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ditaire. On parle aussi de régions, de maisons, même, où le cancer se développerait avec plus d’intensité que partout ailleurs. On lance, actuellement, dans la pharmacopée, des produits à base de sels de magnésium et de manganèse qui agiraient efficacement et d’une manière prophylactique sur la neutralisation des terrains cancéreux. Quoi qu’il en soit, le traitement classique, en dehors de cette médication, ressort entièrement de la chirurgie ou de la radiothérapie.

Notre étude serait incomplète si nous passions sous silence quelques grandes maladies, pour lesquelles la prophylaxie offre cent fois plus de ressources que le traitement lui-même.

Fièvre typhoïde. — Due, comme on sait, à la contamination des eaux par le bacille d’Eberth, elle n’existe pour ainsi dire plus dans les grands centres, où l’eau est stérilisée par différents moyens. Le plus moderne est la verdunisation, obtenue par l’action des rayons ultra-violets.

Il est si peu permis, aujourd’hui, aux compagnies des eaux de ne pas prendre toutes les précautions voulues pour donner une eau exempte de tous germes pathogènes, que la responsabilité de ces compagnies est parfaitement établie par les tribunaux, et que, dans une épidémie de fièvre typhoïde, les personnes atteintes sont en droit de réclamer des indemnités. Un habitant d’Oullins, près de Lyon, réclama 30.000 francs d’indemnité, son fils ayant eu ses études interrompues du fait de la typhoïde, et sa demande fut recevable.

Dans les grandes agglomérations d’individus, dans l’armée par exemple, la vaccination anti-typhoïdique a fait merveille, et les épidémies vraies n’existent pour ainsi dire plus. Pour renseigner encore mieux le lecteur, nous ajouterons cette nouvelle de la toute dernière heure (juillet 1932) : M. André Kling vient d’étudier le mécanisme suivant lequel l’argent métallique mis en contact avec une eau quelconque souillée, non seulement la stérilise, mais encore lui confère des propriétés bactéricides vis-à-vis du bacille typhique et du colibacille. Cette action serait due à une solubilisation de l’argent dans l’eau.

Diphtérie. — La prophylaxie de la diphtérie est intéressante, parce qu’elle est toute nouvelle et a donné, d’emblée, des résultats positifs. On sait l’angoisse des parents quand le croup venait tuer leur enfant, étouffant dans ses griffes mortelles. En disant « toute nouvelle », je veux parler de la sérothérapie préventive par le vaccin ou anatoxine de Ramon, parce que le sérum antitoxique de Roux est le traitement le plus ancien du croup, et celui qui a préservé des milliers de petits êtres, voués sans lui à une mort certaine.

Le sérum de Roux guérit, le vaccin de Ramon immunise ; et cette vaccination se fait aujourd’hui à tous les enfants entre quatre et sept ans. Trois injections seulement sont pratiquées. Jusqu’à sept ans, on ne constate aucune réaction. À partir de cet âge, le choc est sensible. L’on doit d’ailleurs s’abstenir chez les adultes.

Rage, Tétanos. — Dans ces deux cas, la vaccination doit être prophylactique, et n’agit qu’autant que le virus n’a pas encore fait son attaque. Tout individu mordu par un animal suspect de rage doit être vacciné le plus tôt possible. Tout individu mordu par un serpent venimeux doit recevoir le sérum de Calmette. Cette sérothérapie constitue un traitement d’urgence. L’injection devant être précoce pour être curative.

De même, toute personne ayant fait une chute et ayant une blessure ou écorchure souillée de terre ou de poussière est susceptible de contracter le tétanos. Là aussi, le vaccin n’agira qu’à titre préventif. On ne saurait trop répéter ces conseils pratiques, car de la rapidité du traitement dépend toujours la vie du malade.

Quant aux autres maladies infectieuses ou parasitaires, la prophylaxie générale se résumera en quelques principes : isolement du malade ; port d’un masque de gaze et d’une blouse, par toute personne l’approchant (surtout pour la grippe) ; lavage des mains avec une solution antiseptique (permanganate de potasse, hypochlorite de soude, etc.) ; désinfection du malade (nez, bouche, frictions d’eau de Cologne) ; vaccination et sérothérapie ; régime alimentaire.

La prophylaxie sanitaire est moins rigide à notre époque qu’autrefois. Les « quarantaines » des navires se bornent à quelques jours de lazaret. La destruction des bêtes de toutes sortes, et, surtout, des rats à bord des navires, entre pour beaucoup dans la sécurité où se trouvent les voyageurs, en débarquant à terre, de n’être cause d’aucune contamination.

Quant aux moustiques, mouches, puces, tous vecteurs de germes, on sait la campagne qu’on mène activement pour leur destruction. Les journaux du 11 juillet 1932 faisaient passer un avis du Comité National de l’Enfance, soulignant les dangers que font courir aux nourrissons les chaleurs et les mouches, celles-ci se posant volontiers sur le lait, d’où s’ensuivent des diarrhées infantiles mortelles.

Maintenant, pour terminer cette étude de la prophylaxie thérapeutique, voulez-vous que je vous donne un bon conseil ? En cas d’épidémie, soignez encore mieux votre moral que votre organisme ; faites agir votre subconscient et répétez-vous – autosuggestionnez-vous – que le bacille n’aura aucune prise sur vous. La peur du microbe est le commencement de la maladie. Et rappelez-vous la grande parole de Claude Bernard : « Le microbe n’est rien, c’est le terrain qui est tout. »

Cultivez donc votre terrain organique, soit par une bonne hérédité, soit par un fonctionnement normal de vos glandes endocrines.

Toute la prophylaxie est là.

Prophylaxie mentale. — La prophylaxie n’est pas seulement hygiénique et thérapeutique, elle est aussi mentale. Cela veut dire que chaque être, dès son jeune âge, doit être guidé, prémuni contre les embûches de la vie. On obtiendra cela par une instruction, par une éducation bien adaptées à son intelligence et au milieu dans lequel il évoluera, Ce sera le rôle des instituteurs et des éducateurs de développer sa personnalité, de façon à lui donner une idée plus juste de ce qui est vrai, de ce qui est bien. Quelle responsabilité pour un maître ! Car si, dans les premières années de l’enfance, il y a le lien naturel, instinctif qui force le père et la mère à développer, chez le tout petit, son être surtout physique, à la septième année, des besoins nouveaux apparaissent, et son être intellectuel va recevoir les forces qui agiront durant sa vie. Et le maître devra avoir la compréhension de ce bloc inerte et vierge dont il lui faudra façonner une œuvre forte, intelligente, harmonieuse. Le moindre germe jeté dans ce terrain inculte aura des répercussions insoupçonnées. Car il faut bien se dire que toutes choses, dans la vie, dépendent les unes des autres, et que les plus petites causes peuvent déclencher les plus formidables effets.

La meilleure prophylaxie mentale du petit enfant, c’est de le laisser libre dans toutes ses activités, dont la principale, la plus vivante est le jeu.

L’enfant grandit, arrive à la puberté et, ici, se place la grave question de l’école mixte et de l’éducation sexuelle. L’école mixte est rationnelle : il n’y a pas plus de raison d’empêcher des enfants de sexe différent de suivre ensemble les leçons d’un maître que d’empêcher des jeunes garçons et des jeunes filles de s’asseoir sur les bancs d’un amphithéâtre, soit à la Sorbonne, soit à l’école de médecine ou à l’école de droit, pour les besoins de leur instruction professionnelle.

L’éducation sexuelle doit être enseignée par des personnes ayant toute la confiance de l’enfant, par le