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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/444

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NEO
1788

position entière dont ils font partie et la rend négative. Il ne faut pas confondre les mots négatifs avec les mots privatifs grec ou latin que nous avons transportés dans notre langue et dans lesquels on a voulu voir des négations : Avoir voix négative, avoir droit de s’opposer. Philosophie : qui consiste dans une négation. Le vrai bonheur est pour nous une chose négative ; il consiste surtout dans l’absence du mal (Boiste). Théologie : commandement négatif : commandement qui défend de faire une chose ; vous ne déroberez point, vous ne tuerez point, sont des des commandements négatifs. Peines négatives, par lesquelles on exclut certains citoyens des honneurs, des dignités, sans leur infliger aucune peine directe et positive. Physique : étal négatif se dit, dans l’hypothèse de Franklin, du fluide électrique : voir Électricité : pôle positif et pôle négatif. Botanique : caractères négatifs, caractères fondés sur l’absence de certaines parties. Géographie : delta négatif, espèce d’embouchure d’un fleuve, qu’on nomme plus communément estuaire. T. d’algèbre : grandeurs ou quantités négatives, celles qui sont l’opposé des grandeurs ou des quantités positives. On les fait précéder du signe de la soustraction (-). Morale : caractère négatif, caractère sans vices et sans qualités. Le pire des caractères, c’est de n’en avoir aucun ; c’est le caractère négatif (Labruyère).


NÉGOCE n. m. (du latin : negotium, trafic, commerce). Le mot négoce se dit d’une opération de commerce, de trafic, d’une entremise pour la conclusion d’une affaire, d’un marché, etc. Se dit aussi de certaines combinaisons auxquelles il est dangereux de se livrer, Dans un sens péjoratif dit : l’on ne sait quel négoce font ces gens-là. L’usure est un négoce infâme, comme la contrebande est un négoce périlleux. Le mot négoce s’emploie surtout pour le gros commerce et comporte des marchés. Le négoce s’étend aux affaires de banque, de marchandises, etc… Le commerce et le trafic se bornent, généralement, aux affaires qui n’ont trait qu’aux marchandises. Le commerce se fat par la vente et l’achat. Le trafic se rapporte à l’échange et le négoce à la spéculation. Ces trois termes sont parfois usités indifféremment. Le mot négoce est usité dans diverse, combinaisons. On dit : bien faire le négoce ; il y a le grand négoce là où se fait un commerce important ; un banquier fait d’énormes bénéfices dans ses négoces. En parlant d’une province, d’une nation, on ne dit pas négoce, mais commerce. Partout où il y a des hommes en contact, partout où il y a société, il se fait quelque trafic, quelque négoce. Le simple rapport des membres d’une même tribu, et même de deux familles fait naître le négoce, c’est-à-dire donne lieu à des opérations d’échange : soit de services, soit d’objets et produits. Dans nos sociétés civilisées et policées, il s’en faut cependant que le simple contact des hommes entre eux assure une égale liberté à chacun pour faire du négoce, étant donné la domination du capital qui fixe les conditions du travail. Inévitablement, il ne saurait être question de liberté et d’égalité là où le travail subit l’emprise du capital, et l’entreprise du commerce, du négoce, ne peut être tentée que par les détenteurs de capitaux. La libération du travail donnera, seule à tout le monde, à tout travailleur qui en manifestera le désir, la liberté du commerce et une égalité relative dans les rapports des hommes entre eux. La Souveraineté du Travail, seule, donnera à tous la liberté de consommer, puisque chacun pourra produire en vue de ses besoins. Quand tout travailleur, c’est-à-dire quand chaque individu se trouvera placé, socialement, dans des conditions de liberté et d’égalité équivalentes pour la production des richesses, la consommation en sera aussi étendue que possible et le négoce de notre époque n’existera pas. Mais quand le travailleur principal, le prolétaire, ne dispose pas des moyens nécessaires pour

assurer sa liberté et son indépendance économique, la liberté du négoce ne l’intéresse pas ou peu, car il sait, d’avance, que l’organisation sociale fait de lui une victime. Les maîtres de l’heure, et non les prolétaires, peuvent seuls échanger librement, faire du négoce, puisque, seuls, sous un régime plus ou moins restrictif, ils accaparent et accumulent les produits et richesses diverses.

Plus l’échange est libre, plus il y a pour les capitalistes, pour les maîtres exploiteurs, des facilités pour s’enrichir et plus les prolétaires s’appauvrissent par l’apport aux développements de leur intelligence.

Sous l’esclavage du travail, c’est-à-dire sous l’organisation sociale actuelle, le négoce, rendu libre entre capitalistes seulement, aboutit à la création de cartels, de trusts, d’omnium… et constitue un pas décisif vers l’esclavage du travail aussi bien que vers le despotisme de la finance.

Le moyen essentiel que puisse mettre en œuvre l’Humanité pour moraliser le commerce et sortir de ce gâchis déplorable et malfaisant, pour rendre la société vivable dans une harmonie relative, consiste, au point de vue économique, à établir la souveraineté du travail. — Elie Soubeyran.


NÉO-CATHOLICISME n. m. C’est l’une des plus risibles prétentions du catholicisme d’affirmer qu’au cours des siècles ses croyances, sa morale, ses rites essentiels n’ont pas varié. Admettre que son inspirateur divin, le Saint-Esprit, s’est contredit souvent et qu’il tient un langage opposé, selon les âges et les régions, serait trop préjudiciable à l’autorité de l’Église et du pape tenus pour infaillibles. Aussi, depuis saint Paul, les théologiens orthodoxes répètent-ils à l’envie que le dépôt des vérités religieuses demeure intact, transmis d’une génération à l’autre sans nouveautés profanes. Tout au plus reconnaissent-ils que, d’implicites, les dogmes deviennent explicites, par décision des papes ou des conciles ; et l’autorité ecclésiastique, par son attachement obstiné à des formules vieillies, comme par son désir d’écarter toute idée nouvelle, arrive à donner l’illusion de l’immobilité aux fidèles qui ne réfléchissent pas. Illusion dont l’historien sincère ne peut être dupe, tant il est manifeste qu’une évolution dogmatique se produit au sein du catholicisme et de n’importe quelle religion. Des textes bibliques demeurés identiques, quant à la lettre, furent dotés d’un sens contradictoire au cours des temps ; c’est le cas pour le récit de la création du monde. Les pères de l’Église seraient étrangement surpris de l’interprétation donnée aux passages de l’Évangile qui fondent la primauté du pape, au dire des croyants modernes ; en admettant qu’il ne s’agisse pas de textes interpolés, comme on le suppose concernant le fameux verset : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ». Les premiers chrétiens ne comprendraient rien au dogme de la transubstantiation, l’eucharistie consistant, pour eux, à rompre le pain ensemble, afin d’affirmer leur fraternité. Et s’ils lisaient dans les textes d’alors, ce qui est douteux : « Ceci est mon corps… ceci est mon sang », ils ne concluaient pas à la présence réelle du Christ sous les apparences du pain et du vin. Ajoutons qu’en majorité les catholiques, même instruits, sont d’une ignorance profonde concernant les mille et mille dogmes affirmés par leur religion. Et de les connaître ils n’ont cure, se bornant à déclarer qu’ils admettent ce qu’enseigne l’Église ; prêts, dans la discussion, à faire bon marché de croyances qu’ils ne comprennent plus ou de formules dont l’utilité leur échappe. On doit constater qu’un abîme sépare habituellement la religion du théologien et celle du peuple ; pour eux le même vocable revêt un sens différent, l’identité des phrases parlées n’implique nullement celle du contenu de la pensée.