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NUD
1811

comme un aliment de notre organisme, enfin insolation, c’est-à-dire action de l’ultra-violet.

Le bain d’air se prend au cours de la toilette, pendant la culture physique, fenêtres ouvertes ; mieux encore dans le jardin. Le bain de lumière se prend en même temps et aussi pendant le repos, à l’intérieur même des appartements, les fenêtres fussent-elles fermées. Il n’en est pas de même de l’insolation. La pénétration de l’ultra-violet est faible ; le moindre écran, fût-il une gaze blanche, suffit à l’intercepter. Le bain de soleil exige donc le plein air ou un solarium spécialement aménagé. Son action est particulièrement remarquable sur les glandes endocrines, d’où l’utilité — particulièrement chez les enfants débiles — d’insoler les glandes testiculaires.

La nécessité pour les rachitiques, les débilités, d’insoler le corps intégralement est soulignée par l’action des rayons solaires. La brûlure, le coup de soleil sont d’autant plus redoutables que l’insolation est plus limitée. L’hygiène solaire ne doit d’ailleurs pas être appliquée sans prudence et un minimum d’indications. Pour les malades, le concours du médecin est absolument indispensable.

Tous ces faits ne sont plus sérieusement discutés par les personnes compétentes et impartiales. Même la nudité chez soi est admise en tant que moyen d’aérer et d’irradier l’organisme. Seules demeurent contestées l’utilité de la nudité en commun et la possibilité de vivre nu sous le climat européen. À cette dernière objection, répondons que, justement, la nudité quotidienne rééduque la peau qui résiste mieux au froid et que l’on peut, dans certaines conditions d’entraînement, traverser en plein hiver une piscine d’eau froide. Précisons, en outre, que la libre-culture n’a pas pour objet de proposer l’état constant de la nudité. Maintes raisons pratiques, esthétiques, etc., s’y opposent. Il lui suffit de tendre à une vêture moins incommode, moins abusive, plus hygiénique. Quant à la pratique du nudisme, je l’ai maintes fois ainsi définie : « On se met nu pour prendre des bains d’air, de lumière ou de soleil, comme on se dévêt pour se laver, pour faire du sport, pour nager. On s’habille ensuite. »

Le préjugé du nu. — Reste la nudité collective. Elle est nécessaire pour groupement des efforts qui, seul, dans l’état des lois, permet l’achat des libres-parcs à l’abri desquels les personnes ne disposant pas de moyens personnels suffisants peuvent s’insoler. Elle est utile encore en ce qu’elle est. un facteur d’émulation. Mais son but, dans la famille comme dans les parcs, est de ruiner le préjugé du nu et les tabous sexuels, d’organiser ainsi la prophylaxie des obsessions et. des déviations sexuelles.

Je ne puis, dans cet article extrêmement résumé, aborder cette question qui prend place à l’article : sexualité. Je veux seulement affirmer que, des expériences faites en France même, en particulier au « Sparta-Club » et auxquelles j’ai participé, il résulte que les faits justifient la théorie, sous condition d’éliminer d’un centre non médical les individus profondément tarés, les obsédés incurables. Les résultats sont particulièrement probants en ce qui concerne les enfants. C’est tout un aspect nouveau de l’éducation sexuelle qui résulte de la pratique du nudisme en commun, spécialement à l’intérieur de la famille.

