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MIN
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installées à proximité des mines, envoyant leur courant électrique sur un réseau englobant plusieurs départements. La lumière, la force motrice, le chauffage même sont ainsi transportés d’une façon plus rationnelle et hygiénique que le charbon. S’il n’y avait point les bénéfices abusifs des compagnies à monopole qui imposent des prix du kilowatt à des tarifs prohibitifs, lumière et chauffage électriques pourraient être obtenus à meilleur marché que la combustion directe du charbon dans les poêles. Et quel progrès au point de vue propreté et hygiène pour les habitations.

En distillant la houille on obtient d’une part du coke, qui est utilisé dans les hauts-fourneaux de la métallurgie, et du gaz d’éclairage qui, traité spécialement, fournit une grande quantité de sous-produits : le goudron, pour les routes et autres usages et entretiens, pour ses matières colorantes, telle l’aniline ; l’ammoniaque utilisé dans les usines et appareils frigorifiques ; des engrais chimiques pour l’agriculture, etc.

À la mine de houille s’est agglomérée toute une série d’industries annexes, ce qui donne à certaines exploitations minières modernisées, l’aspect d’une industrie complexe et gigantesque.

De même, les mines où l’on’extrait des minerais métalliques sont étroitement liées – souvent sous la gestion de la même firme industrielle – à l’industrie métallurgique. Le minerai de fer est traité à la sortie de la mine dans les hauts-fourneaux, transformé en fonte, puis en fer et en acier, et cette dernière industrie prend de plus en plus d’importance, au fur et à mesure du progrès de la mécanique.

Si la mine de houille est devenue le grand centre des industries chimiques, la mine de fer est le cœur de l’industrie métallurgique. Les régions où gît le fer, comme celles où s’extrait la houille, sont des pays de production industrielle très intense, couverts d’usines de toutes sortes, qui groupent une population très dense.

Ces régions, on le conçoit aisément, sont âprement convoitées par les grosses firmes industrielles, les groupements financiers, lesquels, agissant sur les gouvernements à leur dévotion, provoquent au besoin les guerres pour mettre la main sur les concessions de telle contrée minière. Les convoitises allumées autour du bassin de Briey appartiennent à l’histoire de la dernière guerre. On sait qu’il était – à portée du feu de l’artillerie et des avions français – la réserve où l’industrie allemande, gênée par le blocus maritime, trouva jusqu’au bout un aliment pour ses fabrications militaires, mais qu’on évita de le bombarder afin de ménager le précieux avantage de le retrouver intact à la « victoire ». Ce sont des appétits de cette nature qui ont conduit à l’occupation de la Ruhr, lamentable fiasco de « récupération nationale », mais filon fructueux pour quelques affairistes…

Les expéditions et les conquêtes coloniales ont eu – et ont encore – presque toujours pour objet la main mise sur les richesses minières. Les indigènes n’extraient ni la houille, ni le fer, ni le cuivre, ni les autres minerais, ou l’extraient mal. Dès que des explorateurs ont prospecté ces ressources enfouies dans le sous-sol, on commence la campagne, on provoque ou l’on invente des incidents, et, le prétexte trouvé, c’est la conquête. Sitôt celle-ci terminée et le pays « pacifié » à coups de fusil, les concessions des mines sont octroyées aux financiers avides.

La propriété du sous-sol est devenue un monopole formidable, qui a permis à de nombreuses fortunes de s’échafauder. Le monde industriel actuel ne peut plus vivre sans les mines devenues une des parties fondamentales de l’activité humaine. Aussi la propriété des mines constitue-t-elle un monopole d’exploitation qui

rapporte de fabuleux profits à ceux qui en sont les détenteurs.

On cite telle compagnie de mines dont les actions émises à mille francs, il y a un demi-siècle, lors de l’octroi de la concession, se négocient en bourse à des cotes atteignant plusieurs centaines de milliers de francs et dont les dividendes annuels représentent cent ou deux cents fois le capital initial versé. C’est la main mise éhontée grâce à la complicité de l’État (lequel laisse aujourd’hui accaparer de même la « houille blanche » ) sur une incommensurable richesse naturelle, par une poignée de capitalistes bénéficiaires.

Jadis, les mines étaient propriété du souverain, et leurs revenus allaient à lui exclusivement. Mais le régime capitaliste s’étant développé, les hommes d’argent ont fini par faire glisser entre leurs mains cette richesse devenus inestimable avec le développement de l’industrie moderne. Les métiers mécaniques, la machine à vapeur, le chemin de fer, toute la métallurgie grosse ou petite, ont considérablement enrichi les propriétaires de mines. Fait très significatif et très important dans l’histoire économique et politique, c’est à l’époque précise où l’industrie prenait naissance, au début de son essor, aux premières années du xixe siècle, que les capitalistes ont mis la main sur l’industrie minière.

La loi du 21 avril 1810 a consacré cette substitution, ou plutôt cette prise de possession. Elle créait deux sortes de propriété, celle de la surface de la terre – propriété foncière – et celle du sous-sol, propriété minière, et elle donnait au gouvernement le pouvoir de concéder la propriété minière à qui lui plairait. Mais le gouvernement ne pouvait exploiter directement une mine qu’en vertu d’une loi spéciale.

En fait, il n’a jamais exploité que de misérables concessions de mines de sel gemme. L’extraction du fer et de la houille, a été partout abandonnée à des compagnies financières, montées la plupart par actions.

L’État prélève un impôt sur les bénéfices, c’est-à-dire partage une part – la plus petite – du profit ; tout le reste va aux actionnaires et aux administrateurs.

L’histoire des mines est certainement la plus scandaleuse des escroqueries faites à la collectivité par le capitalisme, dominant les pouvoirs politiques. Ce résultat tangible de l’ère dite républicaine et démocratique n’est guère à son honneur.

Après avoir parlé des propriétaires, voyons le sort des ouvriers mineurs. Le travail de la mine est, certes, un des plus fatigants, des plus malsains et des plus dangereux qui existent. Le mineur doit rester huit heures dans son trou, à peine éclairé par une lampe, respirant un air méphitique. La chaleur augmente au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans les entrailles de la terre. L’ouvrier mineur, couvert de sueur et de poussière de charbon, ou de poussière de minerai, presque nu, suant, haletant dans une atmosphère lourde – l’aération, malgré les progrès apportés, est souvent défectueuse, c’est toute une science pour l’ingénieur en mines d’aérer suffisamment, et les compagnies lésinent sur les crédits et les travaux – travaille, en outre, bien souvent, dans des postures torturée, plié, courbé, sur le ventre, sur le dos, agenouillé, enveloppé de poussière, recevant de l’eau boueuse qui suinte à travers la terre, et qui provoque parfois l’inondation des galeries lorsque la couche qui sert de fond à une nappe d’eau souterraine a été crevée.

C’est un des métiers les plus pénibles. Et aussi un des plus dangereux. On reconnait, au premier coup d’œil, l’ouvrier mineur de houille ; il porte à la face, sur le corps, les mains, des sortes de tatouages bleuâtres, ce sont les blessures occasionnées par la chute des blocs : le charbon, pénétrant dans la chair, y a laissé des marques indélébiles. De cette masse de houille