisie, lorsque le scandale d’une expulsion par trop arbitraire éclate, est infime ; et ils se comptent par milliers, les pauvres bougres que l’on expulse sans autre forme de procès qu’une simple signature ministérielle. En France, ce sera la honte de la démocratie de s’être servie, de cette arme : l’expulsion, pour défendre les intérêts d’une caste de privilégiés.

Un projet de loi qui, probablement, sera voté dans le courant de l’année 1927, retirera aux ministres la possibilité d’expulser les étrangers, Ce soin incombera aux magistrats. Est-ce mieux, est-ce plus mal ? À nos yeux, il ne peut y avoir de demi-mesure. Nous ne pouvons accorder ce pouvoir d’expulser qui que ce soit à un ministre ou à un magistrat. Si le législateur, en réformant une pratique gouvernementale, considère que l’expulsion ouvre la porte à tous les abus, il doit

aussi comprendre que le magistrat est toujours un agent gouvernemental, et qu’il agira par ordre lorsque le besoin s’en fera sentir. Et c’est pourquoi ce n’est pas codifier « l’expulsion » qu’il faut, mais la supprimer et permettre à tout homme de vivre, là où il en a le désir.


EXTERMINATION n. f. (du latin exterminare, anéantir). Action de détruire, d’anéantir. Extermination d’un peuple ; extermination d’une race. Les tribus de race rouge habitant l’ancien territoire des États-Unis ont été totalement exterminées par les hommes de race blanche. Rien de plus répugnant que cette extermination qui s’accomplit sous le couvert de la civilisation. Pour s’emparer des richesses et des territoires appartenant aux « Indiens », les blancs les parquèrent, les empêchèrent de se reproduire, les massacrèrent en masse, et enfin arrivèrent au but poursuivi. De nos jours, les hommes rouges ont presque totalement disparu.

Une guerre d’extermination ; travailler à l’extermination d’une peuplade ; l’extermination d’une classe, d’une caste, etc., etc… La nature brutale et indifférente accomplit parfois un véritable travail d’extermination. Les raz de marée, les cyclones, les éruptions volcaniques sont des fléaux qui dévastent des contrées entières ; pourquoi faut-il que les hommes ajoutent encore à ces désastres en s’exterminant eux-mêmes ? Plus féroces que les fauves, ils s’entre-tuent, se dévorent, s’arrachent, se détruisent, s’exterminent, alors qu’un peu de sagesse et de bonté leur permettrait de vivre en harmonie. La science ne sera-t-elle donc toujours qu’un facteur d’extermination, et jamais une source de bienfaits et d’amour ?


EXTRADITION n. f. (du latin extraditio, même signification ; de ex, hors de et de tradere, livrer). L’extradition est l’action qui consiste, pour un gouvernement, à livrer un individu réfugié sur son territoire à un autre gouvernement qui le réclame. Il ne faut pas confondre extradition et expulsion, car ce sont deux actions bien différentes. L’expulsion est un acte de police intérieure ; c’est un gouvernement qui chasse un individu qu’il considère indésirable, même s’il n’a pas commis d’actes répréhensibles. L’extradition, elle, ne s’applique qu’à la demande d’un gouvernement étranger et lorsque l’individu réfugié a commis une infraction de droit commun sur le territoire du gouvernement demandeur. L’extradition ne s’accorde généralement que pour des délits d’une certaine gravité et il est même certains États qui ne l’accordent que lorsqu’ils y sont contraints par un traité. En vertu d’une tradition, l’extradition n’est en principe jamais accordée, pour des faits d’ordre politique ou pour la désertion des soldats. Nous disons, en principe, car, en réalité, les gouvernements s’arrangent assez facilement entre eux pour se livrer mutuellement les réfractaires politiques ou militaires. Durant la « grande guerre », la Suisse, qui était pourtant un pays neutre, n’hésita pas à livrer à la France un grand nombre de déserteurs. Il faut aussi signaler cette différence entre l’extradé et l’expulsé, c’est que l’expulsé a le droit de choisir le pays où il veut se rendre, alors que l’extradé est livré à la police de la nation qui le réclame.