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croyaient en la puissance révélatrice des magiciens. Nous assistons, de nos jours, à des stupidités aussi grossières et les gens qui consultent les cartomanciennes pour connaître leur destinée, ne sont nullement supérieurs à leurs aînés qui consultaient les sorciers. Et puis, toutes les paroles prononcées dans les églises par les prêtres de toutes les religions, et auxquelles une foule de gens accordent une certaine vertu, ne sont-elles pas dignes de figurer au grimoire, qui est l’évangile de tous les imbéciles ?

Au figuré, on appelle grimoire une écriture ou un texte difficile à déchiffrer. Les lois que votent nos parlementaires sont généralement de véritables grimoires. Les textes en sont si obscurs, que les magistrats qui sont obligés de les appliquer ne sont jamais d’accord sur l’interprétation qu’il faut leur donner, et tout naturellement c’est le peuple qui a à subir ces lois, qui en est victime.


GRIPPE-SOU n. m. Autrefois, on donnait ce nom à celui qui recevait les rentes moyennant une petite remise. Aujourd’hui, ce terme s’adresse à l’individu, homme ou femme, qui cherche à gagner, à soutirer, à dérober de l’argent en employant de petits moyens sordides. Il ne faut pas confondre le grippe-sou et l’avare. L’avare a un amour immodéré de l’argent et, lorsqu’il en a en sa possession, il ne le laisse pas échapper, mais il n’usera pas forcément de moyens condamnables pour s’en procurer. Au grippe-sou, tous les moyens sont bons. Le mendiant qui use de subterfuges, de tromperies, de ruses, pour apitoyer le passant et lui soutirer quelques pièces de monnaie, est un grippe-sou.


GRISERIE n. f. (de griser). La griserie est une demi-ivresse. Lorsqu’un individu n’est plus dans son état normal par suite d’une consommation excessive de boissons alcoolisées, sans pour cela avoir perdu conscience de ses actes, on dit de lui qu’il est gris. L’état dans lequel il se trouve est la griserie.

La griserie est souvent accidentelle ; si elle se répète trop fréquemment, elle devient de l’ivresse, et l’individu qui s’y livre est un ivrogne. On ne se grise pas seulement avec des boissons alcooliques. L’emploi de certains soporifiques, tels l’opium, la morphine, la cocaïne, vous jette également dans un état de griserie. Un grand nombre d’êtres faibles et désabusés se laissent entraîner à la griserie pour les sensations qu’elle procure, sans s’apercevoir que, petit à petit, ils s’orientent vers la folie et la mort.

Le mot griserie s’emploie aussi au figuré pour désigner l’état de surexcitation et d’exaltation morale dans lequel se trouve un individu. La griserie du succès ; la griserie de l’espérance. C’est une véritable griserie qui s’empare d’une population au moment des élections et qui lui fait accomplir, malgré l’expérience et l’exemple du passé, l’acte ridicule et inutile du vote. Faut-il tant s’en montrer surpris lorsque l’on sait tous les procédés employés par les candidats pour griser les foules ? Espérons que l’heure est proche où les peuples, enfin dégrisés, ne seront plus composés que d’hommes sains d’esprit, débarrassés du narcotique politique, et qu’ils pourront poursuivre ainsi la marche ascendante de la civilisation.


GRISOU n. m. (nom wallon). Le grisou est un gaz hydrogène carboné, mélangé plus ou moins d’azote et d’acide carbonique. Il est moins combustible que tous les autres gaz, mais il devient explosif lorsque, dans un certain espace, il forme plus que la treizième partie de l’air atmosphérique auquel il est mélangé.

Formé dans les pores de la houille par la décomposition de matières végétales, le grisou s’accumule et séjourne dans des poches naturelles existant au som-

met des couches de charbon. Lorsqu’une de ces poches crève, le grisou s’en échappe et le moindre contact avec la flamme produit l’explosion.

Comme il est impossible au mineur de travailler sans lumière, on comprend tout le danger que comporte ce métier. Des milliers et des milliers de malheureux esclaves du sous-sol ont déjà laissé leur vie au fond de la mine et chaque jour la liste macabre s’allonge. Le grisou fait à chaque moment de nouvelles victimes malgré la lampe inventée en 1815 par Davy et qui, dans une certaine mesure, met le mineur à l’abri des coups du grisou.

Il faut dire que, bien souvent, les catastrophes minières sont dues à la négligence coupable et intéressée des compagnies exploitantes. Les bénéfices scandaleux réalisés par les possesseurs du sous-sol devraient permettre de donner aux travailleurs le maximum de garanties ; mais les compagnies minières ne sont touchées que par les sommes de profit réalisé et n’hésitent pas à pousser la production au point de mettre en danger l’existence du personnel. Chaque fois qu’un coup de grisou se produit au fond d’une mine, jetant sur le pavé veuves et orphelins, des promesses sont faites assurant les travailleurs que, dans l’avenir, toutes précautions seront prises pour que de semblables catastrophes ne se reproduisent plus. Mais le temps passe, l’oubli aussi, et les morts s’ajoutent aux morts. Le grisou poursuit ses ravages.

Quand donc les progrès de la science seront-ils mis au service de la collectivité ? La houille blanche pourrait de nos jours, si des intérêts particuliers n’entraient pas en jeu, répondre aux besoins des populations et ainsi se terminerait l’effrayant cauchemar du grisou. Notre société bourgeoise et capitaliste, conservatrice à l’excès, semble ignorer toutes les richesses naturelles qui, sagement exploitées, n’obligeraient plus le mineur à travailler dans la profondeur de la nuit, pour arracher à la terre, la lumière et la chaleur.

C’est justement parce que la société moderne, mue par des intérêts particuliers, ne veut pas mettre au service de la collectivité tout ce qui pourrait être utile aux humains, que nous sommes des révolutionnaires. Il serait, certes, fou de prétendre que, dans les conditions présentes, au lendemain d’une révolution victorieuse, la nouvelle société serait immédiatement à l’abri de toutes catastrophes minières et que le grisou ne ferait plus de victimes. Mais nous pensons que, dans une société organisée sagement, les catastrophes seraient de moins en moins fréquentes, tous les progrès de la science étant mis au service du travailleur et toutes les précautions étant prises pour garantir la vie de ceux qui œuvrent péniblement pour assurer le bien-être de l’humanité.


GROTESQUE adj. (de l’italien grottesco ; de grotta, grotte). Caractère de ce qui est inharmonique et incohérent. Image ou figure qui rend risible la nature en la contrefaisant. Une peinture grotesque ; un dessin grotesque.

Au figuré, le mot grotesque s’emploie comme synonyme d’extravagant ou ridicule. Un homme grotesque ; une idée grotesque.

Tout ce qui est grotesque ne porte pas toujours à rire. En ce triste monde, il y a une foule de personnages grotesques émettant des idées stupides et dangereuses pour le bien de l’humanité, qui sont pris au sérieux par le pauvre peuple ignorant. Les grotesques ne se rencontrent pas seulement sur la piste du cirque ou sur la scène du théâtre. On les trouve aussi dans les couloirs et sur les bancs des parlements ; on peut les voir dans les prétoires et dans les chambres de justice où ils jouent la plus sinistre des comédies humaines ; on les rencontre dans toutes les armées, chamarrés d’or,