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Page:Faydit de Terssac - À travers l’Inde en automobile.djvu/207

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À Travers l’Inde en Automobile

centaines de millions. Ils adorent le soleil, suivent la religion de Zoarastre et les préceptes du Zend Avesta.

Le matin, ils se lèvent avant l’astre divin pour le saluer de prières ferventes, et le soir, à son déclin, ils se tournent pieusement vers le couchant, en lui envoyant une dernière salutation. Au bord de la plage, on les voit tous les jours, à la fin de l’après-midi, contemplant longuement leur dieu qui s’abîme dans les flots. La mer chaude et parfumée, qui enserre Bombay, monte dans les jardins et baigne presque la voie ferrée, est l’unique, la vraie poésie de la ville. Elle a capricieusement mordu la presqu’île, creusant des baies, des anses dans la côte, faisant ressortir des promontoires et de longues traînées rocheuses. L’imagination humaine a suivi son fantasque dessin en construisant des bungalows le long de ces sinuosités, et en plantant de fleurs, d’arbres, de buissons variés et odorants les enclos qui les entourent. On garde de Bombay le souvenir d’un décor de feuillages et de couleurs. La vie y est fastidieuse, monotone ; le contact des Européens a enlevé tout caractère aux bazars indigènes et la curiosité n’a plus de ce côté-là aucun aliment.

Il reste pour tromper l’ennui, l’arrivée et le départ des mails[1], et quelques promenades en auto aux environs de la ville. C’est encore la mer qui procure la plus agréable distraction : la traversée de la rade jusqu’aux caves d’Eléphanta. Au sein d’une colline boisée, envahie par la jungle, s’ouvre ces fameuses grottes, célèbres dans l’antiquité indoue par les victimes humaines qu’on y immolait à Kali la féroce. Sculptée dans le roc, d’une grandeur plus que naturelle, la Trimurti effare par ses proportions colossales. Les faces de Brahma au milieu, Shiva à gauche, Vichnou à droite, réunies en une seule tête, vont du sol à la voûte en un bloc de granit gigantesque et serein. Des géants armés de massues, des griffons ailés, la gueule fendue, menaçante, gardent l’entrée des caves.

Aucune trace de la dévotion qui amenait ici des milliers de pèlerins ne subsiste ; les indigènes visitent rarement ce sépulcre des dieux, qu’explorent seuls les touristes désœuvrés.

Du sommet de l’îlot l’on surplombe l’immense Océan, Bombay qui apparaît dans le lointain blanche, fleurie, la route des steamers venant d’Europe et celle de la côte vers Poona et le Dekkan que bientôt nous suivrons.

  1. La malle d’Europe.