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et voyaient ces hommes libres dont on fait une mécanique sans âme, un « matériel humain » auquel on enlève même la faculté de penser, ils seraient épouvantés.

La Rome antique trouvait parmi ses esclaves des poètes et des philosophes tels les Térence, Cécilius, Plaute, etc., qui lui faisaient plus de véritable honneur que tous ses grands chefs militaires réunis. Elle voyait avec terreur se dresser des Spartacus qui ébranlaient sa puissance et maintenaient, au-dessus de tous les avilissements, l’éternelle et magnifique revendication de la dignité humaine. On voit mal les « fleurs d’humanité » qui pourraient s’épanouir sous le régime de la « rationalisation », sauf des boxeurs, des policiers, des soldats et… des électeurs ! — Edouard Rothen.


SEXOLOGIE n. f, du latin sexus : sexe et du grec logos : discours ou traité. Néologisme non encore admis aux dictionnaires en usage courant, employé fort probablement pour la première fois en France par Eugène Lericolais et Eugène Humbert en juillet 1912, dans la fondation de leur « Bibliothèque de Sexologie Sociale ». La sexologie est la science qui comprend l’ensemble de nos connaissances anatomiques, physiologiques, biologiques, psychologiques et sociales se rapportant à toutes les manifestations de la sexualité sur les êtres vivants. Elle se divise en quatre grandes branches :

I. La sexologie générale, normale ou biosexologie : Différenciation des sexes. Anatomie et physiologie des organes génitaux, fonctions, morphologie. Ovulation. Spermatogénèse. Fécondation, Embryogénèse, Gonocritie. Endocrinologie et neurologie sexuelles. Impuissance. Stérilité.

II. Sexopsychologie : Manifestations internes et externes de la sexualité dans ses relations de causes à effets. Psychologie sexuelle générale. Besoin génital. L’amour. Erotologie. Virilité et féminité psychiques. Psychanalyse.

III. Sexopathologie : Anomalies et malformations. Hygiène et névrose sexuelles. Onanisme et masturbation. Pédérastie et saphisme. Pédophilie. Zoophilie. Fétichisme. Sadisme et Masochisme. Maladies vénériennes.

IV. Sexologie sociale : Nubilité, virginité, célibat et chasteté. Mariage et union libre. Polygamie et polyandrie. Maraichinage. Natalité et fécondité. Loi de population. Prolétariat. Prophylaxie anticonceptionnelle et vénérienne. Stérilisation. Avortement et infanticide. Filles-mères et enfants naturels. Prostitution. Dégénérescence et eugénisme. Éducation sexuelle. Lois et morales régissant les actes et les rapports sexuels.

En dépit de l’interdit méprisant jeté par les religions, particulièrement la religion judéo-chrétienne, sur les organes génitaux et sur les rapports sexuels — parties honteuses, maladies honteuses — l’importance de ceux-ci dans la formation des individus, dans leurs relations, éclate chaque jour davantage aux yeux des penseurs éclairés comme à ceux des hommes libérés des dogmes désuets. On se demande par suite de quelle aberration d’esprit, par crainte de quel « tabou » les générations passées ont pu négliger l’étude franche et rationnelle des organes et des fonctions qui président à la transmission de la vie, à la chose la plus grave qui forme, avec la conservation de l’individu, les deux pôles autour desquels gravite toute matière animée ? Sans doute, la notion de « péché » que les moralistes religieux ont attaché aux relations amoureuses, surtout à l’acte de la copulation, a été pour beaucoup dans le maintien de l’ignorance voulue et peureuse où se sont complus nos ancêtres.

