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Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/112

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géométrique s’est fixé dans une formule et le sentiment s’est épuisé à rencontrer toujours ces parois de pierre infranchissables qui lui défendent d’aller plus loin. L’Égypte meurt de son besoin d’éternité.

V

Mais son agonie sera longue. Elle aura même, avant de passer le flambeau à des mains plus jeunes que les siennes, un beau réveil d’action. Avec la dynastie saïte, vers le moment où la Grèce entre du mythe dans l’histoire, elle profitera de la décadence assyrienne et de l’organisation intérieure de la puissance médo-persique pour reprendre courage à la faveur de sa sécurité rétablie. Une fois encore elle va regarder autour d’elle et au-dedans d’elle, et découvrir en sa vieille âme toute pénétrée de fraîcheur par le pressentiment confus d’un idéal nouveau, une suprême fleur chaleureuse comme un automne. Elle va bercer la Grèce naissante d’un dernier chant très mâle encore, et très doux.

L’art saïte revient aux sources. Il est aussi direct que l’ancien art memphite. Mais il a presque retrouvé la science de Thèbes, et s’il paraît plus mou que l’art thébain, c’est que sa tendresse est plus active. Maintenant, ce ne sont plus toujours des statues funéraires. Il s’évade de la formule, il produit des portraits fouillés, précis, nerveux, encore des scribes, des statuettes de femmes, des personnages assis à terre, les mains croisées sur les genoux à la hauteur du menton.

L’Égypte n’a pas failli à cette loi consolatrice qui veut que toute société prête à mourir d’épuisement ou qui se sent entraînée dans le courant révolutionnaire, se retourne un moment pour adresser un adieu mélancolique à la femme, à la puissance indestructible qu’elle a généralement méconnue au cours de sa forte jeunesse. Les sociétés en plein essor sont trop idéalistes, trop portées vers la conquête et l’assimilation de l’univers pour regarder du côté du foyer qu’elles abandonnent. C’est seulement sur l’autre versant de la vie qu’elles