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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/99

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« Enfin quand il y a trop de vassaux et d’ouvriers relativement à l’intelligence, à la population et aux communications de l’époque, les bourgeois renversent la féodalité nobiliaire à l’aide du peuple, et s’emparent du pouvoir. Ils abolissent en même temps les diverses mesures, ou droits féodaux qui en étaient la conséquence et établissent ainsi, à les en croire, l’égalité, la libre concurrence entre tous les travailleurs. C’est seulement à partir de cette époque qu’il y a des « prolétaires » décorés par le bourgeoisisme du nom de travailleurs « libres ». Ce sont les esclaves de la propriété mobilière, du capital.

« L’esclave passe ainsi, toujours sous le nom « d’homme libre », aussitôt qu’il se trouve émancipé du servage, par les transformations « d’affranchi », puis de « vassal » sous un seigneur, ou « d’ouvrier » sous une corporation bourgeoise, puis enfin de « prolétaire ».

Mais il est un terme où ces émancipations illusoires qui, en réalité, sont des aggravations d’esclavage, doivent s’arrêter. Nous sommes précisément arrivés à cette époque. À chacune des émancipations dont nous parlons, le maître avait pu présenter à l’esclave un avantage apparent à changer de position, et avait retiré, lui, un profit réel de ce changement. Mais lorsque l’esclave, d’affranchissement en affranchissement, est tombé dans l’abîme du prolétariat, il n’en est plus ainsi. Existe-t-il maintenant, un nouvel avantage illusoire à offrir aux esclaves ? Aucun. Le prolétaire, en apparence, est libre comme l’air. Son travail, il est vrai, est indirectement pressuré. Mais directement, jamais il ne lui est demandé une obole. Le prolétaire a-t-il ensuite quelque chose à perdre qui puisse avantager ses maîtres ? Rien, absolument rien ! »

La prise du pouvoir par la bourgeoisie eut pour conséquence, par la liberté du commerce, de faciliter le passage des individus d’une classe à l’autre. Tel prolétaire s’enrichit et passe à la bourgeoisie ; tel bourgeois se ruine et est rejeté dans les rangs du prolétariat où il ne tarde pas à devenir un puissant ferment de révolte. La liberté d’opinion, facilite l’expansion des idées de justice, de fraternité, de liberté. L’écho des Révolutions, réveille jusque dans les pays les plus lointains, l’esprit de lutte. Les derniers remparts de l’esclavage tombent sous les coups du mouvement humanitaire du xixe siècle.

Aux États-Unis, la guerre de Sécession, entre les États du Sud, esclavagistes, et ceux du Nord, abolitionnistes, qui avait commencé en 1860 se terminait en 1865 par la défaite des esclavagistes.

Dans les colonies françaises l’esclavage avait été aboli en 1848 ; en Russie, en 1861 ; au Brésil, en 1888.

Mais l’esclavage existe encore dans certaines parties de l’Afrique et nous pouvons lire dans « l’En Dehors » de janvier 1927 : Aux États-Unis… Les lynchages de nègres sont fréquents. Dans les villes, on les tient autant que possible séparés ; les hôtels, restaurants, théâtres, ayant une clientèle blanche, n’acceptent pas de noirs. Certains quartiers et tramways leur sont interdits. Il est des communes, de petites villes, et même des régions dont ils sont exclus absolument, et il n’est pas rare que les hommes de « couleur », non avertis, y soient assassinés.

