Ils ne tarderaient pas à t’endormir de nouveau et à te replonger dans la servitude de l’esclavage. Il te faudra encore veiller sans cesse pour conserver les conquêtes de la vie. Le sommeil, c’est l’hiver, c’est la nuit, c’est la résignation, c’est la mort ! » — E. Cotte.
ÉNERGIE n. f. (du grec energeia, de en dans et ergon action.) Puissance, force, fermeté. Physiquement l’énergie est la capacité de travail qu’un corps est susceptible d’effectuer. Elle revêt diverses formes : l’énergie mécanique, l’énergie thermique, l’énergie électrique, l’énergie chimique, l’énergie musculaire, etc… Le principe de la conservation de l’énergie est dû à Helmhotz qui, le premier, en 1847, signala que dans un système, si aucune action extérieure n’intervient, l’énergie se conserve en quantité invariable.
L’énergie d’une expression ; l’énergie musculaire ; montrer de l’énergie ; avoir de l’énergie ; se défendre énergiquement ; un remède énergique ; agir énergiquement ; parler énergiquement.
À l’époque où la science n’avait pas encore capté les forces naturelles pour les mettre au service de l’humanité, l’énergie musculaire était presque seule utilisée pour répondre aux nombreux besoins des collectivités. À la contemplation de ce que nous a légué le passé, on reste sidéré de la somme d’énergie que durent dépenser les anciens pour exécuter les travaux indispensables à la vie des hommes et l’on se rend compte alors de ce que la civilisation doit au génie des chercheurs qui transforment leur intelligence en énergie mécanique, permettant à l’homme de triompher des obstacles inaccessibles à l’unique puissance musculaire.
L’énergie, quelle que soit la forme qu’elle emprunte est une source de progrès et il est faux, ainsi que le prétendent certains esprits rétrogrades, qu’elle soit un facteur d’asservissement social. Toute l’histoire oppose un démenti formel à une telle conception de l’énergie sur la vie des hommes.
Il n’est pas en notre pensée de louer la force en soi, quelles que soient ses manifestations. La force, a-t-on dit et répété maintes fois, prime le droit, et il est à redouter que longtemps encore il en soit ainsi. La force brutale, violente, incohérente est évidemment un facteur de domination sociale, cela est indiscutable, mais elle ne peut être combattue et détruite que par une force supérieure capable d’entraîner les hommes vers leur libération. Or, c’est l’énergie, sous toutes ses formes qui réalisera ce miracle car c’est l’énergie qui détermine l’évolution et qui permettra d’atteindre au plus haut sommet de la civilisation humaine.
Énergie intellectuelle, énergie sociale, énergie chimique, énergie mécanique, énergie électrique, toutes ces manifestations de l’énergie ne sont en réalité que de l’énergie transformée, et se confondant les unes dans les autres. L’énergie est unique, mais asservie aux hommes elle emprunte certains caractères et travaille à leur émancipation.
La capacité de travail de l’individu a une limite qu’il ne peut dépasser sous peine de mort. La force musculaire est restreinte et s’il est vrai que la civilisation a pour but, non pas la restriction des besoins de l’humanité, mais au contraire leur développement, afin que chacun puisse goûter sainement à toutes les joies, physiques, morales et intellectuelles, il devient nécessaire de chercher en dehors des forces physiques de l’homme, une puissance susceptible de se substituer à la sienne et de produire en un temps moindre une somme de travail beaucoup plus élevée.
Si l’on imagine ce que coûtèrent de souffrances l’édification des monuments anciens, la construction des villes et des cités, l’énergie dépensée musculairement pour assurer l’existence des grandes agglomérations
Suppose-t-on seulement combien de vies sombrèrent dans la construction de la célèbre Pyramide de Chéops, dite la « Grande Pyramide » qui mesure 138 mètres de haut, a 227 mètres à sa base, et une arête de 217 mètres ? Maîtres de la mécanique et de l’électricité dont on est arrivé à capter l’énergie, de nos jours, quelque colossales que soient ces exécutions, elles ne présenteraient pas les difficultés du passé. Des travaux d’une autre envergure ont été exécutés, sans que le travailleur soit réduit à l’état de bête de somme, comme dans l’antiquité. N’est-ce pas à l’énergie industrialisée qu’il doit ce succès ?
Et dans tous les domaines, les bienfaits de l’énergie se font sentir. N’est-ce pas grâce à elle qu’il est permis aujourd’hui à tous de se déplacer et l’énergie électrique ne permet-elle pas à l’individu de franchir en un laps de temps extrêmement court, des espaces que nos ancêtres directs auraient qualifiés de fantasmagoriques.
Et c’est encore à l’énergie industrialisée que nous sommes redevables, dans une certaine mesure, de la diminution progressive des heures de travail et par extension de la diminution de fatigue qui en résulte.
On pourrait certes objecter qu’aux manifestations bienfaisantes de l’énergie, on doit pour être juste, opposer tous ses bienfaits, et que si elle assure à l’homme d’aujourd’hui un bien-être relativement supérieur à celui dont jouissaient nos ancêtres, elle est également un facteur de destruction, car elle possède la faculté d’abattre, de tuer, de ruiner avec une rapidité et une atrocité déconcertantes. S’il en est ainsi c’est que l’homme ne sait pas se servir de l’outil qu’il a entre les mains et qu’il se trouve dans la situation d’un enfant auquel on donnerait une locomotive à conduire sur une voie ferrée. Ce serait un désastre ; il en est de même avec l’énergie. L’homme n’a pas seulement à son service une énergie musculaire, une énergie brutale, il a également une énergie cérébrale, intellectuelle, qu’il ne doit pas subordonner à l’énergie violente ; au contraire. C’est de sa fermeté, de son énergie morale que dépend tout son bonheur. Pour nous, et nous le disons déjà plus haut, l’énergie est un tout. Prise dans diverses formes qu’elle emprunte, elle peut paraître nuisible ; il est incontestable que l’énergie dépensée militairement ne peut être d’aucune utilité, mais c’est là justement que l’énergie sociale doit apparaître, se manifester hautement pour détruire l’énergie parasitaire qui envenime toutes nos sociétés modernes.
Le peuple peut, s’il le veut, disposer d’une somme d’énergie formidable ; il est le maître absolu de son avenir et, seul, il est responsable de la situation précaire dans laquelle il croupit. C’est à sa mollesse, à sa faiblesse qu’il doit s’attaquer s’il veut ne plus être un esclave, et avoir sa place au soleil. Si les travailleurs, les exploités, les opprimés, les asservis, les parias, dépensaient, pour leur libération, la dixième part de l’énergie qu’ils ont offerte au capitalisme et à la bourgeoisie, il y a longtemps qu’ils ne seraient plus des esclaves, mais des hommes libres.
L’énergie est une source de progrès, il faut savoir s’en servir. Industrielle, musculaire ou intellectuelle, c’est elle qui guide et dirige le monde. Les maîtres l’ont accaparée et s’en servent pour dominer leurs sujets. Que les peuples se lèvent, qu’ils se refusent à être un puits de richesses pour une minorité d’oisifs et de profiteurs, qu’ils conservent, pour se défendre, toute leur énergie et ils sortiront victorieux de la bataille que livreront les forces de liberté aux puissances de réaction et de conservation sociale.