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toire humaine et qui se trouve, en réalité, dans le futur. Demain, les hommes, plus humains, plus fraternels, auront peut-être compris que leur bonheur est dans la fraternité et dans la liberté et cesseront de se haïr et de s’opprimer au nom d’une morale fausse autant qu’archaïque, de principes vénéneux échappés des âges d’ignorance et d’intelligence, pour construire un monde nouveau. Lorsque l’espèce humaine descendra dans le sommeil final, espérons que l’histoire des hommes ne sera pas qu’une page sanglante de luttes, de crimes et d’angoisses, ainsi qu’elle l’a été jusqu’à présent mais qu’elle comportera aussi le récit de lutte ardente mais noble, pour la conquête de l’indépendance matérielle, morale et intellectuelle pour tous les fils de la Terre. — Charles Alexandre.


TERRORISME n. m. La terreur est une crainte poussée à un très haut degré, une peur d’une intensité exceptionnellement grande. On appelle terrorisme le système de gouvernement qui s’appuie sur la terreur pour contraindre les membres d’une collectivité à l’obéissance. Mais c’est arbitrairement que l’on réserve ce terme à de très rares périodes de l’histoire. En réalité, la peur fut toujours, et demeure, à notre époque, le principal moyen d’action de l’Autorité. « Avec raison, les anciens choisirent comme symboles du pouvoir suprême des instruments de supplice et de mort. Sans le gendarme, le geôlier et le bourreau, un chef d’État perdrait sa flamboyante auréole ; force et contrainte, voilà les attributs essentiels qui caractérisent l’autorité. Inopérantes seraient la pompe carnavalesque dont les souverains s’entourent, la superbe orgueilleuse de leurs discours, toute la mythologie profane ou sacrée dont s’enveloppe leur personne, si derrière ce somptueux décor l’on n’entrevoyait prisons, bagnes, guillotine, chaise électrique, corde pour la pendaison. A un degré moindre, ceci reste vrai de quiconque détient une parcelle d’autorité, même minime. Percepteur, douanier, garde champêtre ne sont obéis, dans l’exercice de leur fonction, que par crainte des peines qui frappent le récalcitrant. Pouvoir gouvernemental, puissance administrative, se ramènent à une question de force et reposent sur la peur. Toute infraction aux ordres des chefs, aux prescriptions du code, aux lois édictées par les parlements, entraîne des représailles ; la police, voilà l’institution fondamentale qui permet à l’État de subsister. » (En marge de l’Action). Mais nous reconnaissons que la peur inspirée par les chefs comporte des degrés, qu’un gouvernement peut être plus ou moins tyrannique, plus ou moins respectueux de la vie et de l’indépendance des individus. Toutefois, même si l’on préfère, au point de vue historique, limiter le terrorisme gouvernemental à certaines époques particulièrement sanglantes, il faut reconnaître que les écrivains officiels font preuve d’une insigne partialité dans l’étude de ces époques tragiques. Chez nous, par exemple, ils racontent avec un grand luxe de détails les crimes de Robespierre et de ses partisans, mais parlent à peine des meurtres commis par les royalistes au début de la Restauration, ou de la répression qui suivit le coup d’État du 2 décembre 1851, ou encore du massacre des Communards, ordonné par le gouvernement de Thiers.

La Terreur Blanche débuta à Marseille, le 25 juin 1815, par le meurtre de 200 personnes. A Avignon, l’on égorgea 300 prisonniers ; à Nîmes, 150 individus furent mis à mort en moins de deux mois. Des bandes royalistes, comme celles des Miquelets ou des Verdets, parcoururent la, vallée du Rhône et le bassin de l’Aquitaine, incendiant les maisons, égorgeant leurs adversaires politiques avec des raffinements de cruauté. Et les autorités locales laissaient faire, quand elles n’encourageaient pas les assassins. Bientôt, d’ailleurs, les violences et les meurtres furent organisés d’une façon

