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On y voit la laideur ou la beauté qu’en nous
La bisarre Nature a mise :
Aucun défaut ne s’y déguise ;
Aux Rois comme aux Bergers vous les reprochez tous ;
Aussi ne consulte-t-on guère
De vos tranquilles eaux le fidelle cristal ;
On évite de même un ami trop sincère :
Ce déplorable goût est le goût général.
Les leçons font rougir ; personne ne les souffre :
Le fourbe veut paraître homme de probité.
Enfin, dans cet horrible gouffre
De misère et de vanité
Je me perds ; et plus j’envisage
La foiblesse de l’homme et sa malignité,
Et moins de la Divinité
En lui je reconnais l’image.
Courez, Ruisseau, courez ; fuyez-nous ; reportez
Vos ondes dans le sein des Mers d’où vous sortez,
Tandis que, pour remplir la dure destinée
Où nous sommes assujettis,
Nous irons reporter la vie infortunée
Que le hazard nous a donnée
Dans le sein du néant dont nous sommes sortis.