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LIVRE viii.

pour concerter avec lui les moyens de se venger de Télémaque.

Elle raconta à Neptune ce que Jupiter lui avait dit. Je savais déjà, répondit Neptune, l’ordre immuable des destins : mais si nous ne pouvons abîmer Télémaque dans les flots de la mer, du moins n’oublions rien pour le rendre malheureux, et pour retarder son retour à Ithaque. Je ne puis consentir à faire périr le vaisseau phénicien dans lequel il est embarqué. J’aime les Phéniciens, c’est mon peuple ; nulle autre nation de l’univers ne cultive comme eux mon empire. C’est par eux que la mer est devenue le lien de la société de tous les peuples de la terre. Ils m’honorent par de continuels sacrifices sur mes autels ; ils sont justes, sages et laborieux dans le commerce ; ils répandent partout la commodité et l’abondance. Non, déesse, je ne puis souffrir qu’un de leurs vaisseaux fasse naufrage ; mais je ferai que le pilote perdra sa route, et qu’il s’éloignera d’Ithaque où il veut aller.

Vénus, contente de cette promesse, rit avec malignité, et retourna, dans son char volant, sur les prés fleuris d’Idalie, où les Grâces, les Jeux et les Ris, témoignèrent leur joie de la revoir, dansant autour d’elle sur les fleurs qui parfument ce charmant séjour.

Neptune envoya aussitôt une divinité trompeuse, semblable aux songes, excepté que les songes ne trompent que pendant le sommeil, au lieu que cette divinité enchante les sens des hommes qui veillent. Ce dieu malfaisant, environné d’une foule innombrable de Mensonges ailés qui voltigent autour de lui, vint répandre une liqueur subtile et enchantée sur les yeux du pilote Achamas, qui considérait attentivement à la clarté de la lune le cours des étoiles,