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En Bengale

rentre, il saute à bas d’un superbe pur sang arabe, gravit lestement le perron et naturellement reste pétrifié en voyant son domicile envahi par des Européens. Sans me donner le temps de lui fournir une explication, il dégringole les marches, enfourche son cheval et s’éloigne au galop. C’est le babou en question : un Musulman barbu, à l’air féroce. L’hospitalité, une des lois du Coran, ne nous sera certainement pas refusée, mais pourquoi cette retraite précipitée ?

L’excellent homme est simplement aller chercher un interprète, car il revient suivi de deux de ses amis qui nous souhaitent mille prospérités en son nom.

Un important commerce de soieries le retient habituellement à Burwa, aussi il n’habite guère ce bungalow, sorte de maison de plaisance, que pendant les mois de la saison fraîche ; il nous fait prier d’user en toute liberté de ce que renferme la villa. Il ouvre les armoires, les commodes et met à notre disposition un curieux attirail de pinces, de cuillers, de tasses d’argent, de verres pour les sorbets. Des charrettes à bœufs apportent de chez lui des grands plats de pilau, des viandes hâchées et du café délicieux, que nos récents amis prennent en notre compagnie et assaisonnent de mille graines aromatiques.

La pluie a cessé, la lune essaie de percer les nuages qui obscurcissent sa face pâle ; un instant elle brille, dégagée de toutes vapeurs. À sa vue, nos hôtes s’agenouillent, les mains jointes sur leurs têtes, ils chantonnent à notre intention une prière pour les voyageurs. L’un d’eux en se relevant jette à mes pieds un serpent qu’il vient de tuer : « Allah l’a voulu, dit-il, que son ombre te protège comme son serviteur t’a sauvée ».