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ticiens (autre sorte de prêtres) vivre de la crédulité d’autrui et exploiter bassement cette crédulité.

L’immoralité ? — c’est tout ce qui constitue les fondements sur lesquels repose la société capitaliste et autoritaire. C’est l’Etat, c’est la propriété, c’est le salariat, le patriotisme.

L’immoralité ? — c’est la morale officielle, source d’imposture, amas de mensonges.

Que les gens vertueux et moralistes prennent garde ! Le jour où l’immoralité disparaîtra, ce seront tous leurs privilèges qui crouleront avec elle.


IMMORTALITÉ n. f. État, qualité de ce qui ne meurt pas. Les peuplades de l’antique Égypte et de l’Inde croyaient que l’âme des personnes ne mourait pas et se transmigrait dans un autre corps, soit d’être humain, soit d’animal. Cette croyance à l’immortalité et à la transmigration de l’âme (voir ce mot) fut importée en Grèce par Pythagore. Plus près de nous, Fourier et Jean Reynaud ont encore soutenu cette thèse qui arrivait à condamner l’usage des viandes sous le prétexte que l’homme se nourrissant de viande s’exposait à manger la chair d’un des siens.

Cette croyance spéciale est appelée métempsycose (voir ce mot).

Depuis très longtemps la croyance en l’immortalité de l’âme est incrustée dans les cerveaux. Ceux qui n’adoptent pas la métempsycose croient tout de même qu’une fois l’être humain décédé, il y a quelque chose de lui qui reste vivant (voir les mots : âme, spiritualisme, matérialisme).

La doctrine chrétienne, et principalement le catholicisme, expose que lorsque l’homme est mort son âme est appelée à aller au paradis si l’homme fut bon, au purgatoire s’il commit des fautes, en enfer s’il commit des péchés mortels.

Ce fut cette croyance en l’immortalité de l’âme qui donna tant de sérénité aux premiers martyrs chrétiens, qui étaient persuadés que leur supplice leur assurait le Paradis.

Hélas ! Malgré la science, beaucoup de gens sont encore aujourd’hui persuadés de l’immortalité.

Qui dira combien d’erreurs, de mensonges, d’absurdités, d’hypocrisies et de crimes, même, fit commettre cette croyance ! Ne voit-on pas dans les hôpitaux les prêtres s’acharner comme sur une proie auprès des malheureux agonisants qu’ils veulent administrer pour leur faire gagner le paradis !

Depuis la guerre, une recrudescence se manifeste dans les milieux les plus divers en faveur d’une doctrine de l’immortalité de l’esprit, qui, détaché du cadavre, se manifeste et correspond avec les vivants. Cette croyance est dénommée spiritisme ou métapsychique (voir ces mots). Des gens à prétention scientifique affirment le plus sérieusement du monde avoir assisté à des manifestations d’existence, à des conversations tenues aux vivants par des esprits d’êtres humains décédés ! Et leur croyance qui touche quelquefois au fanatisme est pleine de pitié, voire de mépris pour les pauvres diables que nous sommes, qui restons incrédules et dubitatifs devant ces prétendues manifestations. Le véritable protagoniste, le fondateur de l’école métapsychique fut Allan Kardec.

— On appelle aussi immortalité la vie perpétuelle dans le souvenir des hommes. Victor Hugo, Voltaire ont atteint à l’immortalité par leurs œuvres. Le mot immortalité est pris alors dans le sens de postérité (voir ce mot).

Combien de petits hommes dont le nom n’est connu que de leurs proches, aspirent à l’immortalité pour des actes dont, dans un mois, personne ne se souviendra.

Mais aussi, hélas, combien d’autres ; tels les Néron, les Louis XIV, les Catherine de Médicis, les Napoléon,

ont atteint l’immortalité par les crimes sans nom qu’ils commirent ou firent commettre de leur vivant !


IMMUNITÉ n. f. (du latin immunitas ; de immunis, exempt). Exemption d’impôts, de devoirs, de charges, etc. En France, jusqu’en 1789, le clergé et la noblesse ne payaient pas les impôts, ni les redevances : c’était l’immunité féodale.

Depuis la Révolution, les députés au Parlement français sont couverts pendant toute la durée des sessions de l’immunité parlementaire. Outre qu’ils ne paient pas d’impôts pour leur traitement de représentants, on ne peut arrêter ni poursuivre un député ou un sénateur (sauf en cas de flagrant délit) sans l’autorisation de la Chambre à laquelle l’élu appartient. C’est ce qui permit à un Léon Daudet d’insulter, de calomnier pendant quatre ans tous ses contemporains — la Chambre ayant toujours refusé de lever son immunité.

Au temps du scandale de Panama, puis pendant la guerre sous le ministère Clemenceau, et enfin depuis le retour de Poincaré aux affaires, plusieurs députés et sénateurs virent lever leur immunité parlementaire pour permettre au gouvernement de les poursuivre devant les tribunaux.

Les diplomates sont, dans tous les pays, couverts par l’immunité diplomatique.

— On appelle immunité la propriété d’un être vivant d’être à l’abri d’une maladie déterminée. Une première atteinte d’une maladie infectieuse confère souvent une immunité plus ou moins longue.


IMPARTIALITÉ n. f. Caractère, action de celui qui est impartial.

En réalité, l’impartialité n’existe pas. Il est impossible à un homme de juger, d’apprécier une chose sans que cette appréciation, ce jugement ait été déterminés par une foule de contingences : éducation, opinions, préjugés héréditaires, etc.

Au reste, il n’est pas à souhaiter que l’impartialité existe. Demander à un homme d’être impartial, c’est lui demander d’abdiquer pendant un laps de temps plus ou moins court ses opinions politiques, philosophiques, scientifiques, artistiques, littéraires ou autres.

Certes quand un fait se produit qui démontre l’erreur d’une conception, il est du devoir de tout être de faire la constatation et d’en tirer les enseignements adéquats, mais quelle que soit la bonne volonté dont l’homme peut être doué, il ne peut en aucune manière se flatter d’être impartial. L’être humain est trop déterminé (voir déterminisme) pour pouvoir se vanter d’avoir la faculté d’être impartial.

L’impartialité dont se targuent certains n’est qu’une hypocrisie. Quand on pense que des magistrats se vantent d’être impartiaux — alors que l’on sait qu’ils jugent toujours selon les ordres donnés à eux par le Pouvoir ou selon l’esprit de classe qui les anime — on ne peut que rire avec mépris de l’impartialité judiciaire.

Quand on sait que les historiens quels qu’ils soient ne cherchent qu’à faire servir les documents ou les faits qu’ils citent à la conception qui leur est chère, on doit être très circonspect en ce qui concerne l’impartialité de l’Histoire.

Défendons, propageons nos idées, analysons les théories, examinons les faits et les hommes d’une manière objective la plus exacte possible, mais n’oublions pas que notre objectivité dépend de trop de considérations pour qu’elle soit impartiale.

L’impartialité est un mot qui a été inventé par des gens qui cherchaient des circonstances atténuantes à leurs actes. Elle n’est qu’un paravent dont se servent certains hommes qui n’ont pas le courage suffisant pour affirmer qu’ils jugent et apprécient suivant leurs idées.