parfaitement, légale. Sous prétexte d’empêcher tout complot contre l’autorité royale, les Chambres votèrent des mesures draconiennes. « Il faut des fers, des bourreaux, des supplices, s’écriait le comte de la Bourdonnaye. La mort, la mort seule peut mettre fin à leurs complots. Ce ne sera qu’en jetant une salutaire terreur dans l’âme des rebelles que vous préviendrez leurs coupables projets ». Dans chaque département, une cour prévotale jugea sans appel les accusés politiques, et ses sentences impitoyables étaient exécutoires dans les 24 heures. Les victimes furent nombreuses, les peines de mort et de bannissement étant distribuées à profusion.

Après le coup d’État, exécuté au profit du président Louis-Napoléon dans la nuit du lundi, 1er au mardi 2 décembre 1851, coup d’État organisé sous la haute direction du franc-maçon Morny et qui, en fait, marqua la fin de ! a Seconde République, un régime de terreur s’installa en France. Vainement, quelques braves dressèrent des barricades et, se firent tuer courageusement. Le 4, la troupe tira au hasard sur des femmes, des enfants, des citoyens inoffensifs qui se promenaient sur les grands boulevards de Paris. Un rapport officiel déclare qu’il y eut 26.800 arrestations ; en réalité, elles furent beaucoup plus nombreuses. L’état de siège fut proclamé dans 32 départements. Des commissions mixtes, composées du préfet, du procureur et d’un général, jugèrent les emprisonnés ; elles se montrèrent féroces. Le gouvernement reconnut qu’il avait déporté 9.581 personnes en Algérie et 239 en Guyane ; mais ces chiffres ne donnent qu’une faible idée de ce que fut la répression exercée par le président Louis-Napoléon. Devenu empereur, il continuera pendant de longues années à bâillonner complètement ses adversaires et à rendre impossible toute expression de la pensée indépendante.

Lorsque les troupes du gouvernement de Versailles pénétrèrent à Paris, le dimanche 21 mai 1871, après une héroïque résistance des Communards, elles commirent d’inqualifiables atrocités. Les soldats de Mac-Mahon, encouragés par l’ignoble Thiers, massacrèrent, sans nul souci de la justice ou de l’équité, quiconque leur semblait suspect. Un maire de Paris, qui n’était point du côté des rebelles, a déclaré : « J’ai la conviction profonde que l’on a fusillé plus d’hommes qu’il n’y en avait derrière les barricades. » Et les historiens bourgeois, dont la partialité est révoltante dès qu’il s’agit de la Commune, reconnaissent que 20.000 malheureux au moins furent sommairement exécutés par les Versaillais. Jusqu’en 1876, les conseils de guerre continuèrent de prononcer des milliers de condamnations à mort, au bagne, à la déportation. Et les assassins qui présidèrent à ces tueries occuperont longtemps les plus hautes charges de l’État. Ainsi, la Troisième République a débuté, tout comme la Restauration et le Second Empire, en installant un terrorisme de droite.

Aujourd’hui, la Terreur règne en maîtresse sur la plus grande partie de l’Europe : terreur rouge en Russie, terreur blanche en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, etc… L’installation d’une dictature marxiste en Russie provoqua, par contre-coup, une violente et durable réaction fasciste dans de nombreux pays. Après une tentative de révolution bolchéviste, la terreur blanche s’est installée en Hongrie avec le régent Horthy. En octobre 1922, Mussolini, aidé par les réactionnaires, par de nombreux francs-maçons et par des marxistes traîtres à la classe ouvrière, s’empara du pouvoir par un coup de force. Implacable a l’égard de ses adversaires, le duce ne s’est pas montré plus bienveillant. à l’égard de quelques-uns de ses anciens alliés, les francs-maçons par exemple. Mais il a baissé pavillon devant le pape et s’est fait le protecteur du catholicisme. La malheureuse Pologne étouffe sous la botte de Pilsudski, que les socialistes contribuèrent en 1926 à investir, sinon en droit du moins en fait, du souve-