Philosophie de le libre-culture. — Mais au-delà de toutes ces questions d’hygiène physique et mentale, il y a, dans la libre-culture, toute une philosophie de la vie qu’il convient de dégager. Bien loin de tendre, comme le répètent les sots, à un recul vers la barbarie et la sauvagerie, la libre-culture, telle qu’elle est. conçue dans les organismes directeurs de « Vivre », comme je m’attache personnellement à orienter son évolution, s’efforce d’adapter l’individu aux nouvelles conditions de vie que lui impose l’industrialisme. Pour cela, elle

préconise une meilleure hygiène du travail, une meilleure organisation de la production et de la répartition en vue d’augmenter les loisirs, le confort, le bien-être matériel des individus avec, pour corollaire, une plus grande liberté individuelle, la volonté de cette liberté pour recréer le sentiment de la « personnalité » aboli par le collectivisme extrême de la vie moderne. C’est le thème de l’ordre du jour adopté par la Ligue « Vivre », à son congrès de 1930. C’est ce que, dans mon précis de libre-culture : « Nudisme (Pourquoi ? Comment ?) », je synthétise sous cette forme :

« Conserver la souplesse de nos corps dans l’harmonie des libres jeux quotidiens.

» Créer les conditions d’un équilibre où se réalisera le conseil du vieux Juvénal : « Entretenir en santé à la fois l’âme et le corps. »

» Organiser les instants nécessaires où, dans le calme, l’homme — rapproché des sources de la vie — retrouvera sa personnalité ; où, méditant à loisir sur sa destinée, il s’agrandira de pure philosophie et s’enchantera des harmonies de l’art vivant.

» Dans la paix volontairement construite, dans la beauté à chaque geste créée, sous le signe prééminent de l’esprit chaque soir libéré plus longuement de ses servitudes, redonner un sens à l’Amour… »

On voit, par cela, que la libre-culture, dite « nudisme » est un instrument de progrès social en même temps qu’un moyen de culture individuelle et d’affranchissement de la personnalité. Elle s’allie sur ce plan aux mouvements philosophiques d’esprit libertaire comme aux mouvements sociaux d’action objective et positive. Sa particularité propre — et qui en fait tout le dynamisme — c’est son opposition par le fait au plus enraciné des préjugés, le préjugé du sexe, auquel, dans tous les milieux, s’attache une idée de honte toute spéciale que des esprits libres doivent nettement rejeter. C’est parce qu’on y accomplit un effort de compréhension et de vérité que les milieux libres-culturistes sont marqués d’une cordialité, d’une tolérance, d’une délicatesse de manières et de sentiments par quoi se manifestent les esprits ouverts sur la riche diversité de la vie. — Charles-Auguste Bontemps.

Bibliographie. — Les ouvrages traitant du nudisme en France se trouvent, jusqu’ici, naturellement groupés aux « Edit.ions de Vivre », 2 bis, rue de Logelbach, Paris (17e). Citons : Devons-nous vivre nus ?, trois luxueux albums illustrés de Henri Nadel, qui constituent une véritable encyclopédie de la nudité ; L’homme et la lumière, ouvrage médical du Docteur Fougerat de Lastours ; Connaissance de la vie sexuelle, du Docteur Pierre Vachet, et un précis de la libre-culture illustré : Nudisme (Pourquoi. Comment), de Ch.-Aug. Bontemps, complété de documents et d’une post-face de Kienné de Mongeot sur’les « Origines du mouvement en France ». Enfin, dans la collection de la revue « Vivre Intégralement », de nombreux articles des Docteurs Charles Guilbert, Robert Sorel, Pierre Lépine, etc…, et une suite d’articles du Docteur Pathault qui vont être réunis en volume.

NUDISME RÉVOLUTIONNAIRE (le). Qu’on considère le nudisme comme « une sorte de sport, où les individus se mettent nus en groupe pour prendre un bain d’air et de lumière comme on prendrait un bain de mer » (Dr Toulouse), c’est-à-dire à un point de vue purement thérapeutique ; qu’on l’envisage, comme c’est le cas pour les gymnosmystique (gymnos en grec signifie nu), comme un retour à un état édénique, comme replaçant l’homme dans un état d’innocence primitif et « naturel », thèse des adamites d’autrefois, — ce sont deux points de vue qui laissent place à un troisième qui est le nôtre, c’est que le nudisme est, individuellement et collectivement, un moyen d’éman-