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noïdes, à l’état de saturation ou en excès, avec de l’acide nucléique. Par contre, la chromatine renferme de l’acide nucléique en excès. Comme les nucléo albuminoïdes, constitutives de l’ensemble, sont à l’état colloïdal, l’eau joue un rôle de premier ordre dans les continuelles transformations du protoplasma. « La vie, affirmait Dantec, est un phénomène aquatique. » Lorsqu’elle se putréfie, la matière organique donne finalement de l’eau, de l’ammoniaque, du gaz carbonique, du phosphure d’hydrogène qui produit les feux follets des cimetières, du gaz sulfhydrique dont on connaît la mauvaise odeur.

On trouve différentes sortes de filaments et de grains dans le protoplasma colloïdal. Certains sont des éléments inertes, c’est le cas des vacuoles à contours plus ou moins nets et des grains de sécrétion ; d’autres, les mitochondries, sont des éléments très actifs. C’est par l’étude des colloïdes, base essentielle de la substance protoplasmique, que l’on pénètre le plus profondément dans le secret de la vie. L’état colloïdal (c’est-à-dire pareil à de la colle) apparaît comme intermédiaire entre la suspension dans un liquide et la solution normale, qui suppose les molécules du corps dissous uniformément distribuées et petites. En effet, il exige que ces dernières soient très grosses ou qu’elles forment des agrégats, les micelles, dont les propriétés annoncent déjà celles de la matière vivante. Parmi les micelles jouissant d’une activité particulièrement considérable, signalons les granulations zymasiques ou ferments solubles qui, à des doses infiniment petites, provoquent les divers genres de réaction chimique vitale. Ainsi, la présure fait coaguler, sans se détruire, deux cent cinquante mille fois son poids de caséine du lait. Ce sont des agents physico-chimiques catalytiques. L’instabilité des colloïdes est en rapport avec la mobilité incessante de leurs granulations. Raphaël Dubois (l’un des plus grands biologistes de notre époque, qui voulut bien me témoigner de l’amitié), un brassage interne très complexe, car la forme et l’intensité des mouvements granulaires n’est pas la même pour toutes les granulations. Ils varient surtout avec les charges électriques que possèdent toujours ces dernières. Si ces charges électriques sont égales et de même signe, les granulations se repoussent, comme les boules de sureau d’un électromètre, et se tiendraient en équilibre stable si, à chaque instant, ces charges ne se modifiaient sous l’influence des agents extérieurs, d’où rupture d’équilibre et translation, agitation incessante. Bien plus, les charges peuvent changer de signe, les granulations de signe contraire se précipitent alors les unes vers les autres, produisant une sorte de coagulation qui porte le nom de « floculation », comme lorsque le lait vient à tourner. Si cette floculation se forme dans les capillaires du cœur ou du cerveau, c’est la mort subite. Mais elle peut être lente, passagère ou progressive, et c’est la maladie ou bien la vieillesse. Ce phénomène ne peut s’effectuer que par la déshydratation, c’est-à-dire par la séparation plus ou moins complète de l’eau et des granulations. » Pour Raphaël Dubois, comme pour d’autres savants connus, la vieillesse est un dessèchement, un racornissement progressif et continu qui, finalement, entraîne le ralentissement oscillatoire des granulations et de toutes les fonctions qui en dépendent. Plusieurs, il est vrai, attribuent à des causes différentes le dépérissement progressif et la mort naturelle de l’organisme qui a pu échapper à toutes les causes accidentelles de destruction. Mais les recherches sur l’état électrique du protoplasma offrent, sans aucun doute, un puissant intérêt. Par ailleurs, si la richesse en eau d’un tissu n’est pas une preuve certaine de vitalité, il est manifeste cependant que les tissus jeunes et actifs sont plus hydratés que les tissus vieux ou dont la vie est paresseuse. Les zymases n’agissent, en effet, qu’avec le concours de l’eau qui leur assure l’état col-