On trouve bien, par ci par là, quelques œuvres : Les Kama-Soutra de Vatsyayana, El Ktab, L’art d’aimer d’Ovide, les Traités secrets à l’usage des confesseurs où les questions sexuelles, les rapports conjugaux, les

lois de l’amour ont été exposés, examinés même avec assez de pénétration intuitive, principalement dans l’œuvre des jésuites ; mais, c’était surtout du point de vue des manifestations extérieures, si l’on peut dire, et d’une manière plutôt psychologique, morale, et le plus souvent pour condamner et non pour instruire. Ce qui faisait déjà dire à Montaigne, au seizième siècle : « Qu’a donc fait aux hommes l’action génitale, si naturelle et si nécessaire, pour la proscrire et la fuir, pour n’oser en parler sans vergogne, et pour l’exclure des conversations ? On prononce hardiment les mots tuer, voler, trahir, commettre un adultère, etc… et l’acte qui donne la vie à un être on n’ose le prononcer ? O fausse chasteté ! Honteuse hypocrisie !… ne sont-ils pas bien brutes ceux qui nomment brutal l’acte qui leur a donné le jour ? » Il faut venir jusqu’au dix-huitième siècle pour voir apparaître les premières études vraiment scientifiques de l’instinct sexuel et de la génération, mais c’est aux dix-neuvième et vingtième siècles qu’il appartiendra d’avoir fait le pas décisif en posant les bases solides de la science de la vie et de sa perpétuation. Parmi les précurseurs citons au hasard : de Graaf, Hunter, Jacob, Spallanzani, Buffon, Malthus avec sa découverte de la « loi de population », Darwin « l’Origine des espèces », H. Spencer ; plus près de nous, Mendel avec les « lois d’hérédité », Raciborski et ses travaux sur l’ovulation, Krafft-Ebing dont la « Psychopathia sexualis » fait toujours autorité en la matière, Garnier avec ses dix volumes bourrés d’observations, le célèbre entomologiste H. Fabre qui nous a laissé de si remarquables révélations sur les mœurs sexuelles des insectes, Joanny Roux « L’Instinct d’amour », qui portait en exergue : « Aimer, comprendre », Steinach, Francillon, Mantegazza, Rémy de Gourmont avec son admirable essai « Physique de l’amour », Camille Mauclair et ses deux ouvrages : La Magie de l’amour et De l’amour physique, Anton Nystom et son courageux livre : La Vie sexuelle et ses lois, G. Hardy La Question de population (le problème sexuel : moyens d’éviter la grossesse, l’avortement), ouvrage poursuivi, condamné et interdit, René Guyon l’audacieux écrivain de La légitimité des actes sexuels, Binet-Sanglé avec Le Haras humain, Camille Spiess, le créateur de la psychosynthèse érotique, Gobineau et les pansexualistes ; les vulgarisateurs aussi : Jean Marestan, dont l’Éducation sexuelle a atteint le chiffre formidable de deux-cent-deux mille exemplaires, Eugène Lericolais avec Peu d’Enfants. Pourquoi ? Comment ? (la gonocritie ou procréation volontaire des sexes) et tant d’autres dont la liste serait trop longue.

Cependant, nous devons une mention toute spéciale aux six sexologues suivants qui sont, à nos yeux, les véritables fondateurs du mouvement actuel :

Auguste Forel, professeur à l’Université de Zurich, psychiatre et naturaliste éminent, dont le très important ouvrage La Question sexuelle fut traduit en seize langues.

Sigmund Freud, le créateur de la psychanalyse, qui contribua surtout à mettre en relief l’influence du fait sexuel sur un grand nombre de manifestations de la vie courante demeurées jusqu’ici inexpliquées.

Gregorio Maranon, professeur à Madrid, dont les admirables travaux sur l’endocrinologie ont ouvert des horizons immenses et à qui nous empruntons la conclusion de son volume sur « l’Évolution de la sexualité et les états intersexuels » : « Pour que chacun fasse correctement son devoir, il faut que l’homme et que la femme prennent conscience de ce qu’ils doivent être. Et pour cela, il faut qu’ils le sachent d’avance. Nous arrivons donc, comme à la clé de voûte d’un arc, à cette conclusion : « Il faut savoir » ; il faut remplacer le mystère du sexe par la vérité du sexe ; la chasteté dangereuse de l’ignorance — qui ne sachant rien in-