Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art moderne, 1921.djvu/84

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et des plus poignantes ténèbres. C’est le secret de sa souffrance. C’est à nous d’accepter et de comprendre en regardant au fond de nous, si nous avons aussi souffert. Nous savons qu’il fut marié, et heureux de l’être, qu’il aima sa femme Saskia de tous ses sens, peut-être de tout son cœur, la couvrit de bijoux, la peignit nue, habillée, coiffée... Nous savons qu’il fut riche ou du moins vécut comme un riche avec elle, qu’il fut, quand il devint veuf, poursuivi par des créanciers, traqué de logis en logis, puis pauvre, abandonné de ses amis, livré peut-être à la boisson, vivant au jour le jour avec son fils et une servante maîtresse. Et nous savons qu’à mesure qu’il s’enfonça plus avant dans la solitude, sa solitude se peupla. Nous savons que l’expression devint plus concentrée et plus intense cependant que les harmonies superficielles, d’abord presque violentes, s’exaspérant avec la joie de peindre, le rire, l’éclat des joyaux et des vins, se faisaient peu à peu discrètes pour arriver à fondre à la fin leurs ruissellements d’étincelles, leurs ors roux, leurs ors pâles tissés de bleus, leurs ors verts, leurs verts éteints envahis d’or, dans la même masse sourde et fauve où, ne possédant plus d’écrins, il avait mêlé la poussière de ses rubis, de ses topazes, de ses perles, à l’inépuisable trésor du soleil et de l’ombre qu’il remuait en roi, à pleines mains. Nous savons que les architec cl. (iirauden. Rembrandt. Etude, dessin. (Louvre)