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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/101

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TÉLÉMAQUE.

je le surprenais dans cette posture penchée : déjà il reculait, quand je haussai mon ceste pour tomber sur lui avec plus de force : il voulut esquiver ; et perdant l’équilibre, il me donna le moyen de le renverser. À peine fut-il étendu par terre, que je lui tendis la main pour le relever. Il se redressa lui-même, couvert de poussière et de sang ; sa honte fut extrême ; mais il n’osa renouveler le combat.

Aussitôt on commença les courses des chariots, que l’on distribua au sort. Le mien se trouva le moindre pour la légèreté des roues et pour la vigueur des chevaux. Nous partons : un nuage de poussière vole, et couvre le ciel. Au commencement, je laissai les autres passer devant moi. Un jeune Lacédémonien, nommé Crantor, laissait d’abord tous les autres derrière lui. Un Crétois, nommé Polyclète, le suivait de près. Hippomaque, parent d’Idoménée, qui aspirait à lui succéder, lâchant les rênes à ses chevaux fumants de sueur, était tout penché sur leurs crins flottants ; et le mouvement des roues de son chariot était si rapide, qu’elles paraissaient immobiles comme les ailes d’un aigle qui fend les airs. Mes chevaux s’animèrent, et se mirent peu à peu en haleine ; je laissai loin derrière moi presque tous ceux qui étaient partis avec tant d’ardeur. Hippomaque, parent d’Idoménée, poussant trop ses chevaux, le plus vigoureux s’abattit, et ôta à son maître l’espérance de régner. Polyclète, se penchant trop sur ses chevaux, ne put se tenir ferme dans une secousse ; il tomba : les rênes lui échappèrent, et il fut trop heureux de pouvoir en tombant éviter la mort. Crantor voyant avec des yeux pleins d’indignation que j’étais tout auprès de lui, redoubla son ardeur : tantôt il invoquait les dieux, et leur promettait de riches offrandes ; tantôt il parlait à ses chevaux pour les animer : il craignait que je ne passasse en-