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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/185

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TÉLÉMAQUE.

Pendant que je tâchais d’adoucir par ces paroles les peines de mes compagnons, je cachais au fond de mon cœur une douleur mortelle. C’était une consolation pour moi, que la lumière du jour me quittât, et que la nuit vint m’envelopper de ses ombres pour déplorer en liberté ma misérable destinée. Deux torrents de larmes amères coulaient de mes yeux, et le doux sommeil leur était inconnu. Le lendemain, je recommençais mes travaux avec une nouvelle ardeur. Voilà, Mentor, ce qui fait que vous m’avez trouvé si vieilli.

Après qu’Idoménée eut achevé de raconter ses peines, il demanda à Télémaque et à Mentor leur secours dans la guerre où il se trouvait engagé. Je vous renverrai, leur disait-il, à Ithaque, dès que la guerre sera finie. Cependant je ferai partir des vaisseaux vers toutes les côtes les plus éloignées, pour apprendre des nouvelles d’Ulysse. En quelque endroit des terres connues que la tempête ou la colère de quelque divinité l’ait jeté, je saurai bien l’en retirer. Plaise aux dieux qu’il soit encore vivant ! Pour vous, je vous renverrai avec les meilleurs vaisseaux qui aient jamais été construits dans l’île de Crète ; ils sont faits du bois coupé sur le véritable mont Ida où Jupiter naquit. Ce bois sacré ne saurait périr dans les flots ; les vents et les rochers le craignent et le respectent. Neptune même, dans son plus grand courroux, n’oserait soulever les vagues contre lui. Assurez-vous donc que vous retournerez heureusement à Ithaque sans peine, et qu’aucune divinité ennemie ne pourra plus vous faire errer sur tant de mers ; le trajet est court et facile. Renvoyez le vaisseau phénicien qui vous a porté jusqu’ici, et ne songez qu’à acquérir la gloire d’établir le nouveau royaume d’Idoménée pour réparer tous ses malheurs. C’est à ce prix, ô fils