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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/582

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PAI
1925

petite famille ( ?) qui repose sur l’idée fragile et changeante de la Patrie.

Tel est l’aspect philosophique, moral et social du Désarmement que je propose à la conscience des hommes et des femmes de France, comme en Allemagne, en Angleterre et partout, d’autres militants de la Paix le conseillent aux hommes et aux femmes d’Angleterre, d’Allemagne et des autres pays.



Halte ! Respirons un instant ; reprenons haleine, voyons où nous en sommes de la démonstration en cours et serrons de plus en plus notre argumentation : Il s’agit d’empêcher a tout prix la guerre qui, dans l’état actuel de trouble et d’effervescence, peut nous surprendre et qui entraînerait l’extermination de l’espèce et l’effondrement de la civilisation. Nous avons acquis la conviction que l’unique moyen de faire échec à cette abominable éventualité, c’est le désarmement. Mais il n’est pas douteux que le désarmement général, simultané et contrôlé exigera de longues années avant que soient réunies toutes les conditions indispensables à sa mise en application. Or, il faut aller vite, très vite et, par suite, il sied d’abandonner provisoirement la thèse de la sécurité et de l’arbitrage aboutissant à ce désarmement général et simultané.

Je dis provisoirement, car, bien loin d’équivaloir à l’abandon définitif du Désarmement universel qui reste la condition sine qua non de la Paix mondiale, le désarmement unilatéral que je préconise est appelé, par la vertu d’exemplarité, dont nul ne nie la force, et par la situation nouvelle qu’il déterminera, à brûler les étapes qui conduiront infailliblement au désarmement général et simultané. La Paix internationale et permanente continue à être le but à atteindre et le désarmement général demeure le moyen d’atteindre ce but ; mais, au lieu de chercher à atteindre ce but par le moyen beaucoup trop compliqué et qui exigerait un temps infiniment trop long : la sécurité, l’arbitrage et le désarmement général, simultané et contrôlé, je propose un moyen beaucoup moins compliqué et beaucoup plus rapide : le désarmement sans condition de réciprocité, dont une Puissance de premier ordre donnerait l’exemple et je pense — et je crois avoir justifié ce sentiment — que la France doit être cette Puissance.



Plaçons-nous maintenant dans l’hypothèse de la France venant de désarmer. Elle porte ce prodigieux événement à la connaissance de tous les peuples par la voie d’un message traduit dans toutes les langues, reproduit et commenté par les journaux du monde entier, communiqué par tous les postes de T. S. F. et par toutes les agences d’information. Concis, limpide, émouvant, ce message que les mille bouches de l’information feraient retentir aux quatre points cardinaux, pourrait être à peu près celui-ci :

MESSAGE DU PEUPLE FRANÇAIS
A TOUS LES AUTRES PEUPLES

« Le régime de Paix armée fait peser sur toutes les Nations des charges accablantes, en même temps qu’il prépare infailliblement le retour de la folie des folies, du crime des crimes : la Guerre !

« La Guerre entraîne à sa suite un cortège de plus en plus effrayant de ruines, de deuils, d’inexprimables détresses. Si un conflit armé se produisait demain, ce serait l’extermination de l’espèce humaine et l’effondrement d’une civilisation que des siècles d’efforts et de sacrifices ont lentement édifiée.

« A l’exception d’un nombre infime de personnes — dont aucune n’ose se prononcer ouvertement et franche-

ment en faveur de la Guerre — tous les humains aspirent à un régime de Paix générale et permanente.

« Gouvernements et Peuples, tous reconnaissent que le Désarmement général est la condition sine qua non de l’établissement de ce Régime de Paix si fervemment désiré et si anxieusement attendu.

« C’est pourquoi, au sein de toutes les nations existe un courant de plus en plus puissant contre la Guerre et pour la Paix,

« Mais aucun Peuple, jusqu’à ce jour, n’a exprimé assez clair et assez haut sa volonté de Paix. Aujourd’hui, c’est chose faite : le Peuple de France a mis son Gouvernement en demeure de désarmer, sans attendre que les autres nations soient résolues et prêtes à désarmer également. Et, sous l’irrésistible pression populaire, le Désarmement, en France, est actuellement un fait accompli.

« On vous dira, peut-être, que ce désarmement n’est que fictif, incomplet et provisoire. N’en croyez rien. : il est réel, total et définitif. Vous pouvez contrôler l’exactitude de cette affirmation : nos portes sont ouvertes à quiconque désirera acquérir la certitude de notre loyauté.

« C’est cet événement, à jamais inoubliable, que, par ce message, le Peuple de France porte à la connaissance de tous les autres Peuples.

« Devant l’Histoire et devant l’Humanité, nous déclarons : que nous ne nous connaissons plus d’ennemi ;

« Que nous ne voulons plus nous battre ;

« Que nous sommes irréductiblement décidés à ne jamais recourir à la force des armes pour trancher les différends, de quelque nature qu’ils soient, qui pourraient surgir entre n’importe quel peuple et nous ;

« Que, désormais, nos relations avec les autres peuples, sans distinction de nationalité ni de race, seront de confiance et d’amitié.

« Nous déclarons que nous avons pris au sérieux le pacte par lequel, d’accord avec un grand nombre d’autres Puissances, la France a déshonoré la Guerre, l’a jetée hors la loi et mise an ban de l’Humanité.

« Oui, la France désarme. Elle désarme moralement et matériellement. Elle désarme sans que rien ne l’y oblige, volontairement et lorsqu’elle est en possession d’un potentiel de Guerre qui n’est inférieur à celui d’aucune autre nation.

« Nous avons pleine confiance dans l’avenir. Nous savons que le désarmement d’un grand pays comme le nôtre fera naître partout l’admiration et l’enthousiasme et que, par la puissance de l’exemple, il sera le signal du désarmement général.

« Nous ne redoutons rien : un Peuple ne peut pas songer à attaquer un autre Peuple qui, non seulement ne le menace pas, mais encore lui tend fraternellement la main. Un Gouvernement ne parviendra jamais à convaincre ses nationaux que le Peuple de France qui, le premier et le seul, a désarmé, complote contre eux une agression, une offensive quelconque.

« Désarmé, ne basant plus sa sécurité sur ses Forces de guerre, le Peuple de France se place sous la protection de tous les autres Peuples, ses frères ; il confie à cette protection la garde de son inviolabilité.

« Nous adjurons le Monde civilisé de suivre au plus tôt l’exemple que nous lui donnons. Trop longtemps la guerre a dévasté la Terre. L’heure est venue de mettre un terme à l’infamie et aux atrocités des rencontres sanglantes. Que, au sein de chaque nation, les multitudes qui, jusqu’à ce jour, se sont entretuées pour des Causes qui n’étaient pas les leurs, que les masses laborieuses qui, en toutes circonstances, ont toujours payé et toujours paieront de leur sang et de leur travail tous les frais des boucheries internationales ; que ces foules se dressent contre leurs Gouvernements et leur imposent le désarmement. Le sillon est tracé ; chaque peuple a le devoir de le creuser et de l’élargir, en ex-