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donné une telle importance à cette ville, que la vie politique s’y est affirmée pour bénéficier de tous ces avantages et consolider plus facilement sa puissance. Le pouvoir s’organisant en « cette ville » a permis, par le fait de sa centralisation, de donner à Paris une importance plus grande. De ces deux points de vue, aucun n’est suffisamment établi pour prévaloir, encore moins s’imposer. Toutefois, nous préférons cette seconde thèse.

En effet, Paris est un site merveilleux qui explique précisément son rôle important avec sa rivière, ses collines, les plaines fertiles : Beauce et Brie qui l’entourent, son sous-sol avec ses carrières de calcaire et de plâtre, puis ses forêts environnantes, enfin, même au début, ses possibilités de communication avec la Manche et l’Atlantique, le système de routes dont nous avons parlé, cet ensemble permettant un développement facile de la ville et devant l’amener à jouer le rôle que nous savons.

La ville est déjà bien constituée : sa situation de grande cité économique, politique, intellectuelle au XVIIe siècle est tellement puissante, que la volonté du Roi Louis XIV lui-même ne peut en diminuer l’importance. Or, il n’aime pas « sa ville », elle lui manifeste, malgré les honneurs qu’elle lui décerne, certaine indépendance ; il va créer, de toutes pièces en quelque sorte, Versailles, le château et ses splendeurs qui, lors de sa construction va coûter la vie à des milliers d’ouvriers ; mais, malgré toute la cour qui l’entoure, le roi ne va faire de Versailles qu’une ville artificielle sans importance économique, ni intellectuelle et, plus tard, Louis XVI subira l’emprise de la Ville de Paris et sera obligé de se soumettre à cette centralisation de forces de toutes natures : la ville dominant le Roi.

Paris n’est qu’un exemple pris dans l’ensemble des créations des cités de l’antiquité, du moyen âge et des temps modernes, et nous insistons sur l’importance du développement des routes et des approvisionnements dans la formation de ces cités.

Rappelons encore, en ce qui concerne le rôle économique joué au moyen âge par les premières corporations, celles des Nautes qui, grâce à la Seine et à la situation de Paris dont nous avons parlé, alimentaient considérablement cette ville, acquéraient de ce fait, des privilèges importants et exerçaient une influence politique de premier plan, et toutes les autres corporations des métiers essentiels de la ville s’ajoutaient à celles des « navigateurs » et augmentaient progressivement la puissance de la capitale.

De tout temps, nous trouverons le même processus d’évolution : que ce soit en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Nous l’avons déjà souligné. Il y eut la route des métaux, des épices, de l’alimentation, céréales, poissons, des centres d’échanges.

La voie internationale va compléter la voie nationale, laquelle complète la voie régionale, mais la formation des cités sur ces voies est de même caractère.

« L’Étranger », cette appellation prise dans un sens général, va contribuer au développement de la ville. Si, en dehors des exemples relatifs à l’antiquité cités plus haut, la ville ou la commune s’étaient repliées sur elles-mêmes, sans aucune extériorisation, et surtout sans apport de l’étranger, elles seraient rapidement mortes, sans vie politique.

Le faubourg de la Ville, cette fraction de territoire qui est maintenant, en général, à proximité de la gare, est un débordement de la cité d’antan : ce faubourg n’a, souvent, aucun pittoresque, c’est l’extension de notre Ville créée par l’élément extérieur, c’est le commerce qui est venu là par nécessité, c’est, dans certains, le centre d’affaires immédiat.

Il fut un temps où, en France, les fortifications constituaient une protection limitée et qui paraissait être définitive, mais les nécessités de développement infiniment plus impérieuses que la volonté des hommes, obli-

gèrent ceux-ci à déborder le cadre des murailles imposantes et à créer « le faubourg », et cela malgré les ordonnances royales : la Ville s’affirmait ainsi, en dépit du Roi et du Prévôt. Considérons à quel point l’apport étranger a joué, du point de vue économique et intellectuel. L’invention de l’imprimerie, au XVIe siècle, eut sur la Ville de Lyon, par exemple, une influence considérable. Nous constatons, dans l’ensemble, que la Ville s’est développée surtout sous l’impulsion des éléments d’ordre matériel et intellectuel extérieurs.

Certains bourgs révèlent des aspects intéressants, des souvenirs précieux, dont il faut absolument tenir compte au point de vue de leur originalité et de leur vie passée : ils avaient leur charme pittoresque, leur évocation charmante, mais ils étaient morts au point de vue social, car leurs habitants avaient conservé un esprit adapté aux vieux murs, et une sorte d’hostilité farouche pour « l’étranger » qui, lui, habitait peut-être la Cité fréquentée et éloignée de 50 kilomètres du bourg signalé. C’est que ce bourg, qui eut son histoire, son importance, n’était pas ou n’était plus sur la voie de passage : route ou rivière navigable. Mais un jour, à la faveur d’une nécessité économique, une route a surgi avec ses automobiles, ou une voie de chemin de fer a été créée : voilà le bourg transformé en cité vivante, plus ou moins bien organisée, construite au hasard des modes du moment, moins pittoresque sûrement que le coin détruit, mais vivant et avec des avantages nouveaux.

Où l’importance des moyens de communication s’accentue, c’est précisément au XIXe siècle ; du fait de la voie ferrée, des inventions mécaniques, de la vapeur plus particulièrement. C’est alors le renversement des anciennes valeurs économiques et sociales. C’est le déplacement des échanges ; c’est tel pays, à peu près isolé aux siècles précédents, qui acquiert une prépondérance réelle. Et nous voyons immédiatement le rôle que prennent les « Cités nouvelles ».

Du fait de la modification apportée aux échanges par les voies ferrées, les continents vont bénéficier d’une importance nouvelle et ne vont plus être subordonnés exclusivement à la voie maritime. Création de villes continentales au Canada, en Amérique du Nord, en Angleterre, en France, en Asie, en Russie, etc… Il n’est pas une région au monde qui, dans des proportions diverses, n’ait, du point de vue strictement urbain, bénéficié de cette transformation par la « voie ferrée ».

Le XIXe siècle va devenir le point de départ, pour l’ensemble du monde, d’une évolution considérable : sociale, économique, politique, intellectuelle. L’agglomération urbaine, cette cellule importante, qu’il s’agisse du plus petit village à la plus grande cité, va faire partie intégrante de l’évolution.

Ce XIXe siècle accumule une foule d’activités humaines dans tous les domaines ; mais c’est la richesse réelle à côté d’une immense misère, du fait du désordre économique et social. Des cités meurent, d’autres se créent ; il faut aller vite, il faut que l’usine existe et produise immédiatement ; quant au logement peu importe, il sera où il pourra, au milieu des poussières, des fumées et des boues.

A Paris, sous le Second Empire. un plan d’épuration va être réalisé et qui ne manque pas d’audace ; il supprimera partiellement un nombre de taudis, de ruelles immondes. Des voies larges vont surgir à proximité de cette croisée des chemins de Paris dont nous avons parlé, voies sans originalité, tel le boulevard de Sébastopol, permettant au surplus un certain nombre de spéculations immobilières et aussi une lutte facile contre les émeutes de rues. Ce qui fait surtout l’originalité de cette réalisation, c’est qu’elle est commandée par un plan, le plan du Préfet Haussmann avec une certaine vue d’ensemble ; toutefois, il ne s’agit là que d’une transformation partielle de la Capitale, mais que nous