Page:Femmes-poëtes de la France, éd. Blanvalet, 1856.djvu/11

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PRÉFACE.

Si nous suivons d’un regard attentif la Poésie française dans sa pérégrination à travers les derniers siècles, nous la voyons, et non sans étonnement, changer à certaines époques, de ton, d’allure, de coutumes, de mœurs, de vêtement même, en un mot se métamorphoser, et si bien que les fidèles attachés à ses pas la méconnaissent et la renient.

Jusqu’au temps du Roi-Chevalier, ce brave et galant François qui perdit tout, fors l’honneur, c’était une gente bachelette à la gorgerette échancrée, au cotteron de serge, fraîche, vive, accorte, ayant plein la bouche de naïvetés adorables, et un petit air bonhomme qui lui faisait pardonner de grand cœur ses bons rires, souvent, s’il faut le dire, un peu hasardés. La Poésie alors était la bienvenue, à toute heure, en tout lieu, soit qu’elle relevât le loquet de la cabane, soit qu’elle sonnât du cor devant le pont-levis du château. C’était une franche et lie vie que la sienne : vous la rencontriez à chaque tournoi, à chaque fête, en compagnie des jongleurs et de ceux du gay sçavoir ; elle se glissait après le couvre-feu dans la chambre de la châtelaine pour requérir d’amour la pauvre dame de