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forme très définie et nettement distincte de toutes les autres où la jouissance sexuelle est obtenue en exposant les organes sexuels aux regards d’un individu de sexe différent, assez souvent jeune et innocent, parfois un enfant : c’est l’exhibitionnisme. Dans l’exhibitionnisme en plein air, dans l’exhibitionnisme à l’église — faut-il voir une émergence de l’ancien culte phallique, d’un instinct ancestral, rappelant un procédé d’invitation à l’amour dont le décolleté des femmes serait un aspect « civilisé » ? Toujours est-il que cette « passion » — qui se relie au fétichisme du pénis et à celui de la vulve coûte à ses pratiquants plus que cela ne mérite quand les défenseurs de la morale officielle parviennent à les surprendre. Il est évident que dans un milieu où l’anudation ne serait pas réprouvée comme immorale, l’exhibitionnisme serait à peine remarqué ou, en tous les cas, proscrit avec beaucoup moins de rigueur ; s’il est aussi sévèrement puni, c’est à cause de l’anathème jeté par l’église sur les organes de la génération, puisque c’est sous son influence qu’on les a qualifiés de « parties honteuses ». Les mœurs des peuples païens étaient beaucoup plus tolérantes pour l’exhibitionnisme et se souciaient même fort peu de l’accouplement en public.

Le docteur P. Garnier voyait dans l’exhibitionnisme sous sa forme typique, un acte systématique équivalent ou se substituant à l’union sexuelle. Toujours est-il que parmi les exhibitionnistes on compte des gens instruits, éduqués, docteurs, écrivains, artistes, etc. et qu’il n’est pas rare de rencontrer des femmes dans le nombre. Cela nous fait souvenir que chez certains peuples primitifs et même chez quelques populations plus ou moins arriérées de l’Europe, l’exhibition de la nudité féminine est un spectacle ou une opération magico-religieuse (Ploss Bartels : Das Weib ; Havelock Ellis : Man and Woman).

Jean-Jacques Rousseau, dans ses Confessions, raconte comment il montra parfois son derrière à de jeunes femmes, mais on sait que sa vie émotionnelle fut profondément affectée par les fessées qu’il reçut pendant son enfance de Mlle Lemercier.

Rappelons que dans l’Oraison du Soir, Arthur Rimbaud a exalté l’exhibitionnisme dans des vers qui sont présents à la mémoire de tous ses admirateurs :

Doux comme le seigneur de cèdre et de l’hysope
Je pisse vers les cieux bruns très haut et très loin
Avec l’assentiment des grands héliotropes.

Un autre aspect du symbolisme sexuel qui a des racines très profondes est le symbolisme scatologique qui se subdivise en urolagnie et en coprolagnie, autrement dit excitation sexuelle produite soit par les fonctions urinaires, soit pas les fonctions excrétoires, fonctions si proches du foyer sexuel anatomique. Le fait est qu’il existe une certaine quantité d’hommes et de femmes chez qui la projection de l’urine, l’attitude nécessaire à cette projection, l’odeur d’un objet imprégné d’urine, la défécation produisent une émotion ou une jouissance sexuelle. « On connaît des faits innombrables, écrit Havelock Ellis, qui prouvent que l’impulsion à attribuer aux actes d’uriner et d’excréter une valeur symbolique sexuelle, pourvu qu’ils soient exécutés par la personne aimée, est fort près du normal ; on l’a rencontré chez des individus de haute valeur intellectuelle ; cela se discerne aussi bien chez les femmes que chez les hommes ; et, tant que cette impulsion ne se manifeste qu’à un faible degré, il faut la ranger dans la sphère naturelle de l’amour. »

Dans presque tous les pays, on constate la croyance aux qualités sacrées et mythiques de l’urine. Chez les Peaux-Rouges de la côte ouest de l’Amérique du Nord, en Australie, chez les anciens Tasmaniens, chez les Tamans de la Birmanie, au Maroc, chez les Juifs, chez

les Slaves du Sud, on attribuait et on attribue encore une vertu spéciale et magique à l’urine.

