Aller au contenu

Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

apparaît, presque intact ou brisé, toute notre humanité tremble. C’est que, de la base au sommet, ce théorème porte la trace de la main. Comme dans les frontons, la symétrie n’est qu’apparente, mais l’équilibre règne, le fait vivant. Les lois de la sculpture, les lois de la nature s’y retrouvent, logique, énergie et silence des plans, frémissement de leurs surfaces. La ligne droite y est, solide comme la raison, aussi la ligne courbe spacieuse, reposante comme le rêve. L’architecte assied l’édifice par ses formes rectangulaires, il le fait remuer par ses courbes dissimulées. L’élan des colonnes est oblique, elles se débordent un peu, comme les arbres d’une allée. Une courbe insensible arrondit l’architrave à leur ligne de faîte. Tous ces écarts imperceptibles, avec les cannelures des colonnes, écorce brisant la lumière, ruissellement d’ombre et de feu, animent le temple, lui donnent comme les battements d’un cœur. Ses piliers ont la force et le tremblement des arbres, les frontons et les frises oscillent comme leurs rameaux. L’édifice, caché derrière le rideau des colonnes, ressemble au bois mystérieux qui s’ouvre quand la lisière est dépassée. Tout noir, le temple de Paestum a l’air d’une bête qui marche.

Ainsi, du temple vivant aux hommes éternels qui peuplent ses frontons et marchent autour de ses frises, l’art grec est indivisible. L’action de l’homme se confond avec sa pensée. L’art vient de lui comme le regard et la voix et le souffle, dans une sorte d’enthousiasme conscient qui est la religion véritable. Une foi si lucide le soulève qu’il n’a pas besoin de la crier. Son lyrisme est contenu, parce qu’il sait sa raison d’être. Il a la sûreté de cette force régulière qui fait jaillir des êtres et du sol, par torrents, le désir et les fleurs. Et l’Apollon d’Olympie qui monte du fronton avec le calme et l’élan du soleil quand il dépasse l’horizon et dont le geste rayonnant domine la fureur des foules, est comme l’esprit de cette race qui sentit régner une seconde, sur le chaos qui nous entoure, l’ordre que nous avons en nous.

Une seconde ! pas plus sans doute, et dont on ne peut déterminer la place. Elle est mystérieuse, elle échappe à nos mesures