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fortuné ou puissant, et qui en souffre ? L’homme qui travaille dur et vit dans un taudis est-il donc un vil esprit quand il sent la haine pousser dans son cœur, au spectacle d’un oisif se prélassant dans une riche demeure ? La condamnation de l’envie n’est-elle pas, aux yeux des moralistes bourgeois, une pierre à deux coups qui frappera en même temps les sentiments de justice et d’égalité ? « Ne soyez pas envieux ! » correspondrait-il à l’enseignement de la résignation, de la soumission ? Que de fois l’on a traité d’envie les plus nobles sentiments d’humanité, de justice sociale ? Nous devons prendre garde de ne pas emboîter le pas à ces moralistes d’un genre tout spécial. Nous ne devons pas cataloguer d’envieux et condamner sous cette appellation toute critique contre ce qui est élevé ! Au contraire, reconnaissons que cette critique fut souvent un facteur de progrès dans l’évolution humaine. Ce qui est injustement élevé, riche, puissant, on a raison de le critiquer et de vouloir le ramener au juste niveau. Combattre un privilège inique est bon et nécessaire.

L’envieux, le véritable envieux que nous méprisons, c’est celui qui veut briller, dominer, jouir ; c’est celui qui veut rabaisser les autres parce qu’il ne se sent ni le courage, ni la capacité de les égaler ; c’est celui qui ne dénigre les plus haut placés que lui que parce qu’il voudrait avoir leur place. Celui-là est un être de désagrégation sociale, une puissance de mal.

Quant à tous ceux qui veulent rabaisser ce qui est élevé par d’iniques procédés, qui veulent relever ce qui est en bas par conséquence de l’injustice, ce ne sont pas des envieux, mais des combattants au service d’un noble idéal. — G. Bastien.


ÉPHÉMÈRE a. (du grec : epi, sur, et hemera, jour). Qui ne vit qu’un jour. Par extension : ce qui est passager ; de courte durée ; momentané ; qui n’a pas une longue vie. Un amour éphémère ; un bonheur éphémère ; une joie éphémère ; une victoire éphémère ; une croyance éphémère.

Que de choses sont semblables à ces insectes appelés « éphémères », qui volent auprès des rivières et qui meurent deux ou trois jours après leur éclosion ! Tout ce qui est humain n’est-il pas éphémère, et l’individu ne poursuit-il pas toujours un bonheur qui s’éloigne à mesure qu’il croit s’en approcher ? Le monde est dirigé par les passions et c’est sans doute pourquoi l’homme est bercé par des illusions qui ne lui procurent que des joies passagères.

Le « Pouvoir », la soif de dominer ses semblables, l’autorité malsaine, pour lesquels les humains s’entre-tuent, ne donnent à certains qu’un satisfaction éphémère, car leur puissance n’est toujours que relative et s’effondre au moindre vent.

Que de fois les peuples ont cru atteindre au sommet du bien-être et de la liberté, et ont dû déchanter face à la réalité brutale de la vie ! Bien-être éphémère ; liberté éphémère. Parce qu’ils le veulent bien. C’est à eux de bâtir leur maison sur des bases solides et non sur des sables mouvants.

Lorsque l’homme aura vaincu les préjugés qui pullulent en son cerveau, lorsqu’il aura chassé et écrasé tous les mauvais bergers qui le conduisent, son bonheur ne sera plus éphémère, mais réel et durable.


ÉPIDÉMIE n. f. (du grec epi, sur, et démos, peuple). Maladie qui affecte dans une localité, dans un pays un grand nombre d’individus à la fois. Le choléra, la peste sont des épidémies redoutables : le typhus, la fièvre jaune, bien que moins cruelles, sont également dangereuses.

L’épidémie dépend de causes accidentelles, dans les pays occidentaux où le progrès a réalisé certaines

mesures d’hygiène sociale. C’est ainsi que la peste et le choléra qui existent à l’état endémique dans les contrées de l’Asie ont presque totalement disparu de l’Europe. Hélas ! La vie moderne est une source d’autres misères, et aux maladies épidémiques du passé ont succédé d’autres fléaux. La tuberculose, l’alcoolisme, sont des épidémies qui ravagent les populations et chaque année un long cortège de miséreux s’ajoute aux millions de victimes qui payèrent hier leur tribut à la bourgeoisie. Et puis il y a la guerre qui affecte également des millions de parias et d’exploités ; et la tuerie ne s’effectue pas seulement sur les champs de bataille ; la population civile souffre également du carnage social. La « grippe espagnole » née de la guerre de 1914 causa de terribles ravages et le nombre de ses victimes, fut incalculable.

Contre l’épidémie, qui est un mal social, il est possible de lutter. La science médicale ne peut rien par elle-même. Guérir n’est pas suffisant. Il faut prévenir, et bien des maux disparaîtraient de la surface du globe si, au lieu de se déchirer, les humains cherchaient, dans un désir de paix, à rendre habitable, la vieille boule ronde.


ÉPIGRAMME n. f. (du grec : epigramma, même sens). Les Grecs appelaient épigrammes les inscriptions gravées sur les tombeaux ou sur les frontispices des temples et monuments publics. De nos jours, le mot épigramme se dit d’une phrase critique, mordante, railleuse qui se glisse dans une conversation ou un écrit. Une épigramme spirituelle ; une vive épigramme. Faire une épigramme ; adresser une épigramme. Se dit aussi de petits poèmes en vers se terminant par un trait d’esprit ou une satire. Boileau, Racine, Voltaire se distinguèrent par leurs épigrammes.


ÉPOPÉE n. f. (du grec epos, discours, et poiein, faire). Une épopée est un poème de longue haleine, qui chante les aventures héroïques ou merveilleuses d’une époque, d’un peuple ou d’un individu.

L’Iliade, le célèbre poème d’Homère en 24 chants, qui nous décrit les combats livrés par les Grecs devant la ville de Troie, est un chef-d’œuvre de poésie épique. Cette épopée nous offre un tableau complet de la vieille civilisation grecque. L’Enéide, de Virgile, en douze chants, est une superbe imitation de l’Iliade, et nous initie aux aventures d’Enée et de ses compagnons depuis la prise de Troie, jusqu’au jour où ils s’établirent définitivement dans le Latium, ancienne région de l’Italie centrale.

La Henriade est une épopée composée par Voltaire sur Henri IV et sur la Ligue. C’est une des œuvres les moins heureuses du grand philosophe. La Henriade manque de vie, la poésie en est froide, pleine de sécheresse, bien que contenant quelques pages d’histoire.

Pourquoi faut-il que ce soit toujours la guerre qui inspire les poètes ? La plupart des épopées nous font vivre des époques glorieuses mais meurtrières et douloureuses. La grande tuerie de 1914 est une nouvelle épopée tragique que traduiront demain de nouveaux poètes.

Quand donc l’Humanité, dans une merveilleuse épopée, chantera-t-elle l’Amour, la Paix et la Liberté ?


ÉPREUVE n. f. (de éprouver). Action d’éprouver ; expérience que l’on fait d’une chose, essai. Faire l’épreuve d’une machine. Mettre quelqu’un à l’épreuve. Faire subir une épreuve à une personne, c’est-à-dire s’assurer qu’un individu possède les qualités qu’on lui croit. Épreuve judiciaire : coutume moyenâgeuse qui consistait à soumettre à certaines tortures les accusés, et les accusateurs afin de prouver les uns leur inno-