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À Travers l’Inde en Automobile

quer les manuscrits, les dossiers, les recueils de gravures, les livres persans et hindous qui surchargent les rayons. La plupart traitent de questions historiques ; des invasions, des révoltes, de la puissance des Mahométans, de leurs querelles, et enfin de leur soumission à l’Angleterre.

Sous une pièce d’étoffe loqueteuse qu’un « boy » enlève prestement, Fuzzle nous fait admirer un spécimen de Coran sur papyrus, unique au monde, dont la légende affirme que le texte fut écrit de la main même du Prophète. Une histoire de Perse sur parchemin ayant appartenu à Alexandre-le-Grand, avec des planches coloriées représentant des batailles, des guerriers ; plusieurs livres mementos envoyés par les Empereurs de Delhi aux gouverneurs du Bengale complètent la bibliothèque de Moorshidabad. La fantaisie des artistes orientaux s’est donnée libre carrière dans l’exécution des pages peintes : des femmes se baignent dans un lac d’azur, des fleurs d’or poussent parmi d’étranges arabesques, rehaussées par des lozanges de teintes douces et effacées. Tout cela d’un soigné infini dont la brisure, la courbe et la nature des lignes produit un ensemble sans grandeur. La pensée forte, inspiratrice, a manqué, nul lien ne joint entre elles ces œuvres de détail. Dans leur art, comme dans leur éloquence, les Orientaux ne s’élèvent jamais à la représentation de l’Idéal, ils s’attachent à rendre parfaitement une beauté matérielle particulière, aussi leurs créations les plus vantées laissent l’âme indifférente et rassasient vite la curiosité.

Parmi les indigènes, quelques intelligences d’élite se rendent compte de cette insuffisance de leur race et tâchent d’y remédier par l’adoption de la civilisation occidentale. Malheureusement, ils n’en acceptent que les effets matériels, sans connaître et sans vouloir rechercher la véritable cause de la supériorité européenne. Fuzzle est de ce nombre. Il rêve pour l’Inde une Renaissance prochaine, glorieuse, dominée par le drapeau de Mahomet et asservie à ses lois. Son regard sombre brille à l’idée des champs de bataille où les indigènes feraient gronder des canons et ses narines frémissent en songeant qu’ils seraient armés de fusils anglais.