Cornelius Jansen naquit à Akoi, près de Leerdam, d’une famille catholique, le 28 octobre 1585, et mourut de la peste le 6 mai 1638. Il étudia la théologie à l’Université catholique de Louvain, où enseignait le fameux théologien Baïus (Michel de Bag), né à Metin, près Ash, en Belgique. Baïus était chancelier de l’Université qui l’envoya au Concile de Trente. Par deux fois le pape Pie V (1567 et 1569) condamna les idées de Baïus. Ce fut toujours le seul recours de l’Église catholique, condamner et menacer les écrivains qu’on ne pouvait convaincre d’erreur. Baïus, qui n’était pas intrépide, se soumit, comme le fit l’évêque Dupanloup en 1870-1871, mais en réalité il conserva ses opinions et fut de nouveau condamné par une bulle de Grégoire XIII en date du 29 janvier 1579. Baïus montra de nouveau sa pusillanimité en prétendant renoncer à ses opinions en 1580.
Jansenius après Louvain, étudia à Paris avec l’abbé de Saint-Cyran qui le fit nommer président d’un collège ecclésiastique à Bayonne (1611-1617). A son retour à Louvain, Jansenius fut nommé principal du collège de Sainte-Pulchérie, où il enseigna la théologie. En 1630 il devint professeur régulier à l’Université et, en 1636, le roi d’Espagne, qui était le souverain des Flandres, charmé par un pamphlet violent contre la France (Mars Gallicus), le nomma au siège épiscopal d’Ypres.
Comme Baïus, Jansenius était un disciple passionné de saint Augustin. Il avait lu 30 fois les ouvrages de saint Augustin contre Pélage et les hérésiarques qui avaient adopté ses théories ; il avait lu 10 fois toutes les autres œuvres du célèbre évêque d’Hippone. L’évêque d’Ypres s’était assimilé les idées d’Augustin sur la grâce suffisante, il était violemment opposé aux Jésuites à qui il ne permit pas d’enseigner la théologie à l’Université de Louvain.
Jansenius avait commencé son Œuvre sur saint Augustin en 1627 et, onze ans après, au moment où il était à l’agonie, il ne l’avait pas encore terminée. Sur son lit de mort il recommanda à ses disciples de publier cet ouvrage ; les jésuites et le nonce du pape à Cologne firent des démarches nombreuses pour empêcher cette publication qui leur était odieuse. L’œuvre parut pourtant en 1640 en trois volumes in-folio, édités par Liberus Froidmont et Kalen, sous les auspices de l’Université ; le titre en est : Augustinus, seu Doctrina Augustini de Humanae Naturxe Sanitate, Acgritudine et Medicina adversus Pelagianos et Mascilienses. L’ouvrage fut bientôt après réimprimé à Paris (1641) et à Rouen (1643). Jansenius y expose la doctrine de saint Augustin sur la grâce irrésistible et l’absolue élection ou réjection, en employant souvent les paroles mêmes du saint africain. Il repousse la raison dans les questions religieuses. Augustin n’avait-il pas dit : Credo quia absurdum ! Je crois parce que c’est absurde. Il appelle la philosophie la mère de toutes les hérésies ; il accuse les jésuites et surtout Fonseca, Molina et d’autres, de semi-pelagianisme. Les jésuites, furieux, crièrent à l’hérésie, en disant que l’œuvre de Jansenius reproduisait les propositions de Baïus, condamnées par le pape, et Urbain VIII le mit à l’index par la bulle In eminenti (1647).
Les amis de Jansenius dans les Pays-Bas, parmi lesquels il y avait plusieurs évêques et presque tous les professeurs des Universités, se soumirent, quoique à regret, à la bulle In eminenti.
Toutefois, en France, la résistance fut plus sérieuse, les libertés de l’Église gallicane, en opposition à l’Église ultramontaine, avaient accoutumé les esprits à une certaine liberté de jugement. Fénelon, le célèbre évêque de Cambrai, avait, dans son for intérieur, adopté les idées jansénistes, mais il n’était pas assez courageux pour résister aux objurgations de Bossuet, et il dut se rétracter. D’un autre côté, l’abbé de Saint-Cyran et Antoine Arnauld, éminent docteur en Sorbonne, sa
Le pape Clément IX, plus tolérant d’abord, voulut rétablir la concorde parmi les catholiques par son décret Pax Clementina, mais la publication des Réflexions morales sur le Nouveau Testament, œuvre anonyme d’un membre de la congrégation des Oratoriens, mit le feu à la poudre. L’auteur était le théologien Pasquier Quesnel qui, persécuté pour ce livre, dut se réfugier à Bruxelles, auprès d’Arnauld, dont il reçut le dernier soupir. Arrêté en 1696, il fut emprisonné à Malines, d’où il s’évada en 1703, et mourut à Amsterdam où il était allé fonder des églises jansénistes. C’est encore un exemple de l’intolérance romaine. Les malheurs de Quesnel doivent nous servir d’avertissement et nous faire honnir la domination d’un pouvoir prétendu divin.
Louis XIV, qui avait pris le goût des persécutions religieuses en révoquant l’édit de Nantes, en envoyant aux galères des milliers de paisibles protestants, en ruinant l’industrie française par la fuite à l’étranger de ses plus distingués représentants, écouta les insinuations de Clément XI et fit détruire Port-Royal, obligeant le plus grand nombre des jansénistes à se réfugier dans les Pays-Bas. Clément XI, dans sa constitution Unigenitus (1713), condamna 101 propositions tirées du livre de Quesnel, comme hérétiques, dangereuses, offensant les oreilles pieuses. Un grand nombre d’ecclésiastiques français et de laïcs, avec l’archevêque de Paris, le cardinal de Noailles, attaquèrent cette constitution et, en conséquence, furent dénommés anti-constitutionnistes.
Un décret papal en date du 2 septembre 1718 menaça d’excommunication tous ceux qui ne se soumettraient pas sans condition. Quatre évêques (Mirepoix, Montpellier, Boulogne, Senez) en appelèrent à un concile œcuménique. Ceux qui défendirent cet appel et dont plusieurs étaient opposés au jansénisme, furent nommés rappelants. Le Parlement résista fermement aux décrets du Saint-Siège. La Sorbonne vacillait ; fortement pressée par l’autorité, elle finit par se soumettre, mais le Chapitre général de l’Oratoire résolut, en 1727, de ne pas accepter la bulle Unigenitus. Un diacre, François de Pâris, considéré par le peuple comme un saint, s’était vu fermer la carrière épiscopale par son refus d’adhérer à la bulle Unigenitus ; il se retira au faubourg Saint-Marceau, à Paris, où il se livra à des macérations, des veilles qui ébranlèrent sa santé, mais le rendirent encore plus populaire. Mort en 1727, il fut enterré dans le cimetière Saint-Médard qui devint un lieu de pèlerinage, de nombreux miracles s’y faisaient, disait-on, les femmes y tombaient en pâmoison, en d’horribles convulsions. Le gouvernement fit fermer le