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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/244

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tits d’une minorité de parasites qui spéculent sur le mouvement ouvrier. Souventes fois, les anarchistes, malgré les désaccords profonds qui les séparaient de certains partis politiques, consentirent à faire cause commune, pour un but déterminé, avec certains de leurs adversaires, dans l’espoir de voir la classe ouvrière sortir triomphante de la bataille. Hélas ! L’expérience ne fut pas heureuse, et chaque fois la classe ouvrière fut détournée de son chemin, malgré tous les efforts des révolutionnaires sincères. L’on est donc obligé de constater que, parfois, ceux qui réclament l’organisation du front unique, ne le font que pour empêcher certains éléments d’entreprendre une action qui pourrait gêner une autre tentative préconçue et inavouée, et que dans de telles conditions le front unique, loin d’être profitable à la classe ouvrière, lui est néfaste. Le front unique ne peut se réaliser que si une profonde sincérité, sans aucune arrière pensée, anime ceux qui sont chargés de l’organiser. Or une telle garantie ne nous est nullement fournie par les hommes qui sont actuellement à la tête des deux grandes organisations ouvrières, liées l’une et l’autre à des associations politiques.

Faut-il donc désespérer de voir la classe ouvrière unifiée et capable de se dresser menaçante devant la folie meurtrière du capitalisme ? Devons-nous espérer que le front unique s’organisera automatiquement à l’heure du danger et que, devant la terrifiante réalité, les travailleurs, dans un éclair de raison, briseront les barricades qui les séparent ? Il est difficile de répondre, et pour celui qui a assisté à la désorientation des éléments révolutionnaires de 1914, il est douteux qu’en l’état de chose actuel il en soit différemment. Les travailleurs ne semblent pas avoir appris grand-chose de la guerre, ils se laissent encore guider comme par le passé par des formules sentimentales qui ne sont plus d’actualité. Cependant que le capital profite de toutes les expériences et s’organise pour parer à toutes les difficultés, le prolétariat reste stationnaire et s’imaginé qu’en changeant les noms et les mots il change les choses. Il n’est pas suffisant de dire que les chefs qui le dirigent sont corrompus, car en vérité lui seul est responsable de cette corruption. C’est à lui de savoir choisir ses hommes et de s’organiser de façon à pouvoir être prêt à répondre à toutes les attaques du capital. L’organisation instantanée du front unique est une utopie qui ne se réalisera jamais, et même en supposant qu’un tel phénomène se produise, le prolétariat serait encore victime des malins et des audacieux qui chercheraient et réussiraient à le détourner de son action.

Le problème à nos yeux est entier. Ce n’est pas le front unique qu’il faut provoquer, c’est l’unité de la classe ouvrière, et cela est un travail de longue haleine. C’est tout le problème du syndicalisme qui se pose à nouveau ; c’est le syndicalisme qu’il faut organiser sur de nouvelles bases, car dans le syndicalisme seul résident toutes les aspirations prolétariennes. Seul le syndicalisme, détaché de toute emprise philosophique et politique, est susceptible d’accomplir le tour de force qui consiste à renfermer dans une organisation unique tous les exploités à quelque catégorie qu’ils appartiennent. C’est dans le syndicalisme que nous devons placer toutes nos espérances, mais nous ne concevons pas le syndicalisme ainsi que nombreux de nos camarades anarchistes qui lui prêtent une idéologie révolutionnaire. Ce qui, selon nous, a justement nui au développement du syndicalisme dans les pays latins, c’est son esprit. Le syndicalisme est un mouvement de masse ; or la masse n’est pas révolutionnaire dans son esprit mais elle, le devient dans son action. Le syndicalisme est donc révolutionnaire, ou plutôt le devient selon les circonstances, même s’il se réclame du plus pâle réformisme. Et cela est tellement vrai, que même des orga-

nisations syndicales chrétiennes, voire fascistes, furent entraînées parfois dans l’action révolutionnaire en raison des circonstances et des événements. La première nécessité du syndicalisme et sa première force est le nombre. Si les organisations syndicales anglaises ou américaines obtiennent des succès, c’est grâce à leur force numérique. Or, jamais cette force numérique ne pourra être atteinte dans nos pays latins si nous n’abandonnons pas cette prétention de vouloir donner au syndicalisme une idéologie révolutionnaire. Et nous le remarquons dans toutes les campagnes de recrutement syndical. Bon nombre de travailleurs refusent d’adhérer à la C.G.T.U. parce que cette dernière est animée par un esprit politico-communiste, comme ils refuseraient d’adhérer à une organisation d’inspiration anarchiste ou socialiste. Le travailleur qui entre dans une organisation n’a aucun programme d’avenir, il a des besoins immédiats. C’est pour les soutenir, les défendre, qu’il s’associe à ses frères de misère. Il n’a pas d’autre but. Quant à nous, anarchistes, il me semble que ce but nous doit paraître suffisant et que nous ne pouvons pas concevoir un syndicalisme suffisant à tout, sans quoi nous ne serions pas anarchistes. C’est justement, ainsi que l’a déjà lumineusement développé il y a longtemps notre vieux camarade Malatesta, parce que nous considérons que le syndicalisme ne suffit pas à tout, que nous voyons la nécessité de nous organiser entre anarchistes et que nous menons une action particulière, une action anarchiste en dehors des cadres syndicaux.

Sur le terrain syndical, uniquement syndical, débarrassé de tous les parasites qui le rongent, les travailleurs peuvent reconstituer leurs forces. Et que l’on ne pense pas que ce serait amoindrir le rôle du syndicalisme, ce serait l’étendre au contraire. Il est possible de faire quelque chose avec des forces compactes, il est impossible de faire quoique ce soit avec des forces éparses.

Que les travailleurs y songent. Leur avenir est entre leurs mains et c’est d’eux que dépendent leur vie et leur mort. Toute lutte du travail contre le capital est révolutionnaire. Chaque amélioration, aussi faible soit-elle, que le travailleur arrache à son exploiteur, est une partie de la victoire, une partie de la révolution. La révolution est de chaque jour, de chaque heure, de chaque minute. Que les travailleurs s’organisent sur le travail et pour le travail et le front qu’il opposera à ses maîtres sera unique et puissant. — J. Chazoff.


FRONTIÈRE n. f. Limite de deux pays. Lignes fictives tracées sur les cartes du monde et qui enclosent un certain territoire appelé pays ou patrie. Bien des phénomènes président au tracé des frontières : droit du premier occupant ; droit du plus fort : conquête par la guerre, le vol, l’assassinat ; traités imposés ou subis ; unions de princes ; dots ; héritages, etc…

C’est l’affirmation du droit de propriété par une collectivité sur le sol, les instruments de travail.

Les frontières sont gardées par des postes de douane. La douane est un des moyens despotiques de comprimer l’examen des bases d’ordre d’un pays. Il est en effet absolument indispensable aux gouvernants d’une nation d’empêcher l’examen de la révélation (Droit divin) sur laquelle se base l’autorité du Prince ; ou du sophisme (Droit des majorités) sur lequel se base l’autorité de l’État. Il faut pour cela, empêcher les confrontations des bases d’ordre d’un pays avec celles de l’autre pays. Les douanes ont longtemps rempli cette fonction et la remplissent encore en surveillant le passage des habitants d’un pays à l’autre, en le gênant (passeports), en supprimant les imprimés jugés séditieux, etc…

Les douanes ont en outre une autre fonction. Elles permettent, par la perception d’un droit d’entrée sur