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Page:Faydit de Terssac - À travers l’Inde en automobile.djvu/140

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Les Frontières de l’Afghanistan

thèmes, mais dépourvus d’arbres : la nature, elle, reste inconquérable.

Sur les routes craqueleuses et sèches, les seuls noirs qui circulent sont les courriers, les domestiques, les ordonnances des officiers ; mais, en revanche, l’on croise à tous les pas, au coucher du soleil, le « tomy » arrogant dans son costume kaki, une cambrure de suffisance niaise aux reins ; l’Écossais, démesurément allongé par des pantalons collants à carreaux verts et noirs ; les cavaliers, les amazones, les « buggy » que mènent des lieutenants fringants. C’est un éveil général de la torpeur qui engourdit bêtes et gens pendant les brûlantes heures du jour. Les uns, armés de la banale raquette, se rendent au tennis ou chez des amis, d’autres, partent pour Peschawer afin d’assister aux matchs de polo.

Les femmes se réunissent ordinairement au Club, elles y offrent le thé ; la causerie languissante se voit vite détrônée par le bridge, favori du moment et le « badminton ». L’Anglais ne goûte pas l’échange des idées, simplement comme spéculation sans but de l’intelligence comme délassement ; il n’aime que les faits, et à Noshera la vie uniforme de tous n’en fournit guère. D’un autre côté, il ne trouve qu’un plaisir relatif à dévisager ses voisins afin de découvrir en eux une tare ou un ridicule que la conversation puisse, comme parmi nous, exploiter d’une façon inépuisable. Ils sont simples, cordiaux, respectueux de la liberté individuelle dans toutes ses manifestations.

La chasse, les longues courses à cheval, les bals aux clubs ou dans les garnisons environnantes forment, avec quelques mois de villégiature hymalaïenne, le cycle à peu près complet des distractions d’une femme d’officier aux Indes.

Quelquefois, les fanfares de régiment jouent au Club, et tout le monde y vient ce jour-là, pour écouter les « bag pipe », dont les petites notes aigrelettes sonnent infiniment tristes, éveillant dans ces âmes la nostalgie des horizons brumeux et des moors lointains de leur vieille Angleterre.

Une route militaire longe l’Indus d’Attok à Noshera et se continue sur Peshawer, en lacet blanc, entre le fleuve parsemé de rocs gris contre lesquels se brisent les flots bleutés et les monts argileux qui barrent la vue du côté des mystérieuses contrées afghanes dont si peu d’Européens reviennent pour conter les merveilles. L’atmosphère de ces régions est lourde de ruse, de sauvagerie latente, de violence contenue. Ce sol paraît asservi comme le reste de l’Inde, mais la haine du chrétien, vivace parmi les populations musulmanes couve lentement dans leur cœur, ranimé