Page:Faydit de Terssac - À travers l’Inde en automobile.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
En Bengale

le fleuve et sur chacune d’elles s’élèvent des bungalows, dont les jardins dégringolent jusqu’aux flots sacrés, en tapis de verdure mariés aux parterres fleuris.

Une horde de fakirs a établi son quartier général au bord de l’eau, près d’un temple consacré à Shiva. Chacun d’eux possède une tente ou un pavillon de toile, un bol pour recevoir les aumônes, une cruche à eau en cuivre, des pinces à feu. Ils pèlerinent pour célébrer la visite d’un dieu qui vient, suivant leurs calculs, rendre honneurs à Ganga, la déesse du Gange. Une cordelette nouée autour des reins, des nattes de jute entortillées en turban sur la tête, composent tout leur vêtement. Ils ont le visage barbouillé d’ocre, de plâtre, le corps frotté de cendres, les yeux hagards, les membres meurtris, les chairs abimées par les lacérations, les charbons ardents, les pics de fer qu’ils emploient pour leurs austérités. La majorité sont de pauvres diables de caste inférieure mourant de faim qui trouvent dans l’ascétisme la nourriture quotidienne que les pieuses femmes ne manquent jamais d’apporter aux « Saints ».

Une foule considérable assiège leur camp : l’un demande un conseil, l’autre une guérison, une place, quelques uns confient des secrets, des affaires. Agenouillées à leurs pieds, des dévotes s’efforcent de deviner l’avenir dans les nappes de beurre fondu qu’elles répandent, à la prière des ascètes, sur les brasiers qui brûlent doucement devant leurs idoles.