Page:Femmes-poëtes de la France, éd. Blanvalet, 1856.djvu/134

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Son image pour vous est un rêve imparfait ;
Mais nos foyers éteints, mais nos tables désertes,
Nos demeures aux vents ouvertes,
Sont les moindres maux qu’elle fait !

La pauvreté ! Tout meurt sous sa serre cruelle !
Cet esprit lumineux, dont la vive étincelle
Pétillait à vos yeux comme l’âtre en hiver,
S’obscurcit tout à coup, et vous laisse dans l’ombre :
Savez-vous quel nuage sombre
Amortit ce lucide éclair ? …

La pauvreté ! Ce cœur, dont l’altière noblesse
Resplendit si long-temps, sans tache et sans faiblesse,
Dément-il aujourd’hui ce qu’il était hier ?
Cherchez bien le secret d’une chute si prompte,
Et quel joug de plomb, ou de honte,
A courbé cet honneur si fier ! …

La pauvreté ! … Ce mot, qui de vous sait l’entendre ?
Manquer à tous les biens, qu’on avait droit d’attendre ;
Vivre jeune sans joie, aimante sans époux,
Tandis que jour et nuit l’âpre travail dévore
Un éclat que long-temps encore
Eût épargné le temps jaloux ;