Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/33

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poursuivent encore, nous nous demandons pourquoi, et cela aboutit, pour peu que nous ayons quelque courage, à nous ouvrir des chemins que nous n’avions pas soupçonnés. C’est ainsi que l’esprit critique, aiguisé et subtilisé par les déconvenues et les souffrances du développement intellectuel, devient peu à peu l’auxiliaire le plus précieux, et sans doute le plus actif, de l’esprit créateur même.

Je suis un « autodidacte ». Je l’avoue sans honte et sans orgueil. Ce premier volume, qui me pèse, m’a du moins servi à me rendre compte que si je n’étais pas encore, au moment où je l’ai écrit, un peu en dehors du troupeau social, je répugnais déjà à entrer dans le troupeau philosophique. Bien loin qu’une esthétique a priori ait présidé à mon éducation d’artiste, ce sont mes émotions d’artiste qui m’ont progressivement amené à une philosophie de l’art de moins en moins dogmatique. On trouvera, dans beaucoup de ces vieilles pages, les traces d’un finalisme qui, je l’espère, a presque disparu de mon esprit. C’est que j’ai évolué avec les formes de l’art elles-mêmes, et qu’au lieu d’imposer aux idoles que j’adorais une religion qu’on m’avait apprise, j’ai demandé à ces idoles de m’apprendre la religion. Toutes, en effet, m’ont révélé la même, et qu’il était tout à fait impossible, précisément parce qu’elle est universelle, de la fixer.

Je voudrais, en considération de l’effort que j’ai dû faire vers une conception harmonieuse, mais décidément indémontrable, intuitive - et si même on le veut mystique - du poème plastique où les hommes communient ; qu’on me pardonnât la solennité didactique du commencement de mon œuvre. Elle est la marque de la trentième année, chez ceux du moins qui n’ont pas le privilège d’être à vingt ans des hommes libres et des esclaves à quarante ans. Quand l’analyse commence à corroder les illusions primitives, on se raidit, on veut les garder intactes, on se défend contre celles qui s’ébauchent, on tient à rester fidèle à des idées, à des images, à des moyens d’expression qui ne font plus partie de vous.