tion des actes et des paroles de l’interlocuteur. « Une jeune dame, somnambule, rapportait le Journal du magnétisme en 1849, mise en rapport avec une personne quelconque, devient immédiatement son sosie. Elle reflète les gestes, l’attitude, la voix et jusqu’aux paroles de ses interlocuteurs. Chante-t-on, rit-on, marche-t-on, elle fait immédiatement la même chose, et l’imitation est si parfaite et si prompte que l’on peut se tromper sur l’origine de l’action ». Des hallucinations extrêmement diverses seront aisément provoquées par les paroles du magnétiseur ; elles affecteront la sensibilité générale ou les sens particuliers à volonté. Sur une simple affirmation, le sujet entendra des chants, verra des fleurs, soulèvera des fardeaux qui n’existent que dans son imagination ; il grelottera en juillet si l’on déclare que la température est glaciale, mangera avec délices une betterave donnée pour du gâteau, boira sans répugnance un breuvage exécrable baptisé vin de choix, et trouvera une odeur suave à l’ammoniaque supposée parfum. « Au début de mes recherches sur le somnambulisme, écrit Pierre Janet, n’étant qu’à demi convaincu de la puissance de ces commandements, je commis l’étourderie grave de faire voir à une somnambule un tigre entrant dans la chambre. Ses mouvements convulsifs de terreur et les cris épouvantables qu’elle poussa m’ont appris qu’il fallait être plus prudent, et depuis je ne montre plus à l’imagination de ces personnes que de belles fleurs et des petits oiseaux. Mais si elles ne font plus de grands gestes de terreur, elles n’en font pas moins d’autres mouvements adaptés à ces spectacles plus doux : les unes, comme Marte, caressent doucement les petits oiseaux ; d’autres, comme Lucie, les saisissent vivement à deux mains pour les embrasser ; d’autres comme Léonie, qui se souvient de sa campagne, leur jettent du grain à la volée. » Il est facile de faire apparaître au sujet la Vierge, les Saints, le Christ en personne et, s’il est dévot, sa figure prend la physionomie inspirée, ses bras, son corps l’attitude extatique que les artistes donnent, en général, aux bienheureux. Le bon somnambule devient insensible : chatouillements, piqûres, décharges électriques mêmes le laissent indifférent.
Si le magnétiseur commande un acte ou une série d’actes, de lever les bras, de marcher, de courir par exemple, l’hypnotisé obéit fidèlement. Le geste à faire peut d’ailleurs être rattaché à un signal convenu, qui sera donné plus tard. « Je dis à Marie ; écrit Pierre Janet : « Quand je frapperai dans mes mains, tu te lèveras et tu feras le tour de la chambre. » Elle a bien entendu et garde le souvenir de mon commandement, mais ne l’exécute pas de suite : je frappe dans mes mains et la voici qui se lève pour faire le tour de la chambre. » On contraindra le sujet à prendre les postures les plus incommodes, les plus drolatiques ; et c’est chose courante dans les exhibitions publiques. Pourrait-on lui faire accomplir un crime ? Plusieurs le pensent ; mais nous n’en sommes pas certain. Idées coutumières, tendances, habitudes subsistent, en général, chez l’hypnotisé ; quoi qu’on ait affirmé longtemps, il semble capable de résistance. Et le même qui acceptera dé simuler un assassinat en chambre, refuserait peut-être d’accomplir un meurtre pour de bon. Ce problème, qui passionna autrefois l’opinion, n’est pas encore résolu, croyons-nous.
Mais il est incontestablement possible de faire des suggestions posthypnotiques, et d’ordonner des actes que le patient n’exécutera qu’après son réveil. Actes dont l’accomplissement sera quelquefois reporté à plusieurs jours ou même à plusieurs mois de distance. Endormie dans l’inconscient, l’idée du geste à accomplir se réveillera, le moment venu, et le sujet obsédé,
Ce pouvoir, dans l’hypnose, va parfois jusqu’à déterminer une modification de toute la personne ; d’une pauvre femme on fera un soldat, un archevêque, un marin, etc., qui joueront leur rôle avec une grande perfection. « J’ai dit à Mlle N…, écrivait Durand de Gros en 1860 : « Vous êtes un prédicateur. » Aussitôt ses mains se sont jointes, ses genoux se sont légèrement fléchis ; puis, la tête penchée en avant et les yeux tournés vers le ciel avec une expression de piété fervente, elle a prononcé lentement et d’un ton très ému quelques paroles d’exhortation. » Transformée en général, Léonie, un sujet de Pierre Janet : « se lève, tire un sabre et s’écrie : « En avant ! du courage !… sortez moi des rangs celui-là, il ne se tient pas bien… où est le colonel de ces hommes ?… allons, rangez-vous mieux que cela… oh ! la mitrailleuse, comme cela tonne… ces ennemis sont nombreux, mais ils ne sont pas organisés comme nous, ils ne sont pas à leur affaire, ah ! mais… » Elle tâte sa poitrine « mais oui… j’ai été décoré sur le champ de bataille pour la bonne tenue de mon régiment. » Et les comédies de ce genre, voisines, hélas ! de celles qui se jouent dans la réalité, peuvent être multipliées à l’infini ; elles seront plus ou