Le fétichisme urolagnique remonte encore plus loin, puisque selon Kind, l’excitation sexuelle produite par le spectacle d’une femme urinant n’est pas spéciale à l’homme, mais est générale chez tous les mammifères.

Ce même Kind, dans Die Weibherrschaft in der Geschichte des Menscheit reconnaît que la proximité du méat urinaire et du clitoris détermine une zone érogène, de sorte qu’uriner est un acte agréable chez les femmes. Dans les actes du Congrès de Médecine de Moscou, t. IV, Pitres et Regis considèrent que le désir d’uriner accompagne toujours l’excitation sexuelle spontanée des femmes, le plaisir éprouvé par l’homme dans le spectacle ou la représentation de la miction féminine s’expliquerait par la connaissance intuitive ou subconsciente de ce fait physiologique.

Les animaux sont également une source de symbolisme érotique. La vue du coït des animaux, certains produits animaux, la cour que se font les animaux peuvent produire l’excitation sexuelle chez l’homme. C’est ce que Havelock Ellis appelle un symbolisme fondé sur une association par similarité : « l’acte sexuel animal rappelle l’acte sexuel humain et ainsi l’animal devient le symbole de son frère supérieur. »

C’est ainsi que l’accouplement des grands animaux — chevaux et autres — a vivement intéressé des personnes de haute culture. On se souvient que François Ier conduisait les dames de la cour dans la forêt de Saint-Germain pour leur montrer les cerfs faisant l’amour avec les biches, pendant la saison du rut.

Mais la zoophilie tourne à la « zooérastie » ou bestialité quand il s’agit de l’impulsion à obtenir la jouissance sexuelle par le coït ou tout autre contact intime avec les animaux. Il est évident, quand on songe aux totems qui sont principalement des animaux, aux jeux, aux fêtes, aux cérémonies, aux danses religieuses si communes chez les peuples primitifs et dont les acteurs portent des déguisements animaux, qu’il dût exister une époque où les hommes ne voyaient rien d’amoral ou de mal à s’accoupler avec les animaux.

C’est pourquoi les peintures de vases ou les marbres antiques représentant des satyres s’accouplant avec des chèvres ne suscitaient pas plus de réprobation que les représentations, sculptées sur les temples de l’Inde, de copulation entre humains et animaux. D’ailleurs les légendes mythologiques d’Io et du taureau, de Léda et du cygne, d’Europe, de Pasiphaé, etc., indiquent la persistance de souvenirs d’accouplements de ce genre qui avaient fini par être sanctionnés par la religion.

L’homme et la femme se sont accouplés avec des chiens, des chiennes, des vaches, des truies, des rennes, voire des chats et des lapins. Si les dames romaines manifestaient de l’attraction pour les serpents et plus rarement pour les ours et les crocodiles (bien que leur préférence pour l’âne soit bien connue), en Extrême-Orient, on utilise les poules, les canards, les oies, juste revanche de la gent volatile.

Quant à l’accouplement de la femme avec le singe, il ne semble pas, malgré les documents à ce sujet, qu’il en existe de bien véridiques, bien que Moll prétende que ce semble être le signe anormal d’un intérêt pour ces bêtes que la tendance des femmes à observer les singes dans les jardins zoologiques.

Notons ici la tentative faite par le Docteur Ellie Ivanoff, pour croiser, par la méthode connue sous le nom d’imprégnation artificielle, le singe et l’homme. Subsidié par le gouvernement des Soviets, Ivanoff emmena neuf chimpanzés femelles dans une vaste forêt du Turkestan russe où il avait établi son laboratoire. Le Docteur Alfonso L. Herrera a parlé longuement de cette tentative dans le cahier 82 des Cuadernos de Cultura, intitulé El Librido del Hombre y del mons (Valencia, 1933).