« … Il y a quelque temps, à Miami, on voyait un petit monument, placé sur un trottoir de la première rue, sur lequel on pouvait lire : « C’est ici qu’il y a quelques années, un homme blanc fut trouvé, lequel avait été enduit de goudron et de plumes, parce qu’il avait prêché l’égalité pour les nègres. Si vous êtes un noir insensé, ou un blanc qui croyez à l’égalité sociale, vous êtes prévenu que ce comté n’a pas besoin de vous. »

« Dans l’Ouest, on a vu, en 1923, des commerçants et banquiers aller dans les champs, empoigner les Japo-

nais pour les jeter sur des camions et les transporter ailleurs. »

L’esclavage, fruit de l’oppression du faible par le fort, n’est pas près de disparaître de notre globe. Cependant les anarchistes redoublent d’efforts afin d’allumer dans les esprits des opprimés, la flamme des fières résistances à l’oppression. Ils espèrent instaurer enfin une société où nulle trace d’esclavage, d’autoritarisme ne viendra enlaidir la vie des humains. — A. Lapeyre.

ESCLAVAGE. La signification de ce mot est pour tout le monde celle-ci : Asservissement d’un ou plusieurs individus à d’autres plus forts ou plus malins. Il y a toujours eu des esclaves. Mais selon les époques, les pays et les conditions sociales, selon même le degré et les formes de civilisation, l’esclavage a différé dans son genre et ses méthodes.

Des volumes entiers ne suffiraient pas à décrire les souffrances des esclaves à travers les âges, dans tous les pays du monde ; rien ne peut résumer l’ignominie, la cruauté, le sadisme autoritaire des maîtres, surtout à certaines époques des civilisations disparues. Cela, dit-on, n’existe plus.

On sait pourtant que l’esclavage, sous des noms différents, a toujours existé, pour la honte de l’humanité. On sait qu’il existe encore plus ou moins. Il suffit de le vouloir pour le constater en pleine prospérité ignoble : dans les casernes, dans les colonies, dans les bagnes capitalistes, dans les établissements religieux, dans les couvents, les ouvroirs, les refuges philanthropiques et autres institutions hypocrites de prétendue charité…

D’une façon générale, dans la civilisation bourgeoise, actuelle, nous croyons inutile de démontrer en détail son existence : toutes les victimes de l’exploitation de l’homme par l’homme sont de malheureux esclaves.

Un brillant écrivain du xixe siècle, Chateaubriand, a écrit : « Le salariat est la dernière forme de l’esclavage. »

Vouloir, comme le veulent tous les socialistes, la suppression de l’Esclavage, c’est donc vouloir la suppression du salariat. Il nous semble impossible de l’abolir sans abolir le Capitalisme et tout le système d’exploitation qui en découle, et tout le système autoritaire d’organisation sociale qui le maintient. Une révolution sociale peut, seule, en venir à bout par la Révolte consciente des esclaves. — G. Yvetot.


ESCROQUERIE n. f. L’escroquerie, nous dit le Larousse, est l’ « action d’obtenir le bien d’autrui par des manœuvres frauduleuses ».

L’escroquerie se différencie du vol proprement dit en ce que, dans le vol, le délinquant s’approprie le bien d’autrui à l’insu de ce dernier, alors que dans l’escroquerie la victime apporte elle-même son argent ou son bien au détrousseur qui l’a trompée sur la destination de ce dépôt ou sur l’usage qu’il comptait en faire.

L’escroquerie est un délit puni par la loi ; mais les articles du Code sont tellement élastiques, qu’un escroc, adroit, puissant et intelligent, ne se laisse prendre que très rarement. D’autre part, la loi permet l’escroquerie lorsque celle-ci est exercée sur une grande échelle et bien souvent elle la favorise.

Légalement « Le délit d’escroquerie existe par la réunion de trois éléments : 1o l’emploi de moyens frauduleux, consistant dans l’usage d’un faux-nom ou d’une fausse qualité, ou bien dans des manœuvres tendant à tromper la victime choisie (le mensonge pur et simple, ne suffit pas) ; 2o l’obtention de valeurs grâce à l’usage de ces moyens ; 3o le détournement ou la dissipation de ces valeurs. » (Larousse)

Or, nous disons quelques lignes plus haut que la loi favorise l’escroquerie. Les deux premiers éléments de la