loïdal, et c’est en hydratant les aliments apportés du dehors qu’elles les incorporent à la vie organique. « La ptyaline de la salive, la pepsine du suc gastrique, la lipase du pancréas hydratent les féculents, les viandes, les graisses et les rendent absorbables, assimilables et propices au fonctionnement vital : après quoi, tout cela est finalement déshydraté, et les aliments colloïdes usés sont rejetés à l’état de cristalloïdes et d’eau libre par l’urine, par la sueur, etc. Les granulations zymasiques paraissent être le dernier refuge des propriétés vitales, car on peut dire qu’elles président à toutes nos fonctions : digestion, respiration, etc., et, chose bien frappante, elles subissent, isolées, les mêmes influences qu’exercent sur la substance vivante tous les agents mécaniques, physiques ou chimiques. Bien plus, les zymases que l’on peut isoler et faire fonctionner dans un verre, aussi bien que dans la cellule, comme la luciférose qui, agissant sur la luciférine, produit la lumière vivante, peuvent être remplacées par des agents artificiels colloïdaux et même cristalloïde, comme le permanganate de potasse qui peut donner de la lumière avec la luciférine. » Aussi, n’apparaît-il nullement impossible que l’on puisse un jour créer du protoplasma et opérer la synthèse de la vie. La majorité des biologistes actuels estiment d’ailleurs que cette dernière ne résulte pas de propriétés irréductibles à des éléments connus, mais de processus physico-chimiques dont les complexes colloïdaux sont le siège. Elle ne cesse pas d’appartenir au milieu d’où elle émane, un échange continuel s’établit entre les deux : dans les substances qui l’entourent, le vivant puise des matériaux, puis il rejette au dehors les résidus de ses destructions. Disloquer en éléments plus simples les corps absorbés, pour redonner ensuite des substances du même groupe, voilà le cycle éternellement répété des transformations vitales. Albumines, graisses, hydrates de carbone contenus dans les aliments redeviennent, dans l’organisme, des albumines, des graisses, des hydrates de carbone. Ainsi, le terme des dislocations subies par les albumines sera la formation d’acides aminés, qui se combineront entre eux pour former des polypeptides ; lesquels polypeptides redonneront des matières albuminoïdes vivantes. Ces acides aminés sont au nombre d’une vingtaine ; et, comme le calcul démontre que le nombre des combinaisons possibles de vingt corps dépasse deux quintillions, le problème de la constitution des organismes apparaît singulièrement complexe, du point de vue chimique. « Si nous parvenions, comme nous en avons constaté la possibilité, écrit Rabaud, à créer de toute pièce une substance vivante, reproduirions-nous spécialement l’une ou l’autre de celles qui existent actuellement ? Et si nous n’obtenions pas ce résultat, l’échec prouverait-il que les substances actuelles ont des propriétés distinctes, des propriétés physico-chimiques ? La question est souvent posée sous forme d’objection ; en fait, elle est oiseuse et n’a véritablement aucun sens. Il suffit que nous entrevoyions la possibilité de combiner un sarcode, pour nous sentir autorisés à affirmer l’unité fondamentale des corps vivants et des corps inertes. À coup sûr, reconstituer un organisme connu rencontrerait des difficultés presque insurmontables. Non pas, comme le prétend O. Hertwig, parce que les sarcodes actuels résultent d’un long développement historique que nous ne sommes pas en mesure de suivre une seconde fois. L’argument est proprement absurde, car il exprime une confusion entre la succession des conditions diverses qui ont déterminé la constitution actuelle et les constitutions successives corrélatives de ces conditions. Aboutir à une constitution donnée n’implique ni une durée, ni un ordre définis : les conditions pourraient se succéder rapidement et aboutir au même résultat ; tous les termes du processus ne sont pas forcément nécessaires : nous pouvons, in vitro, en quelques jours et par d’autres moyens, combiner ce qui