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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/108

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LIVRE v.

peuple, il ne le trouvera peut-être pas assez accoutumé à camper, à se ranger en bataille, ou à dresser des machines pour assiéger une ville, mais il le trouvera invincible par sa multitude, par son courage, par sa patience dans les fatigues, par son habitude de souffrir la pauvreté, par sa vigueur dans les combats, et par une vertu que les mauvais succès mêmes ne peuvent abattre. D’ailleurs si le roi n’est point assez expérimenté pour commander lui-même ses armées, il les fera commander par des gens qui en seront capables ; et il saura s’en servir sans perdre son autorité. Cependant il tirera du secours de ses alliés ; ses sujets aimeront mieux mourir que de passer sous la domination d’un autre roi violent et injuste : les dieux mêmes combattront pour lui. Voyez quelles ressources il aura au milieu des plus grands périls. Je conclus donc que le roi pacifique qui ignore la guerre est un roi très-imparfait, puisqu’il ne sait point remplir une de ses plus grandes fonctions, qui est de vaincre ses ennemis ; mais j’ajoute qu’il est néanmoins infiniment supérieur au roi conquérant qui manque des qualités nécessaires dans la paix, et qui n’est propre qu’à la guerre.

J’aperçus dans l’assemblée beaucoup de gens qui ne pouvaient goûter cet avis ; car la plupart des hommes, éblouis par les choses éclatantes, comme les victoires et les conquêtes, les préfèrent à ce qui est simple, tranquille et solide, comme la paix et la bonne police des peuples. Mais tous les vieillards déclarèrent que j’avais parlé comme Minos.

Le premier de ces vieillards s’écria : Je vois l’accomplissement d’un oracle d’Apollon, connu dans toute notre île. Minos avait consulté le dieu pour savoir combien de temps sa race régnerait, suivant les lois qu’il venait d’établir.