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Les souvenirs pressés se dressaient sous mes pas.
Mais je n’y vins pas seule, et je ne pleurai pas.
Palpitante et fixant partout des yeux avides,
Dans le verger inculte et dans les chambres vides,
J’errais, cherchant toujours dans ce lieu tant rêvé
Ce qui dans mon cœur seul est à jamais gravé ;
Mais je cherchais en vain, et mes seules pensées
Créaient autour de moi des traces effacées.

Sur ces gazons, les miens n’étaient jamais venus ;
Les sentiers du jardin m’étaient tous inconnus ;
Et ces arbres nouveaux, me froissant le visage,
Semblaient des ennemis placés sur mon passage.
Jamais mon front serein, sous leur ombre incliné,
De leurs naissantes fleurs ne s’était couronné ;
Les figuiers qui paraient notre table frugale,
Les rosiers embaumés, à la fleur virginale,
Que j’avais de mes mains arrondis en berceaux ;
Les pommiers dont ma mère émondait les rameaux,
Tous étaient disparus, ou, dans la cour déserte,
Gisaient noirs et séchés sur l’herbe épaisse et verte ;
Squelettes déformés, déplorables débris
De ceux que j’avais vus si frais et si fleuris !