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la créature féminine qui lui tenait si fort à cœur. C’est sans fondement que quelques critiques modernes ont nié cette anecdote, comme si la vérité de l’histoire devait être sacrifiée à la gloire des hommes célèbres. Aristote mourut à 63 ans, l’an 322 avant J.-C., deux années après la mort d’Alexandre.. Les Stagyrites lui dressèrent des autels, et lui consacrèrent un jour de fête. Il ne paraît cependant pas trop qu’il dût exciter tant d’admiration par ses vertus, ni par sa doctrine religieuse et morale. Sans parler des crimes dont Diogène Laërte et Athénée le disent coupable avec Hermias, de sa conduite insensée et impie envers Pythaïs ; on connaît les efforts qu’il fit pour décrier tous ceux qui avaient acquis quelque réputation, les médisances et les injures avec lesquelles il les opprima, les faussetés manifestes qu’il leur imputa, la manière dont il abandonna Hermias dans ses disgrâces, ses jalousies contre Speusippe, ses animosités contre Xénocrate, les troubles qu’il fomenta dans la cour de Philippe et d’Alexandre-le-Grand ; enfin sa perfidie envers ce même Alexandre, son bienfaiteur découvre assez quel était le fond de son cœur. Xiphilin nous apprend que l’empereur Caracalla fit brûler tous les livres de ce chef des Péripatéticiens, en haine du conseil détestable qu’il avait donné à Antipater, d’empoisonner Alexandre. Il prétendait que Dieu était sujet aux lois de la nature, sans prévoyance, sourd et aveugle pour tout ce qui regarde les hommes ; croyait le monde éternel, et, selon l’opinion commune de ses commentateurs, l’âme mortelle. Il tourna en ridicule ceux qui voulurent ramener les hommes à la croyante d’un seul Dieu, disant que cette


manière de penser était, il est vrai, d’un sage et d’un homme de bien, mais qu’elle manquait de prudence, puisqu’en agissant ainsi, ils nuisaient à leurs propres intérêts, et s’exposaient au ressentiment des polythéistes : belle morale, et digne d’un chef des philosophes. (Voyez Platon, Stilpon.) Si nous en croyons Diogène Laërce, sa mort fut semblable à sa vie ; il s’empoisonna, pour se soustraire à la colère de Médon. Mais saint Grégoire de Nazianze, saint Justin et d’autres écrivains, disent qu’il se précipita dans l’Euripe. Il laissa, de Pythaïs, une fille, qui fut mariée à un petit-fils de Demaratus, roi de Lacédémone. Il avait eu d’une autre concubine un fils, nommé Nicomachus, comme son aïeul, c’est à lui qu’il adressa ses livres de Morale. Le sort d’Aristote, après sa mort, n’a pas été moins singulier que durant sa vie. Il a été longtemps le seul oracle des écoles ; et on l’a trop dédaigné ensuite. Le nombre de ses commentateurs, anciens et modernes, prouve le succès de ses ouvrages. Quant aux variations que sa mémoire a éprouvées, elles lui sont communes avec tous les fondateurs des sectes philosophiques, et tiennent autant aux caprices de la postérité qu’à la nature des systèmes enseignés. Diogène Laërte rapporte quelques-unes de ses sentences qui n’ont rien de bien extraordinaire, et dont quelques unes sont outrées ou fausses, d’autres trop recherchées. « Les sciences ont des racines amères, mais les fruits en sont doux… L’amitié est comme » l’âme de deux corps : Il y a la même différence entre un savant et un ignorant, qu’entre un homme vivant et un cadavre… Il n’y a rien qui vieil— » lisse sitôt qu’un bienfait… L’espérance est le songe d’un homme